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Le Haut-Karabagh coupé du monde par des manifestants azéris

Depuis quinze jours, les 120 000 Arméniens qui y vivent au Haut-Karabagh sont totalement coupés du monde. La seule route qui leur permet de sortir est bloquée par des militants azéris. Une catastrophe humanitaire se profile.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le corridor de Latchine, seule route qui relie l'Armenie au Haut-Karabakh.  (GILLES BADER / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Une catastrophe humanitaire pourrait bien se profiler au Haut-Karabagh, alors que des militants azéris bloquent l’unique route qui devait permettre à quelque 120 000 Arméniens, désormais bloqués depuis deux semaines, de quitter le pays.

Cette route, le corridor de Latchine, serpente dans la montagne sur une trentaine de kilomètres. C'est la seule qui relie le Haut-Karabagh au monde extérieur. Car la région séparatiste, peuplée d'Arméniens, est physiquement enclavée en Azerbaïdjan : ce corridor vers l'Arménie est une artère vitale par laquelle transitent tous ses approvisionnements.

Or depuis le 12 décembre, un véritable village de tentes a fleuri sur la chaussée. Jour et nuit des militants azéris y allument des bougies, organisent des repas et des rassemblements au son de l'hymne national.

Militants écologistes ou soutiens du régime ?

Résultat, plus personne ne passe, ni voiture ni camion. Mais impossible de les déloger. Les soldats russes déployés depuis deux ans comme casques bleus pour sécuriser la route n'ont pas bougé d'un millimètre.

Les manifestants se présentent comme des militants écologistes ; ils accusent les Arméniens d'exploiter une mine d'or de manière illégale. Mais en Azerbaïdjan, pays autoritaire qui muselle la liberté d'expression, il n'y a jamais eu aucune manifestation pour l'environnement.

La plupart des bloqueurs de route sont en réalité des soutiens actifs du régime, certains sont aussi proches des Loups gris, un groupe turc ultra-nationaliste qui fait la chasse aux Arméniens. Erevan dénonce un blocus qui ne dit pas son nom, un blocus orchestré par Bakou dans le seul but d'asphyxier l'enclave, de créer une catastrophe humanitaire.

Une situation sans précédent

Les conséquences se voient déjà : il n'y a plus de produits frais ni de légumes dans les supermarchés, les médicaments, les couches pour bébé et l'essence commencent à manquer. Impossible de mettre en place un pont aérien : l'Azerbaïdjan menace d'abattre tout avion qui décollerait ou atterrirait vers la capitale séparatiste.

C'est une situation sans précédent car même pendant la guerre, au début des années 90 comme en 2020, le corridor de Latchine n’a jamais été fermé.

Que cherche précisément Bakou ? Négocier le déblocage du corridor de Latchine contre l'ouverture d'un autre corridor, qui lui permettrait de relier l’Azerbaïdjan à son exclave du Nakhitchevan située en Arménie ? Mettre fin à la mission russe de maintien de la paix avant son terme (prévu en 2025) ? Espérer que les Arméniens vont quitter leurs maisons du Haut-Karabakh ou bien y  mourir de faim et de froid, comme ce que les Russes tentent de faire en bombardant les infrastructures énergétiques en Ukraine ? Officiellement, l'Azerbaïdjian nie tout blocage et diffuse des témoignages, photos ou vidéos, pour montrer que la route n'est pas bloquée.

Inquiétudes internationales

Ce regain de tension montre en tout cas que la guerre n'est pas terminée entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Malgré le cessez-le-feu signé en 2020 après une guerre de six semaines qui a fait plus de 6 500 morts, la situation reste très fragile. En septembre, la reprise des combats a même fait plus de 300 morts.

La situation suscite beaucoup d'inquiétudes sur la scène internationale. Le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, a averti que la fermeture du corridor de Latchine faisait " reculer le processus de paix". Plusieurs dirigeants – dont Emmanuel Macron – ont demandé la réouverture de la route. Vladimir Poutine, le président russe, est censé jouer les médiateurs mais il est accaparé par l'Ukraine. Les Arméniens du Haut-Karabagh eux se préparent à un blocus qui pourrait durer tout l'hiver.

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