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Le vrai du faux. Non, 94% des femmes qui ont dénoncé le harcèlement sexuel de leur patron n'ont pas perdu leur travail

Antoine Krempf passe au crible des faits repérés dans les médias et les réseaux sociaux. Aujourd'hui, les conséquences sur leur emploi des femmes qui dénoncent le harcèlement sexuel.

Article rédigé par Antoine Krempf
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Avec le mot-clé #balancetonporc, des chiffres erronés circulent sur les femmes qui dénoncent le harcèlement sexuel au travail. Photo d'illustration. (MAXPPP)

Un chiffre tourne beaucoup sur les réseaux sociaux, depuis l'apparition du mot-clé #balancetonporc sur Twitter. Ce mot-clé est utilisé par des centaines de femmes pour raconter sur le réseau social un harcèlement ou une agression sexuelle, la plupart du temps sur leur lieu de travail. Ces témoignages glaçants sont abondamment relayés, commentés voire même critiqués parce que certains estiment que les victimes devraient porter plainte plutôt que de raconter leur histoire sur Twitter. Ils font suite à l'affaire Weinstein, producteur américain accusé d'agressions sexuelles et de viols par plusieurs actrices. 

C'est dans ce contexte qu'un chiffre fleurit un peu partout. "ll faut savoir que 94% des femmes qui ont dénoncé leur patron ou leur employeur pour des faits de harcèlement perdent leur travail donc les conséquences sont payées aujourd'hui par les victimes et peu par les coupables", dénonçait ainsi Céline Picques, porte-parole d'Osez le féminisme, dimanche 15 octobre sur franceinfo. 

C'est faux. Ce chiffre vient de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) et sa directrice générale, Marilyn Baldeck, en réfute l'utilisation : "Ce n'est pas un chiffre qui a une valeur statistique", assure-t-elle. En effet, cette donnée ne concerna pas toutes les femmes. "C'est 95% des femmes qui saisissent l'AVFT qui perdent leur travail. Elles nous saisissent justement parce qu'elles sont sur le point de perdre leur travail (...) ou elles l'ont déjà perdu."  Ces femmes font appel à l'AVFT pour faire valoir leurs droits devant un conseil de prud'homme voire devant une juridiction pénale, si elles ont porté plainte contre le harceleur lui-même.

L'Ifop a fait une étude pour le compte du Défenseur des droits en 2014 sur le sujet. Selon cette étude, 20% des femmes actives interrogées disent avoir été victime de harcèlement sexuel au travail au moins une fois. C'est d'abord le fait d'un collègue, avant l'employeur ou le supérieur hiérarchique. Parmi ces victimes déclarées, 40% affirment que ça s'est terminé en leur défaveur avec notamment un blocage de carrière, un non-renouvellement de contrat voire un licenciement ou une démission forcée.  D'après le rapport, 3 femmes sur 10 confrontées à du harcèlement n'en n'ont parlé à personne et dans 7 cas sur 10 la direction de l'entreprise ou de l'établissement n'en a pas eu connaissance.

En résumé : on ne peut vraiment pas l'appliquer ce chiffre à toutes les femmes qui dénoncent un harcèlement sexuel au travail. Ce que révèle sans doute la popularité de ce chiffre en ce moment, c'est la crainte de ne pas être écoutée et reconnue comme victime donc la peur d'être sanctionnée.

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