Prothèses PIP, la bataille judiciaire ne fait que commencer
Jean-Claude Mas, 72 ans, ancien vendeur de saucissons reconverti en
Géo-Trouvetou, roi de la prothèse mammaire, est aujourd'hui déchu en son
royaume. Poly Implant Prothèse, son entreprise varoise a été liquidée il y a
près de deux ans. Lui, est désormais visé par deux enquêtes judiciaires, pour
"tromperie aggravée" et "homicide involontaire", après la mort d'une porteuse
d'implants qui a succombé à un lymphome. Mais Jean-Claude Mas n'est toujours pas
mis en examen. Il n'est même pas sous contrôle judiciaire. Il a juste été
entendu par les gendarmes, à qui il a d'ailleurs avoué sa supercherie, sans
remords. Extrait d'un PV d'audition : "je le savais que ce gel n'était pas
homologué, mais je l'ai sciemment fait, car le gel PIP était moins cher ". Ce que
défend sans complexe non plus, son avocat, maître Yves Haddad, lors d'une de ses
très rares interviews, au micro de Florence Sturm. "C'est un problème de prix de
revient, donc de coût, et de bénéfice. C'est une démarche capitaliste, et c'est
comme ça !"
"Ce n'est pas au toucher qu'on se rend compte d'un implant"
C'est comme ça que Jean-Claude Mas a rempli des centaines de milliers de
prothèses mammaires PIP d'un silicone industriel et déjoué tous les contrôles
sanitaires, en cachant des documents, et des containers. Les chirurgiens, qui
ont implanté ce silicone trafiqué dans le corps de leurs patientes se disent
aujourd'hui trahis. Bruno Alfandari, le président du Syndicat National de
Chirurgie Plastique, a été le premier à porter plainte contre PIP. "Il est
évident que lorsqu'on pose des implants, on fait confiance à l'entreprise qui
fabrique. On est effarés. Tous mes confrères qui ont utilisé ces implants l'ont
fait de toute bonne foi, parce qu'ils pensaient que c'était de très bons
implants. C'est pas au toucher qu'on se rend compte de ce que donne un implant ".
Sauf que les prothèses PIP se sont rompues plus que les autres. Et qu'elles
étaient bien plus irritantes. Les chirurgiens auraient dû être nombreux à
alerter l'Afssaps, l'Agence des produits de santé, tempête le député PS Gérard
Bapt, rapporteur de la mission Santé à l'Assemblée Nationale. Les signalements
se sont pourtant comptés sur les doigts d'une main en 2007, à peine 21 ruptures
déclarées en 2008, les déclarations par centaines ne sont arrivées qu'après la
médiatisation du scandale, en 2010.
TÜV ne contrôlait les prothèses PIP que sur papier
Alors, les chirurgiens ont-ils une part de responsabilité pour avoir tardé à
déclarer ce scandale sanitaire ? L'organisme qui a certifié ces prothèses
défectueuses, est lui aussi montré du doigt aujourd'hui. TÜV, c'est son nom a la
réputation d'un label sérieux. Mais il est aujourd'hui attaqué par l'avocat de
plusieurs distributeurs étrangers de PIP. Maître Olivier Aumaître, du cabinet
parisien Kahn et associés juge franchement abberrante, la façon dont ces
prothèses PIP ont été certifiées conformes pour la vente et l'implantation, avec
la norme CE. "Mes cliens sont tout comme moi stupéfaits de découvrir que depuis
plus de dix ans TÜV n'aurait fait qu'un contrôle sur dossier papier et n'aurait
pas estimé nécessaire d'examiner une seule fois ne serait-ce qu'une seule des
centaines de milliers de prothèses mammaires qui ont été vendues de par le
monde ". TÜV, le certificateur allemand, rétorque que la législation européenne
ne lui demandait rien de plus que ce contrôle sur papier.
A L'Afssaps, le nouveau directeur, le professeur Dominique Maraninchi, arrivé
après le scandale, reconnaît qu'il faut changer le système. "A travers ce drame,
on voit que la réglementation sur les dispositifs médicaux ne protège pas
suffisamment la sécurité sanitaire, et que la certification est insuffisante ".
Il renvoie lui aussi la balle à l'Europe, estimant qu'il faut changer la
directive européenne, ce que dit aussi le Ministre de la Santé, qui n'a pourtant
rien prévu de plus dans la dernière réforme du médicament, débattue cet hiver,
alors que ce scandale PIP était déjà connu.
Elles sont 400 000 à 500
000 victimes, au moins, dans le monde
Pendant que chacun se rejette la faute, 30 000 Françaises attendent avec
angoisse et impatience qu'on leur retire leurs prothèses PIP défectueuses, ce
qui prendra au moins un an, disent les chirurgiens français, qui devront
peut-être opérer bientôt des Sud-Américaines. Des centaines de Sud-Américaines
victimes de PIP s'apprêtent à déposer plainte en France, et réclamer réparation
à l'Etat Français. Ce qui est une première judiciaire. Elles sont 400 000 à 500
000 victimes, au moins, dans le monde. Beaucoup de femmes qui avaient déjà été
meutries par un cancer, beaucoup de jeunes filles aussi pour qui, se faire poser
des prothèses est en gage de réussite sociale, pour sortir de la misère. C'est
le cas de beaucoup de Brésiliennes. Le Brésil va recenser cette semaine toutes
les femmes porteuses de prothèses mammaires.
Enquête : Sophie Parmentier
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