Kenya : de nouvelles manifestations contre le gouvernement sont fermement réprimées
C'était la troisième manifestation en huit jours. Mais à Nairobi, la capitale du Kenya, tout bascule quand les députés se réunissent pour voter des amendements au texte tant contesté. Mardi 25 juin, plusieurs centaines de personnes forcent les barrages et investissent le Parlement. Fenêtres brisées, salles saccagées, mobilier jeté à l'extérieur et brûlé. Les policiers tirent à balles réelles sur les manifestants.
La demi-sœur de l'ancien président américain Barack Obama est elle-même dans la manifestation, asphyxiée en direct sur CNN par les gaz lacrymogènes. Partout dans le pays, les jeunes se rassemblent contre le gouvernement.
Du dialogue à la répression
L'armée est appelée en renfort. Alors que dimanche, à Nyahururu, le président William Ruto se disait ouvert au dialogue : "Je suis très fier de nos jeunes. (…) Ils se sont affirmés de façon pacifique et je veux leur dire que nous allons discuter avec eux". Depuis, le ton a changé.
Des réseaux sociaux à la rue
Ce texte qui cristallise la contestation, c'est le projet de budget 2024-2025, dans lequel sont prévues de nouvelles taxes pour freiner la dette colossale du pays et se redonner des marges de manœuvre. Entre autres, une TVA de 16% sur le pain ou encore une taxe de 2,5% par an pour les propriétaires de voitures.
La contestation commence sur les réseaux sociaux le jour de la présentation du texte, le 13 juin, et puis très vite elle gagne la rue. Le gouvernement recule, il retire un grand nombre de mesures. Ça ne satisfait pas les manifestants qui soupçonnent l'État de vouloir compenser ce retrait par une hausse de 50% des taxes sur les carburants. La colère ne retombe pas, au contraire, elle se transforme même en rejet global de la politique du président William Ruto.
Une croissance économique dynamique
Pourtant, on explique souvent que le Kenya est la locomotive de l'Afrique de l'Est : depuis plusieurs décennies, sa croissance économique est dynamique et solide, soutenue par l'agriculture, le tourisme et le secteur de la tech.
Mais la monnaie nationale, le shilling kényan, s'est fortement dépréciée ces derniers mois, elle a perdu de la valeur par rapport aux autres devises mondiales. Un tiers des 51 millions d'habitants vivent encore sous le seuil de pauvreté, les inégalités sont importantes, le taux de chômage des jeunes est très élevé et l'inflation tourne autour de 7-8%.
Le chef de l'opposition, Raila Odinga, battu à l'élection présidentielle en 2023, a soufflé sur les braises de la frustration de la jeunesse et appelé à plusieurs reprises les Kényans à descendre dans la rue. Cette situation a un air de déjà-vu : en juillet dernier, déjà, le Kenya a été le théâtre de manifestations similaires contre le coût de la vie et les augmentations d'impôts sur les revenus et le logement. Les troubles avaient déjà fait une dizaine de morts.
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