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Vrai ou faux
Viols perpétrés par le Hamas : les féministes restent-elles silencieuses ?

Les critiques envers les féministes se multiplient ces dernières semaines. Elles sont accusées de ne pas condamner les viols perpétrés par le Hamas le 7 octobre et d'avoir une indignation à "géométrie variable". Le Vrai ou Faux a vérifié leurs prises de positions.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Une banderole, Violées, mutilées, tuées par le Hamas, qu'attendez-vous pour condamner et agir, à Paris,  le 25 novembre 2023, lors de Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. (SERGE TENANI / HANS LUCAS)

"Appel aux féministes : il est temps de soutenir toutes les femmes israéliennes qui ont été violées, torturées, tuées et kidnappées par les terroristes du Hamas." C'est ainsi que l'on peut traduire l'appel lancé par le compte officiel X de l'État d'Israël le 5 novembre dernier, quasiment un mois jour pour jour après l'attaque terroriste du Hamas. "Soutenir le Hamas ou rester silencieuses, c'est se mettre du côté des méchants meurtriers responsables de ces atrocités contre les femmes."

L'accusation est lourde et elle n'a pas tardé à être reprise dans différents pays, dont la France. Le 9 novembre, la rabbine Delphine Horvilleur se demande : "Où sont les féministes ?" Le 22 novembre, l'autrice féministe Sarah Barukh s'interroge dans une tribune publiée par L'Express , accusant le collectif Nous Toutes et la Fondation des Femmes de ne pas prendre position : "Les juives ne sont-elles pas des victimes dignes d'être pleurées et défendues ?"

Cette critique a culminé dans le cadre de la journée de mobilisation du 25 novembre contre les violences faites aux femmes. "Cette année je suis restée muette et interdite face à la sororité à géométrie variable des féministes", a déploré le lendemain de la manifestation la féministe Sophie Gourion qui avait créé dans les années 2010 le Tumblr "Les mots tuent" pour dénoncer le traitement médiatique des féminicides. Les féministes sont-elles vraiment restées muettes sur les viols perpétrés par le Hamas le 7 octobre ? Le Vrai ou Faux a vérifié.

Des condamnations directes après les premiers témoignages

Cette question n'aura pas une réponse unique. Il n'est pas possible de parler "du silence des féministes" en général car les organisations, les militantes n'ont pas toutes le même positionnement. Il faut aussi garder à l'esprit que les premiers récits de viols lors de l'attaque du 7 octobre ont commencé à émerger seulement à la fin du mois d'octobre. Israël a publié le 24 octobre une première vidéo d'une soldate affirmant avoir vu des preuves que des femmes avaient été violées. D'autres récits de soldats ont été relayés dans les jours et les semaines suivantes. Le 8 novembre, le journaliste israélien Josh Breiner affirme que les enquêteurs israéliens ont, pour la première fois, recueilli un témoignage direct des viols. Il est retweeté par l'État hébreu. Une semaine plus tard, le 14 novembre, Israël annonce avoir ouvert une enquête sur les viols du 7 octobre.

Une fois cela rappelé, quelles positions ont observé les féministes ? Le 10 novembre, quelques jours après la révélation de ce premier témoignage direct, la Fondation des Femmes publie un message clair sur le réseau social X : "La Fondation des femmes condamne sans réserve les crimes sexuels commis par le Hamas, à la suite des attaques terroristes du 7 octobre dernier, dont les témoignages commencent à émerger. Elle exprime sa solidarité la plus totale à l'égard des victimes et de leurs proches."

Le même jour, la fondation relaie aussi le travail de l'ONG française We are not Weapons of War ("Nous ne sommes pas des armes de guerre", en français), présidée par la juriste Céline Bardet, qui est en train de recenser les viols du Hamas pour pouvoir les documenter afin qu'ils soient pris en compte. Anne-Cécile Mailfert, la présidente de la Fondation des femmes dénoncera à nouveau les viols du Hamas dans une chronique sur France Inter le 24 novembre dans laquelle elle explique pourquoi elle manifestera le lendemain.

Le 22 novembre, la députée écologiste Sandrine Rousseau, figure du féminisme, a aussi publié un message clair sur le réseau social X : "Le Hamas s'est rendu coupable (entre autres) de féminicides de masse et de viols d'une cruauté particulière."

Le collectif Nous Toutes clarifie sa position et dénonce "une campagne de dénigrement"

Certaines condamnations sont plus indirectes, n'emploient pas les mots de "viols" ou de "crimes sexuels". Le 14 octobre, l'ONU Femmes se dit "profondément alarmée par l'impact dévastateur [de l'attaque] sur les civils, dont les femmes et les filles". Le 25 novembre, pour la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, l'ONU Femmes affirme être "toujours alarmée par les récits de violences basées sur le genre le 7 octobre et appelle à une enquête rigoureuse". La position de l'institution internationale est particulièrement critiquée. Selon Israël, un rassemblement a eu lieu devant les bureaux de l'ONU Femmes à Jérusalem le 27 novembre pour demander une condamnation claire. 

Le collectif Nous Toutes a pris la parole dès le 26 octobre sur le réseau social Instagram pour appeler à un cessez-le-feu. "Nous apportons notre soutien à toustes les civil.es, victimes de la guerre, partout dans le monde. Nous pensons aux civil.es palestinien.nes et israélien.nes", écrit le collectif avant de lister les civils d'autres pays en conflit, comme l'Ukraine. Dans ce communiqué, Nous Toutes dénonce aussi le viol comme crime de guerre en général et a une pensée pour les femmes de Gaza, mais ne mentionne pas clairement ni directement le sort des femmes israéliennes.

Les critiques envers le "silence" prétendu des féministes s'étant intensifiées autour du 25 novembre, Nous Toutes et d'autres collectifs qui ont organisé la journée de mobilisation française dont La Relève féministe, le Conseil national pour les droits des femmes, la CGT, Solidaires et FSU ont publié un nouveau communiqué dans la soirée du 27 novembre, dénonçant une "campagne de dénigrement". "Nous condamnons sans ambiguïté les crimes sexuels et sexistes, viols et féminicides commis par le Hamas, qui ont particulièrement visé les femmes, les personnes LGBTQIA+ et les enfants", affirme le communiqué.

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La sphère féministe divisée

Les organisatrices de la marche en profitent pour expliquer que des organisations et personnes juives ont bien participé à la manifestation, alors que le Crif dénonce l'empêchement d'un cortège de femmes juives dénonçant précisément le silence des féministes sur les viols perpétrés par le Hamas. Selon Nous Toutes, ce cortège a été encadré par les forces de l'ordre parce qu'il comprenait des personnes d'extrême-droite.

Ces deux versions montrent à quel point le sujet est clivant au sein de la sphère féministe. Preuve en sont ces deux tribunes : l'une publiée par le Media le 21 novembre, disant reconnaître "la stratégie longuement éprouvé du pinkwashing israélien" dans la volonté de faire reconnaître un "féminicide de masse" le 7 octobre, et signée par le sociologue Sam Bourcier, la philosophe Elsa Dorlin, l'autrice Fatima Daas ou encore la féministe Morgane Merteuil ; l'autre publiée dans le magazine L'Express le 27 novembre, signée par la sénatrice féministe Laurence Rossignol, la militante féministe antiraciste Brigitte Stora ou encore la communiste Catherine Vieu-Charier, dénonçant un "curieux féminisme" et une "remise en cause de décennies de combats féministes" dans "l'abandon de la solidarité envers toutes les femmes".

Happening de l'extrême droite à la marche parisienne du 25 novembre

L'extrême-droite a par ailleurs fait un happening pendant la manifestation, via le collectif féministe Némésis. Des militantes se sont infiltrées dans la manifestation, se sont fait passer pour ce qu'elles appellent des "néoféministes" et ont brandi des pancartes aux slogans volontairement provocateurs notamment envers les personnes blanches : "Si tu es blanc, tu es problématique", "A bas la reproduction blanche" ou encore "A bas les flics, les blancs et les fachos".

Par ce geste, elles ont voulu prouver qu'il était possible de brandir de tels slogans sans encombre dans la marche Nous Toutes et par conséquent dénoncer ce que Némésis estime être des "dérives" du mouvement féministe. Certains internautes relaient la photo des militantes de Némésis sans aucun contexte, laissant penser qu'il s'agit de véritables revendications.

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