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Ces Chinois qui rachètent le Bordelais

Le vin, cet élément crucial du patrimoine et de l'identité française n'échappe pas à la mondialisation. Fin août un richissime entrepreneur de Macao a racheté le Château de Gevrey Chambertin en Bourgogne, alimentant le fantasme d'un patrimoine qui serait à la merci des investisseurs chinois. Mais c'est surtout au Bordelais que s'intéressent ces nouveaux venus dans le monde du vin. Et leur arrivée semble en fait plutôt bien perçue.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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En deux ans
une trentaine de châteaux du Bordelais est passée aux mains de propriétaires
chinois. Une trentaine, c'est peu sur plus de 8.000 domaines, mais c'est
évidemment très symbolique. Ainsi au château
Grand Mouëys, dans l'Entre-deux-Mers un bouddha a fait son apparition dans le
vestibule de cette somptueuse demeure
néo gothique. Il trône au beau milieu
des récompenses et des médailles décernées au vin de la propriété.

C'est Zihao
Chen, le jeune responsable du marketing
du domaine qui fait la visite et qui explique pourquoi son patron, le dirigeant
d'un groupe spécialisé dans la commercialisation d'alcool en Chine a racheté le
château en avril dernier : "N otre propriétaire Jinshan Zhang est fasciné par la culture française, il a
même un vignoble en Chine et il a racheté un château à Bordeaux car en Chine
presque tout le monde apprécie le vin qui vient de Bordeaux".
 

La Chine
est même devenue le premier importateur mondial de vins de Bordeaux avec 71
millions de bouteilles achetées l'année dernière. Le vin a la
réputation d'être bon pour la santé, à la différence de l'alcool de riz local. Surtout parceque les Chinois les plus aisés se sont mis à boire du vin.
C'est un signe de réussite sociale et le
chic à la française fait toujours rêver. 

Et c'est
aussi pour cela que certains millionnaires veulent acheter des domaines en
France. Ils achètent au prix du marché, le plus souvent des propriétés
qui ont des difficultés financières comme le Grand Mouëys , qui appartenait
auparavant à une famille allemande. Guy Durand Saint Omer est le
directeur général : "L'arrivée
d'un nouvel actionnaire qui apporte des capitaux frais et des solutions
commerciales, cela fait plaisir à tous les employés du domaine, nous voyons en
Chine un avenir commercial pour chaque année un peu moins de la moitié de
notre récolte"
.

Alimenter le marché chinois et son
développement exponentiel

Pour autant
jusqu'à maintenant, les acheteurs Chinois disent vouloir faire des vins de
qualité. Ils maintiennent les équipes en place dans les vignobles, s'entourent
des meilleurs œnologues, veulent développer des projets d'oenotourisme.

Tchang
Yang, le responsable financier du château du Grand Mouëys considère  même qu'ils sont une bouffée d'oxygène pour l'économie
locale : "Les investisseurs chinois
dans le Bordelais achètent des propriétés qui ne sont pas en bonne santé, avec
des difficultés financières et économiques, donc on peut dire qu'ils sont venus
ici sauver l'emploi. Et puis ils contribuent aussi au développement économique
local en faisant travailler tous les
fournisseurs autour d'une propriété"

Et les Chinois ne s'intéressent pas qu'aux domaines viticoles. Une société de
Shanghai est aussi devenue cet été l'actionnaire majoritaire de Diva, un
négociant en vins de Bordeaux. Jean-Pierre Rousseau, le directeur général veut profiter du réseau commercial de ces
nouveaux partenaires pour accroître ses ventes en Chine : "N ous avions
plusieurs offres européennes, mais nous avons jugé que l'option chinoise
était la meilleure. Cela nous ouvre un nouveau marché et puis nos partenaires
détiennent 230 magasins donc un réseau de distribution déjà existant. Nous
comptons sur cette infrastructure de diffusion, c'est une des raison pour
lesquelles nous avons été séduits pas cette offre".
 

Des investisseurs
plutôt bien perçus dans le bordelais

Vu d'ici,
l'idée d'une invasion chinoise qui déposséderait la France de son patrimoine
fait plutôt sourire Olivier Vizerie qui dirige une agence immobilière spécialisée dans
la vente de propriété viticoles : "I ls ne vont pas partir avec les
propriétés qu'ils ont acheté sur le dos, ils ne vont pas arracher les pieds de
vigne, ni démonter les châteaux. A Bordeaux nous avons toujours eu  des vagues d'investisseurs étrangers, il y a
eu des Anglais, des Hollandais, des Belges. Aujourd'hui ce sont les Chinois,
demain ce sera peut-être des Indiens et après demain des Brésiliens".

Cette
tradition d'ouverture internationale c'est même ce qui a construit historiquement
le vignoble bordelais. C'est
d'ailleurs un Belge, viticulteur en
Gironde, Stéphane Defraine qui dirige l'organisme
de défense de l'appellation Entre-deux-Mers. A ses yeux les producteurs
bordelais ont tout à gagner à l'arrivée de ces investisseurs chinois : "Il
vaut mieux qu'ils achètent ici qu'au Chili, nous sommes dans la
mondialisation, ce n' est pas en restant repliés sur soi qu'on sortira de la
crise. La mondialisation n'est pas à sens unique, il faut se servir de cet
intérêt des Chinois pour notre vignoble, le voir comme une chance à saisir, il
faut aller là bas, occuper le terrain".

Aller
directement s'implanter en Chine pour produire sur place. Certains grands
noms ont déjà passé le pas. Les propriétaires de Château Lafite Rothschild ont ainsi planté l'année dernière une dizaine
d'hectares de vignes dans la province du
Shandong. 

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