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Le sens des mots. Jardin, un pont entre les peuples

Tout l'été sur franceinfo, Marina Cabiten et la sémiologue Mariette Darrigrand s’arrêtent sur les termes qui ont marqué l’actualité de l’année écoulée. Aujourd'hui, le mot "jardin".

Article rédigé par franceinfo, Marina Cabiten
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Après trois mois de fermeture, les jardins de Claude Monet, à Giverny (Eure), vont à nouveau accueillir du public dans un cadre sanitaire strict.  (FRANCE 3)

Le confinement a accentué l’envie des Français de se mettre au vert. Chouchouter son jardin, rêver d’en avoir un… La crise sanitaire a renforcé cette envie de retour à la terre qui émergeait déjà depuis un moment.

franceinfo : Mariette Darrigrand, vous êtes sémiologue spécialisée dans l'analyse du discours médiatique et dirigeante du cabinet Des faits et des signes. “Jardin” est un mot vraiment fascinant.

Mariette Darrigrand : C'est un mot très simple mais très riche, car porteur d’une histoire culturelle fondamentale pour l’identité française et européenne. En fait, on pourrait dire que "jardin" est le mot le plus européen. D’abord, il fait le lien entre notre source latine, au Sud, et notre source saxonne au Nord. Pour comprendre cela, il faut imaginer un instant le premier jardin qui se trouve, dans la campagne romaine, bien à l'abri derrière la maison, la domus. Il s’appelait l’hortus comme on a aujourd’hui dans horticulture. Cet hortus, qui comportait aussi bien des légumes que des fleurs, était limité : en latin l’appelait donc l’hortus conclusus. "Conclus" au sens premier : comportant une petite haie. Or, dans les pays du Nord, cette clôture se disait "gard", ce qui a donné en anglais "garden" ou en allemand "Garten". Quand le latin tardif s’est hybridé avec ces langages nordiques, cela a donné  : l’hortus gardinus. Et c’est la deuxième partie de l’expression qui est restée. D’où notre mot "jardin".

C’est un exemple d’hommes qui d’un bout à l’autre de la terre et dans des cultures très différentes, imaginent les mêmes idées en les nommant différemment.

Oui, exactement, et attendez l’histoire n’est pas finie. Car cette idée de clôture protectrice nécessaire pour faire travailler la terre, et y faire pousser des choses, existait aussi en persan et en hébreu. Et ce mot -là vous le connaissez, c’est le pardesh, le paradis.

Cela donne en espagnol le "Pared", qui veut dire mur. On pense aux jardins clos, à l’intérieur des patios andalous ou des riads marocains. Avec parfois des végétations magnifiques, insoupçonnables depuis l’extérieur. 

C’est justement cette belle luxuriance, odorante et poétique, qui a séduit, figurez-vous, les moines du Moyen-Âge. Ils avaient l’habitude d’écrire qu'Adam et Eve étaient au jardin où se trouvaient l’arbre et la pomme. Mais quand les premiers marchands arabes sont arrivés en Europe, vers le 9e siècle avec dans leurs bagages ce pardesh oriental. Et hop ! Adam et Eve se sont retrouvés... au Paradis.

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