Le vrai ou faux junior répond aux questions sur la phobie scolaire
La phobie scolaire, "c'est une peur irrationnelle d'aller en classe et qui est très forte quand on force l'enfant et l'adolescent à y aller", explique Dr Laelia Benoit, pédopsychiatre, sociologue, chercheuse à l'université de Yale, aux Etats-Unis et autrice d'une enquête inédite sur cette angoisse liée à la pression scolaire. Elle répond pour Le vrai ou faux junior aux questions des élèves des collèges Emile Combes en Gironde, Jean Perrin dans les Hauts-de-Seine et André Derain dans les Yvelines.
La peur des mauvaises notes : "L'angoisse de la performance"
Marie se demande pourquoi son amie "angoisse tout le temps même si elle a de bonnes notes". Selon la pédopsychiatre Laelia Benoit, ce que ressent l'amie de Marie est sans doute "l'angoisse de la performance", c’est-à-dire la peur de ne jamais faire assez bien, ou que la bonne note ne soit qu'un accident et que les prochaines soient mauvaises. C'est angoissant de rater un examen mais c'est normal et c'est même nécessaire, ajoute le Dr Benoit : "Si on se rend compte qu'on peut avoir raté une fois, mais que l'important c'est de progresser, c'est de faire mieux la fois suivante, on se rend compte qu'on n'a pas besoin de réussir parfaitement du premier coup".
La pédopsychiatre ajoute que quand on est adolescent on peut avoir tendance à voir les choses "en tout noir ou tout blanc". "On se dit soit j'ai 20 sur 20, je suis le meilleur et je suis génial, soit si j'ai une mauvaise note et ça signifie que je suis nul, poursuit-elle. C'est comme si la note venait me dire 'ah bah c'est moi en tant que personne qui suis nul'. Et ça, c'est quelque chose sur lequel il faut pouvoir grandir, il faut pouvoir mûrir, se rendre compte qu'une note c'est juste une note, ça ne dit rien de qui vous êtes à l'intérieur".
Non, la phobie scolaire ne touche pas que des enfants qui étaient déjà en souffrance
"Est-ce vrai que la phobie scolaire est un trouble affectant les enfants en raison d'une anxiété ou d'une dépression ?", interroge d'Aymen.
Selon Laelia Benoit, la phobie scolaire peut se développer pour pleins de raisons différentes : "Certaines raisons c'est l'anxiété ou la dépression, mais ça peut aussi arriver chez des gens qui n'ont pas d'anxiété ou dépression mais qui par contre ont été harcelés. Ça peut aussi arriver, par exemple, si on se sent en décalage avec les autres parce qu'on a une dyslexie, une dysgraphie, qu'on a plus de mal que les autres à réussir en classe. Ça peut être parce qu'on a un problème de langue, on n'arrive pas à comprendre ce qui se dit. Ça ne fait pas longtemps qu'on est arrivé en France, ça peut être parce qu'on a du mal à être avec les autres, c'est ce qu'on appelle une phobie sociale. On a toujours l'impression qu'ils nous regardent, qu'on ne sait pas où se mettre".
Le plus important si l'on ressent cette peur, ajoute Laelia Benoit, c'est d'en parler à quelqu'un. Un camarade, ses parents ou encore un enseignant en qui on a confiance. Les adolescents en souffrance psychique peuvent aussi se confier à un psychologue de l'Education nationale, les psy-EN, qui intervient généralement dans plusieurs établissements scolaires. Il faut demander ses coordonnés au secrétariat du collège ou du lycée. Les parents peuvent aussi se rapprocher d'une assistante sociale.
La phobie scolaire concerne entre 2 et 10% des élèves
"Est-ce vrai que 3 à 6% des enfants souffrent de phobie scolaire ?", se demande Bakara.
D'après Laelia Benoit qui a mené une enquête inédite sur la phobie scolaire, cela concerne 2 à 10% des élèves. D'après la chercheuse à l'université de Yale, la crise du Covid et les confinements ont donné encore plus d'ampleur à cette anxiété. Les élèves qui étaient déjà angoissés ont apprécié de pouvoir travailler à la maison. Ils se sont habitués et quand il a fallu revenir en cours, ça a été très dur.
Oui, la phobie scolaire peut, dans certains cas, pousser au suicide
"À quel point la surcharge mentale causée par les études peut mener au suicide ?" , s'interroge Eléa. C'est une question difficile et très importante, pointe Laelia Benoit. En effet, la surcharge mentale peut conduire certains élèves à perdre totalement confiance en eux. Les devoirs à faire, la pression des notes... Ils se sentent débordés, comme l'impression qu'ils vont se noyer dans le stress. On parle du burn-out de l'élève.
Parfois, explique Laelia Benoit, cette surcharge mentale peut donner des idées très noires dans la tête. Mais cela arrive dans un contexte particulier : "C'est rare d'avoir des idées suicidaires ou d'être poussé au suicide uniquement à cause du stress scolaire en général. Quand il y a beaucoup de stress mais que dans la vie ça va bien - par ailleurs, on a des amis, on a des parents qui nous entourent, on se sent aimé, on est bien dans sa peau - en général, on arrive à trouver une solution. En tout cas, à chercher de l'aide, quitte par exemple, à changer de collège, changer de lycée. Mais on arrive ainsi à avoir du soutien".
"Souvent des jeunes pour lesquels la pression scolaire a poussé au suicide, c'est aussi des jeunes qui n'ont pas reçu d'aide à ce moment là, qui se sont trouvés seuls face à cette situation et qui n'ont pas pu, comme ça, s'en sortir".
Laelia Benoit, pédopsychiatre et sociologueà franceinfo
Si on sent qu'on commence à craquer, qu'on commence à se sentir trop pressurisé par la scolarité, il est important de demander de l'aide. On peut aller voir l'infirmière scolaire, s'il y en a une dans le collège. Ou encore le CPE. On n'y pense pas forcément mais le rôle du conseiller principal d'éducation c'est notamment d'écouter le ressenti des élèves. "Il n'y a pas que l'école dans la vie, rappelle Laélia Benoit. Il y a plein d'autres choses. La vie vaut la peine d'être vécue vraiment et donc c'est très important d'aller chercher de l'aide pour se sentir mieux".
Oui, monsoutienpsy s'adresse aux enfants et adolescent en souffrance psychique
"J’ai lu que les systèmes monsoutienpsy et santépsyétudiant ont été mis en place. Est-ce vrai ?", nous demande Camille. Elle a raison, ces deux dispositifs existent. Santépsyétudiant, comme son nom l'indique, s'adresse aux jeunes après le bac tandis que Monsoutienpsy concerne les enfants et les adolescents. Dans les deux cas il s'agit de séances avec un psychologue qui sont entièrement remboursées par l'assurance maladie. Les parents n'ont rien à payer.
Mais le problème, c'est qu'une toute petite minorité de psychologues y participent. Les autres estiment notamment que ce n'est pas assez rémunéré pour bien accompagner les jeunes en souffrance. Le dispositif doit d'ailleurs être revu de fond en comble.
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