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La "taxonomie" ou l'impossible consensus européen sur la définition des énergies vertes

Le nucléaire et le gaz peuvent-ils être considérés comme des énergies vertes ? Après de longs mois de débats, la Commission européenne tranche la question mercredi 2 février. Tout tourne autour d'un mot : "taxonomie".

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 92 min
La centrale nucléaire de Cattenom (Moselle) (ANTOINE BARÈGE / RADIO FRANCE)

La taxonomie, c'est la liste des activités industrielles et des énergies que Bruxelles considère comme vertueuses pour le climat. Des activités et des énergies qui doivent permettre aux européens de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.

Cette liste est importante parce qu'elle va permettre d'orienter, de capter les investisseurs privés qui souhaitent se tourner vers les énergies durables. Il y a aussi à la clé une manne financière. Or, faire cette liste a été très compliqué : des mois et des mois de débats, de réflexion, de rapports d'experts et à la fin toujours des désaccords.

Le nucléaire, objet d'un bras de fer entre Paris et Berlin

La France et les pays de l'Est mettent une grosse pression pour que le nucléaire figure sur la liste : leur argument, c'est que cette énergie produit zéro gaz à effet de serre, qu'il fait déjà partie de la transition énergétique et, qu'accessoirement, il permet de protéger les consommateurs de la volatilité des prix (on le voit en ce moment avec l'envolée des prix de l'énergie fossile). Mais c'est surtout dans leur intérêt : Paris, Varsovie ou Budapest se sont engagés dans le développement du nucléaire, ils n'ont que des avantages à le voir considérer comme une énergie durable.

En face, l'Allemagne, suivie notamment par l'Autriche, l'Espagne et le Danemark juge, au contraire, que faire du nucléaire une énergie verte est une hypocrisie totale, du greenwashing, une hérésie environnementale. On ne sait en effet toujours pas comment éliminer les déchets radioactifs et le nucléaire exige un temps trop long face à l'urgence climatique. Certains de ces pays menacent même d'attaquer le texte en justice.

Dans cette Europe où aucun compromis n'est possible sans l'appui de la France et de l'Allemagne, ce bras de fer a bien secoué les institutions. Mais la Commission va céder aux demandes allemandes : les nouvelles centrales devront obtenir un permis de construire avant 2045. Pour les travaux visant à prolonger la durée de vie des centrales, les autorisations devront être obtenues avant 2040. La Commission exigera également des garanties sur le traitement des déchets et le démantèlement des installations.

Le gaz, "énergie de transition"

Sur le gaz, c'est un petit peu différent : le gaz est un combustible fossile. Ce n'est pas du tout une énergie durable, et là-dessus tout le monde est d'accord. Sauf qu'on n'a pas trouvé meilleur moyen pour sortir rapidement du charbon qui, lui, est deux fois plus polluant. Poussée par l'Allemagne, la Commission européenne devrait donc inclure le gaz dans sa liste, en le classant non pas comme une énergie verte mais comme une énergie de transition.

Il y aura toutefois quelques conditions. Les États devront notamment s'engager à remplacer totalement le gaz naturel par du gaz renouvelable ou de l'hydrogène d'ici 2035. Mais Berlin a obtenu des concessions pour rendre cette "transition" plus douce : il n'y aura plus de calendrier contraignant.

Initialement il était prévu au moins 30% de gaz renouvelable (ou à faible teneur en carbone) en 2026 et au moins 55% en 2030, objectifs irréalistes pour les Allemands, les Slovaques et les industriels français. Par ailleurs, les seuils d’émissions de CO2 sont fixés à moins de 100g de CO2/kwh. Inatteignable avec les technologies actuelles. Pour les centrales à gaz qui auront obtenu leur permis avant le 31 décembre 2030, ce seuil devrait donc être relevé à 270gr de CO2/kwh. 

Une fois que la Commission publiera son texte, la fameuse liste sera définitivement adoptée d'ici quatre mois. Sauf si moins 20 pays sur 27 s'y opposent - un scénario assez improbable -, ou si les eurodéputés votent majoritairement contre au Parlement. Mais les groupes sont loin d'être sur la même ligne. La "bulle" se prépare à d'intenses discussions.

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