Le vrai du faux. Y a-t-il "une agression gratuite toutes les 44 secondes", comme l'affirme Jordan Bardella ?
"Nous vivons dans un pays où il y a une agression gratuite toutes les 44 secondes", a dénoncé Jordan Bardella mardi 20 juin sur Europe 1 , au lendemain de la diffusion d'une vidéo montrant la violente agression d'une grand-mère et de sa petite-fille à Bordeaux. Des agressions "de la part de gens qui sont systématiquement les mêmes, c'est-à-dire généralement connus des services de police", a continué le président du Rassemblement national. Dit-il vrai ?
Une victime "toutes les 44 secondes"
Jordan Bardella reprend ici un chiffre souvent convoqué par l'extrême-droite, notamment par la candidate de son parti Marine Le Pen pendant la campagne présidentielle de 2022. Ce chiffre existe bel et bien, mais la présentation qui en est ainsi faite est trop floue voire trompeuse. Il provient de l'enquête Cadre de vie et sécurité, réalisée par l'Insee pour l'année 2018. Selon elle, 710 000 personnes disent avoir été victime d'une agression pendant l'année 2018. Si on étale ce chiffre sur 365 jours, cela fait bien une nouvelle victime toutes les 44 secondes. Un chiffre qui connaît une évolution en dents de scie ces dernières années (887 000 en 2008, 695 000 en 2010), mais qui tend à diminuer.
Néanmoins, ce chiffre parle de victimes et non d'agressions car il est possible que plusieurs personnes aient été victimes de la même agression, le nombre total de faits s'en retrouverait moins élevé que le nombre de victimes. En fait, l'étude de l'Insee ne permet pas véritablement de compter les agressions mais plutôt de compter les victimes.
De la même manière, elle ne permet pas de dire si ces agressions étaient "gratuites" ou non, contrairement à ce qu'affirme le président du Rassemblement national, puisqu'il manque des informations sur ce qu'il s'est passé exactement, sur le contexte. De plus, l'étude ne donne aucune information sur les antécédents des agresseurs, elle ne permet donc pas non plus de dire qu'ils sont "systématiquement les mêmes" ni qu'ils sont "généralement connus des services de police".
Une agression toutes les minutes et demie, selon les forces de l'ordre
Les seuls autres chiffres sur les agressions qui existent sont ceux des forces de l'ordre. Ces chiffres ne parlant que des faits constatés par les autorités, ils ne représentent pas une vision globale des agressions en France, d'autant que, selon l'enquête de l'Insee, seulement une victime sur quatre dépose plainte. Selon les chiffres du service de statistique du ministère de l'Intérieur, il y a eu 240 200 agressions en 2018, soit trois fois moins que le nombre de victimes rapporté par l'Insee. En appliquant le même calcul, cela fait une agression toutes les minutes et demie.
Quant au profil des agresseurs condamnés, la seule chose qu'il est possible d'affirmer est que, selon l' Insee, 40% des personnes condamnées pour des violences volontaires en 2019 avaient déjà été condamnées pour une infraction auparavant.
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