Cet article date de plus de sept ans.

Le sens de l'info. Inculte

Le philosophe Michel Serres et Michel Polacco parlent du mot inculte et Michel Serres préfère donner trois définitions du mot culture.

Article rédigé par franceinfo, Michel Polacco - Michel Serres
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le diplomate franco-italien Bernardino Drovetti mesurant une tête colossale dans le désert en Egypte en 1819. Drovetti (1776-1852) et ses disciples utilisent une ligne à plomb pour mesurer la tête.  (Historica Graphica Collection/Heritage Images/Getty Images)

Inculte. Voilà bien la pire des insultes. Mais la terre peut être inculte, ou en jachère, les cheveux non coiffés sont dits incultes. Même la barbe en broussailles, nous dit le Larousse.

Mais ce sont les ignares qui sont le plus souvent ainsi qualifiés. Ne rien savoir. Ne rien connaître. C’est rare, car dans toutes les civilisations, que ce soit par l’enseignement, ou par le travail, l’homme apprend et se cultive.

Que faut-il donc pour que certains soient incultes ?

Ne rien retenir ? Ne rien écouter. Ou rester en marge de tout…. En fait, l’inculte est celui qui n’a point de culture "intellectuelle". Philosophie, sciences, littérature sont l’apanage des gens cultivés. Plutôt. Avec un certain mépris pour les savoir manuels, ou les savoirs faire.

Mais l’homme sauvage nous apprend beaucoup.

Il est bon de redire que l'homme ne se forme jamais par l'expérience solitaire

Alain

Et le philosophe poursuit : "Quand par métier il serait presque toujours seul et aux prises avec la nature inhumaine, toujours est-il qu'il n'a pu grandir seul et que ses premières expériences sont de l'homme et de l'ordre humain, dont il dépend d'abord directement ; l'enfant vit de ce qu'on lui donne, et son travail c'est d'obtenir, non de produire. Nous passons tous par cette expérience décisive, qui nous apprend en même temps la parole et la pensée. Nos premières idées sont des mots compris et répétés. L'enfant est comme séparé du spectacle de la nature, et ne commence jamais par s'en approcher tout seul ; on le lui montre et on le lui nomme. C'est donc à travers l'ordre humain qu'il connaît toute chose ; et c'est certainement de l'ordre humain qu'il prend l'idée de lui-même, car on le nomme, et on le désigne à lui-même, comme on lui désigne les autres". Alain.

L'homme a cependant un penchant à s'associer

Emmanuel Kant

"...Car dans un tel état, poursuit le philosophe, il se sent plus qu'homme par le développement de ses dispositions naturelles. Mais il manifeste aussi une grande propension à se détacher (s'isoler), car il trouve en même temps en lui le caractère d'insociabilité qui le pousse à vouloir tout diriger dans son sens ; et, de ce fait, il s'attend à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu'il se sait par lui-même enclin à résister aux autres.

C'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte à surmonter son inclination à la paresse, et, sous l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination ou de cupidité, à se frayer une place parmi ses compagnons qu'il supporte de mauvais gré, mais dont il ne peut se passer. L'homme a alors parcouru les premiers pas, qui de la grossièreté le mènent à la culture dont le fondement véritable est la valeur sociale de l'homme ; c'est alors que se développent peu à peu tous les talents, que se forme le goût, et que même, cette évolution vers la clarté se poursuivant, commence à se fonder une forme de pensée qui peut avec le temps transformer la grossière disposition naturelle au discernement moral en principes pratiques déterminés".
Emmanuel Kant

Lire aussi

Emmanuel Kant, émission sur France Culture
Alain (Larousse)
Emmanuel Kant (Larousse)
Tacite dans la Pléiade

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.