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Coupures d'internet et peines de prison ferme : les méthodes contre la triche au bac en Algérie

Il n'y a pas qu'en France que les épreuves du baccalauréat sont parfois problématiques. En Algérie, c'est la triche qui pose problème. Coupures d'internet et peines de prison ferme : pour l'endiguer, les autorités n'y vont pas avec le dos de la cuillère.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un lycéen passe le baccalauréat. Photo d'illustration. (JEREMIE FULLERINGER / MAXPPP)

En Algérie, quand on triche, on paie cash. Pour avoir diffusé des sujets d'épreuves ou des corrigés sur les réseaux sociaux, 31 personnes ont été condamnées ces derniers jours à de la prison ferme : de six mois à trois ans. Le code pénal, amendé en 2020, criminalise l'atteinte aux examens et aux concours.

Au total, 84 individus sont poursuivis à travers tout le pays, de Sétif à Blida, Mostaganem ou M'sila. C'est l'organisme de lutte contre la cybercriminalité - il  surveille d'habitude plutôt les bloggeurs et les défenseurs des droits de l'homme - qui a fait la chasse aux fraudeurs et chaque jour, depuis le début des épreuves, le ministère de la Justice publie un communiqué officiel sur les nouvelles arrestations histoire de calmer des resquilleurs. Visiblement cela marche moyen.

Le traumatisme originel date de la session du baccalauréat 2016. Cette année-là, il y a eu des triches massives et la moitié des candidats ont du repasser l'épreuve. Le scandale est devenu une affaire d'État. Dans le monde arabe, de manière générale, le bac est plus qu'un sésame pour la vie professionnelle, c'est une bouée de survie. Les familles dépensent souvent des fortunes en cours particuliers. L'enjeu est énorme.

L'Algérie, zone blanche

En tout cas, depuis 2016, plus de cadeau ! Tout ce qui ressemble de près ou de loin à un appareil connecté est banni des salles d'examen : portiques de détection, fouille manuelle...

Mais le pompon c'est que pendant les cinq jours de l'épreuve, l'Algérie est sans internet. Zone blanche de 8 heures à 17 heures. Plus de WhatsApp, plus de Facebook, plus de Twitter... et parfois plus de réseau tout court ! C'est comme ça tous les ans depuis cinq ans. Des coupures totales ont lieu au début des épreuves le matin et l’après-midi, tout le reste de la journée le débit est très bas. Il faut attendre 17 heures pour retrouver une connexion à peu près potable.

Une épreuve "plus crédible" ?

Or ça ne suffit pas à empêcher la triche, mais en plus, ça perturbe le fonctionnement de l'économie : applications de transports, vente à distance se sont trouvées affectées. Sans compter que cette année, en raison du Covid, le télétravail et l'enseignement à distance se sont intensifiés.

Evidemment le gouvernement n'est pas allé le crier sur les toits mais ces coupures ont créé tellement de remous et de frustration qu'Algérie Telecom a fini par sortir du bois. L'opérateur public, qui a le monopole de l'ADSL dans le pays, a reconnu dans un communiqué restreindre "l'accès à certains réseaux" pour "contribuer au succès de la session 2021 et lui assurer plus de crédibilité et d'intégrité".

Mais à ce stade, pas d'excuses ni de remboursements: les consommateurs sont furieux ! L’association nationale pour la protection des consommateurs El Aman écrit sur son compte Facebook : «Aux opérateurs Internet en Algérie, puisque vous êtes soumis aux instructions des autorités pour couper le réseau, vous devez aussi répondre aux demandes de l’association d’indemniser vos clients pour les dommages économiques.»

Certains en viennent à dire que pour supprimer le problème, ce serait presque plus simple de supprimer... le baccalauréat. Cette année, 731 723 Algériens vont le passer (le taux de réussite s'élevait à 55% en 2020). Pour eux, 26 millions d'internautes ont du se serrer la ceinture.

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