Jérôme Chapuis, le nouveau présentateur de la matinale de franceinfo répond aux questions des auditeurs
Le nouveau présentateur de la matinale de franceinfo suscite l'intérêt des auditeurs. Jérôme Chapuis est l'invité d'Emmanuel Daviet, médiatrice des antennes de Radio France.
Emmanuelle Daviet : Un auditeur souhaiterait savoir quelles sont vos principales responsabilités en tant que présentateur de la matinale, dans une chaîne d’info en continu ?
Jérôme Chapuis : Alors la première responsabilité, c’est d’avoir en direct une parole qui soit ajustée, qu’on soit systématiquement dans la bonne posture, notamment dans les interviews. Mais pas seulement. Et puis, il y a une autre responsabilité, mais qui est plus collective. Celle-ci, c’est de préparer en amont, et notamment dans la phase qui précède vraiment l’antenne, dans les deux ou trois dernières heures avant l’antenne, avec l’ensemble de l’équipe, les différents contenus.
Dans notre jargon, un peu comme au cinéma, on dit qu’on a le "final cut", la dernière coupe sur un travail qui a été préparé souvent avec 24h d’avance. On a des conférences de rédaction régulièrement. On prévoit en général, avec plusieurs heures d’avance, et même une journée d’avance, les sujets qui vont passer dans la matinale. Mais nous, jusqu’au dernier moment, en fonction de l’évolution de l’actualité, on peut le modifier. Et ça, c’est aussi une responsabilité qui incombe.
Et ça suppose que vous arriviez à quelle heure à la rédaction ?
Alors pour ma part, en ce moment, j’arrive vers 2h30/3h du matin, et de toute façon, il y a un impondérable. C’est qu’à 4h10 précisément, l’équipe de la matinale se retrouve pour une conférence de rédaction dans laquelle on fixe ce qu’on appelle nos dominantes de l’actualité : qu’est-ce qu’on doit faire ressortir dans notre hiérarchie de l’information ? Et puis ensuite, on remplit les journaux avec l’ensemble de l’équipe de la matinale et les rédacteurs en chef, qui sont chargés de superviser.
On poursuit avec cette question d’un auditeur : "Comment gérez-vous le défi de rester informé sur une variété de sujets pour offrir aux auditeurs une couverture complète et équilibrée de l’information ?"
Quand on est journaliste, on s’intéresse à tout, et on s’intéresse d’abord à ce qu’on ne sait pas. Cela pourrait être l’une des définitions d’ailleurs du journalisme. On s’intéresse à ce qu’on ne connaît pas, et à ce qui est en train de se passer. Et donc, c’est d’abord une question de passion. Moi, quand j’ai décidé de devenir journaliste, c’était d’abord parce que j’avais une passion pour l’événement, pour ce qui était en train de se passer. Donc, d’une certaine manière, c’est naturel. Après, on est comme tout le monde, peut-être même plus encore que tout le monde. On peut être sujet à ce qu’on appelle, la fatigue informationnelle. Donc, de temps en temps, il faut de manière un peu plus volontariste, aller lire les journaux. Mais ce qui est sûr, c’est que l’une des premières choses qu’on fait en arrivant, c’est de remonter le fil des dépêches, c’est de regarder la presse du matin qui sort la veille au soir.
Et puis dans la journée, je fais une petite sieste le matin, je vais lire le journal Le Monde en début d'après-midi, pour regarder quels sont les choix de nos confrères. Il y a un travail de veille permanente, mais il y a quelque chose aussi qui est très important, c’est que le journalisme, c’est un sport collectif. Et donc si moi, il y a quelque chose que je n’ai pas vu, il y aura toujours quelqu’un à la rédaction qui sera là pour mettre le doigt sur l’événement, à côté duquel j’aurais pu éventuellement passer.
Un auditeur qui, manifestement, connaît bien votre parcours écrit : "Vous avez exercé dans des médias privés, en radio, en presse écrite. Vous êtes à présent dans un média public. Selon vous, qu’est-ce qui distingue l’exercice du métier de journaliste entre un média privé et un média public ?"
La première des choses qu’on peut dire, c’est qu’on a beaucoup de chance en France d’avoir un écosystème, dans lequel il y a des médias privés et un service public fort. Et c’est très important, qu’on ait ce pluralisme. C’est la première des choses. Ensuite, il y a une responsabilité particulière, sans doute, qui incombe aux journalistes de service public.
Et c’est vrai que quand on arrive ici à Radio France, il y a quelque chose d’assez impressionnant dans cette grande Maison avec beaucoup de journalistes, de professionnels de la radio, ça fait plus de 60 ans qu’elle existe maintenant, 60 ans tout juste, et on a cette responsabilité particulière d’être à la bonne distance, de faire parler tout le monde. Et quand je dis à la bonne distance, je pense que là aussi, c’est peut-être une des définitions du journalisme, c’est d’être capable de mettre les événements à la bonne distance, de toujours bien les hiérarchiser et de donner vraiment la parole à tout le monde.
Jérôme Chapuis sur franceinfo la star, c’est l’info. Comment envisagez-vous de mettre en place votre propre style et votre approche éditoriale dans la matinale ?
Je crois que ça doit se faire très naturellement. Au départ, on est dans un collectif avec une mécanique qui est très bien huilée : franceInfo. Mais évidemment, moi, je parle de là où je suis. Ma conception du journalisme, c’est d’être à la bonne distance, et c’est d’être un contradicteur éclairé, au sens où on vient avec ce que l’on sait, mais aussi avec ce qu’on ne sait pas forcément. On vient pour apprendre des choses à l’auditeur, pour apprendre nous-mêmes des choses sur des situations qui sont en train de se dérouler. Donc il y a une forme d’humilité qu’il faut avoir, et en même temps, il faut incarner l’information. Il faut y mettre un peu de soi.
On termine avec ce message d’une auditrice qui souhaiterait savoir ce qui vous a le plus étonné depuis votre arrivée à franceinfo, qui est une grande rédaction avec une mécanique très précise ?
C’est exactement ça : c’est la mécanique qui est extraordinaire. Depuis 37 ans, dans cette radio, il y a quelque chose qui est de l’ordre de l’horlogerie. Je disais sport collectif pour désigner le journalisme en général, mais là, chacun sait exactement où il doit être, ce qu’il a à faire. Oui, ça fait maintenant quelques jours que je suis aux commandes de cette matinale, et j’ai tout de suite vu qui devait faire quoi. Tout ça a été réglé parfaitement. C’est extrêmement rigoureux, et là encore, c’est un petit peu impressionnant, quand même quand on arrive. Mais ça a quelque chose aussi d’assez rassurant, parce qu’on s’intègre vraiment dans un collectif, qui est très puissant et très fort.
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