Handicapés français en Belgique : des dérives marginales mais réelles
Le matelas nu est posé au sol, dans une petite chambre insalubre à la tapisserie trouée par l’usure. Cette pièce, située dans un foyer belge, est pourtant prévue pour accueillir une personne handicapée. Les photos publiées fin avril par Libération ont choqué en révélant les dérives de certains établissements belges.
Plus de 6000 handicapés français sont actuellement pris en charge en Wallonie, dans le sud de la Belgique ; par manque de place dans l’Hexagone, mais aussi parce que le pays propose un accueil beaucoup moins médicalisé, ce qui séduit de nombreux Français. Très sollicités, ces foyers profitent parfois de la situation : des chambres à la limite de la salubrité ou des soins réduits au minimum pour un coût toujours élevé.
Une prise en charge des cas plus complexes en Belgique
Ces structures sont surnommées les "usines à Français ". Pourtant elles sont souvent les seules à accepter les cas les plus complexes, dont la France ne veut pas. Le jour où elles décident de mettre fin à leur prise en charge – par exemple lorsque le traitement est devenu trop lourd – les familles se retrouvent démunies. C’est ce qui est arrivé à cette mère de famille, dans la région parisienne, qui souhaite rester anonyme. Son fils de 16 ans, autiste, ne peut pas vivre "à la maison ", "ce n’est pas adapté " répète cette mère, à bout, "il faut que les autorités françaises nous aident à trouver des institutions d'accueil ".
Elle n’est pas la seule à se tourner vers la Belgique. Beaucoup de familles y trouvent leur compte, comme cet homme d’une cinquantaine d’année, schizophrène. Après dix ans en hôpital psychiatrique en France, il est entré au Jardin des Fées, un foyer à la frontière française qui accueille 88 résidents dont 84 français. Alors qu’il était "habitué à ne rien faire " sauf "rester devant un poste de télé ", il revit là-bas, à travers de multiples activités : "musique, tir à l’arc, cuisine, équitation… "
Au Jardin des Fées, les résidents ont des chambres individuelles aménagés avec goût, une grande salle à manger avec une cuisine ouverte, parfois même un jardin particulier.
La faute à la marchandisation du secteur
Mais les autorités belges l’admettent, parfois les dérives existent, même si elles sont marginales. Des structures refuseraient par exemple d’organiser les visites des patients en France, pour obliger leurs familles à se déplacer en Belgique. Objectif : ne pas perdre une journée du forfait journalier, d’environ 180 euros par résident.
La marchandisation du secteur est la principale cause de ces abus, d’après la ministre wallonne de la santé, Eliane Tilieux. Le gouvernement a voulu restreindre l’accueil des personnes handicapées françaises aux associations, et l’interdire aux sociétés privées. "Mais nous avons été déboutés par le conseil d’Etat , raconte-elle. J’espère que nous parviendrons un jour à éviter que des bénéfices plantureux puissent être faits sur le dos des personnes handicapées alors que ce sont des moyens publics qui financent cet accueil ."
Si la volonté de coopérer est bien présente des deux côtés de la frontière, on estime en Belgique que le nombre d’interlocuteurs en France ne facilite pas la tâche. En effet, ces décisions appartiennent aux différents départements français.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.