Trois questions sur le passage à 120 km/h sur l'autoroute, proposé par Yannick Jadot
Jeudi 3 février, dans le "8h30 franceinfo", Julien Bayou, secrétaire national d'EELV, a confirmé que le passage de 130 à 120 km/h sur les autoroutes fait partie du programme de Yannick Jadot pour l'élection présidentielle de 2022.
Réduire la vitesse maximale autorisée sur l'autoroute de 10 km/h peut-il réduire la pollution et la mortalité sur l'autoroute sans pour autant faire perdre du temps de trajet ? Oui, selon Julien Bayou, secrétaire national d'EELV, qui était l'invité du 8h30 politique de franceinfo jeudi 3 février.
Le 25 janvier dernier, sur franceinter, Yannick Jadot avait déjà déclaré que le passage de 130 à 120 km/h était "la bonne question" à se poser, car, selon le candidat EELV à l'élection présidentielle, "cela réduirait très peu le temps de trajet, mais permettrait de réduire les émissions de CO2 et la pollution." Julien Bayou a répété ce même argument ajoutant que c'était un enjeu de sécurité routière et que cette mesure ferait bien partie du programme présidentiel de Yannick Jadot.
On répond à trois questions sur l'impact qu'aurait un passage de 120 à 130 km/h sur l'autoroute en matière de pollution, sécurité routière et temps de trajet.
1Est-ce que passer à 120 km/h sur l'autoroute réduirait les émissions de CO2 ?
Selon le rapport du centre d'expertise du ministère de la Transition écologique (le Cerema) sur les émissions des véhicules, publié en août 2021, plus on roule vite, plus les émissions de CO2 sont importantes, même si cet écart devrait se réduire avec l'évolution dans le temps du "parc roulant automobile, qui évolue vers des véhicules plus propres avec l'arrivée progressive de motorisations alternatives (électriques, hybrides, GPL, hydrogène...)".
À quelle diminution peut-on s'attendre ? L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (l'Ademe) explique, dans un rapport publié en 2014, que réduire la vitesse de 10 km/h sur autoroute permet "d'économiser jusqu’à cinq litres de carburant [...] et près de 12 kg de CO2 sur 500 km ; soit une réduction de 12,5% des émissions de gaz à effet de serre."
Mais quel serait l'impact réel d'une baisse de 10 km/h sur l'ensemble du trafic présent sur le réseau autoroutier, où l'on ne roule déjà pas de façon constante à 130 km/h ? En effet une partie du réseau autoroutier est déjà limitée à 110 ou 90 km/h tout l'année (travaux, proximité des zones urbanisées, échangeurs...) et une autre partie fonctionne à vitesse réduite lorsque le trafic est important ou lors des alertes pollutions. La vitesse moyenne à laquelle on roule sur autoroute en France n'est pas de 130 km/h. D'après l'observatoire national interministériel de la sécurité routière (l'ONISR), en 2019, la vitesse moyenne des voitures de tourisme et des véhicules utilitaires était de 119 km/h.
Enfin, une étude de 2012, du chercheur norvégien Rune Elvik, a montré qu'une baisse de 10 km/h de la vitesse maximale autorisée entraîne une réduction de 3 km/h de la vitesse moyenne avec "cependant une variabilité qui peut être importante." Ce constat a été vérifié en France par le Cerema , au moment du passage au 80 km/h, qui avait démontré que la baisse réelle observée de la vitesse sur les routes nationales et départementales était en moyenne de 4 km/h .
En résumé : oui, il y a un lien direct entre la vitesse de circulation et les émissions de CO2, mais on ne sait pas quel serait l'impact réel de la proposition d'EELV d'abaisser la limite de vitesse sur les autoroutes de 130 à 120 km/h.
2Est-ce que passer à 120 km/h sur l'autoroute ferait baisser la mortalité sur la route ?
En France, les autoroutes ne sont pas les voies de circulation les plus touchées par les accidents mortels. En 2019, sur les 3 498 personnes décédées sur les routes de France, 263 personnes l'ont été sur l'autoroute, d'après l'ONISR.
Mais la vitesse joue effectivement sur le nombre d'accidents. Selon la délégation à la sécurité et à la circulation routières, la vitesse est la première cause de mortalité routière en France et une variation de la vitesse implique une variation significative du risque d'accidents mortels : "Une baisse de 1% de la vitesse moyenne fait baisser mécaniquement de 4,6% le nombre de tués sur autoroute."
De fait, en partant d'une baisse théorique de 10 km/h de la vitesse maximale autorisée sur l'autoroute, soit une baisse de 7,8% de la vitesse, cela conduirait à une baisse théorique du nombre de personnes tuées de 35,8%, soit un peu plus de 90 morts évités par an.
Donc oui, une baisse de la vitesse limite de 130 à 120 km/h permettrait de réduire la mortalité routière sur le réseau qui offre le plus faible risque en France.
3Est-ce que passer à 120 km/h sur l'autoroute réduirait seulement "de très peu" le temps de trajet ?
Dans son rapport final d'évaluation publié en juillet 2020, le Cerema a évalué les effets du passage de 80 à 90 km/h pour un trajet moyen de 20 km. Selon ce rapport, cela provoque un rallongement du trajet d'une seconde par kilomètre. C'est actuellement l'étude de référence française menée sur l'allongement du temps de trajet lié à l'abaissement de la vitesse maximale autorisée pour les routes nationales et départementales bidirectionnelles de France.
Qu’en serait-il pour les autoroutes et le passage de 130 à 120 km/h de vitesse limite ? Selon l'Association des sociétés française d'autoroutes (l'ASFA), le trajet moyen quotidien d'une voiture sur le réseau autoroutier est de 58,5 kilomètres.
Sachant que selon l'ONISR, la vitesse moyenne actuelle des voitures de tourisme et des véhicules utilitaires, sur autoroute limitée à 130 km/h, est de 119 km/h, un conducteur français moyen mettrait donc environ 29 minutes et 30 secondes pour parcourir 58,5 kilomètres. Si on réduisait sa vitesse moyenne de 10 km/h, il mettrait environ 35 minutes. Autrement dit, il perdrait potentiellement cinq minutes sur un trajet moyen quotidien.
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