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Covid-19 : Jean Castex a-t-il raison de dire qu'il ne peut pas réglementer les espaces privés ?

Sur franceinfo, le Premier ministre a affirmé qu'il ne pouvait pas, juridiquement, imposer aux Français de limiter le nombre de personnes qu'ils reçoivent à leur domicile. 

Article rédigé par franceinfo, Joanna Yakin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le Premier ministre Jean Castex sur franceinfo le 12 octobre 2020. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Le Premier ministre, Jean Castex, invité de franceinfo lundi 12 octobre, a appelé les Français à limiter le nombre d'invités à la maison. "Je le leur demande", a-t-il dit sur un ton solennel. Le Premier ministre a toutefois exclu d'en faire une interdiction inscrite noire sur blanc car "ce n'est juridiquement pas possible", a-t-il justifié, "moi je ne peux pas réglementer les espaces privés dans notre droit positif, constitutionnel", a-t-il poursuivi. En théorie, aucune certitude que cette mesure serait réellement anticonstitutionnelle, mais en pratique, elle serait effectivement difficilement applicable.

Jean Castex (FRANCEINFO)

Une décision du Conseil constitutionnel un peu floue

Au mois d'avril, le gouvernement dirigé par Edouard Philippe a déjà tenté de limiter les rassemblements dans les lieux privés. "Il nous faut éviter les rassemblements qui sont autant d'occasion de propagation du virus. Les rassemblements organisés sur la voie publique ou dans des lieux privés seront donc limités à dix personnes", avait annoncé le Premier ministre de l'époque à l'Assemblée nationale lors de la présentation des mesures de déconfinement.

Mais au moment du déconfinement, cette mesure n'apparaît pas dans le décret d'application de la loi prescrivant les mesures générales pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Seuls les lieux publics sont alors visés dans l'article 7. A l'époque, le gouvernement explique qu'il n'a pas gardé l'idée de restreindre les rassemblements dans les lieux privés car le principe a été retoqué par le Conseil constitutionnel dans un avis rendu le 11 mai.

Or, Nicolas Hervieu, juriste spécialiste en droit public explique que cette décision du Conseil constitutionnel est un peu ambigüe. "Les mesures relatives aux établissements recevant du public et aux lieux de réunion, lesquels ne s'étendent pas aux locaux à usage d'habitation, doivent se concilier avec la préservation de l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité", écrivent les Sages.

Selon le juriste, cette décision peut être interprétée de deux manières différentes : soit il s'agit d'un simple constat, soit il s'agit implicitement d'une incitation à ne pas envisager de viser ces locaux d'habitation. 

Une mesure difficile à mettre en oeuvre

Nicolas Hervieu concède toutefois qu'en tout état de cause, il serait bien difficile de contrôler la taille des rassemblements dans les lieux privés. "Cela impliquerait que les policiers puissent entrer chez vous", explique le juriste. Or un domicile privé est protégé par la loi. Le policier a le droit de pénétrer dans une habitation en cas de délit, de crime, ou sur demande d'un juge, mais en l'état, il s'agirait simplement d'une contravention. "Il faudrait prévoir un texte avec des garanties fortes pour qu'il n'y ait pas d'atteinte grave à votre vie privée pour finalement réprimer une infraction peu importante", explique le juriste.

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