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Irak : deux touristes indélicats jugés pour pillage d'antiquités

Deux touristes, un Britannique et un Allemand, sont jugés aujourd'hui en Irak. Ils sont accusés d'avoir volé des morceaux de poteries considérés comme des antiquités. Eux plaident la bonne foi. Le pays lutte contre la dispersion de son patrimoine.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 92 min
James Fitton et Volker Waldmann ne seront évidemment pas condamnés à la peine de mort, mais ils risquent de payer cher leur indélicatesse. (AMEER AL-MOHAMMEDAWI / DPA)

C'était le 20 mars dernier, à l'aéroport de Bagdad. Dans les valises de James Fitton, 66 ans, géologue britannique à la retraite, les douaniers mettent la main sur une dizaine de pierres, de morceaux de poteries et de céramiques anciennes. Dans celles de Volker Waldmann, psychologue allemand de 60 ans, deux fragments similaires. Les deux hommes rentrent en Europe après avoir participé à un voyage organisé. Ils sont incarcérés depuis plus de deux mois (leur procès prévu le 22 mai a été ajourné) et comparaissent lundi 6 juin en vertu d'une loi de 2002 selon laquelle toute personne reconnue coupable "d'avoir intentionnellement sorti ou tenté de sortir une antiquité" d'Irak risque jusqu'à la peine de mort. 

Eux plaident la bonne foi : personne ne leur avait dit que ramasser quelques morceaux par terre était illégal. Il n'y avait d'ailleurs sur les sites visités ni panneau d'avertissement ni clôture. Volker Waldmann a même fait remarquer à la justice qu'il avait enveloppé les fragments dans un sac plastique transparent, qu'il n'avait donc aucune intention de les dissimuler. Un profil de touristes indélicats certes, mais pas de trafiquants. Sauf qu'ils vont être jugés comme tels. L'Irak protège son patrimoine culturel Après des décennies de guerre et de chaos, après les jihadistes de l'État islamique qui se sont lancé dans le trafic d'antiquités à grande échelle pour renflouer leurs caisses, après la pandémie qui a vu les activités de pillage repartir à la hausse, l'Irak a sérieusement repris en main la protection de son patrimoine culturel.

Les autorités ciblent les réseaux organisés bien sûr, elles négocient aussi avec les acteurs institutionnels. L'an dernier, les États-Unis ont restitué 170 00 antiquités volées après l'invasion de 2003. En février, c'est un musée privé libanais qui a renvoyé plus de 300 tablettes cunéiformes premières traces d'écriture de l'humanité. De plus en plus de touristes Mais Bagdad cherche aussi à sensibiliser les touristes. Qui ne sont pas très nombreux (et surtout il n'y a pas encore d'infrastructures); mais l'an dernier l'Irak a considérablement assoupli les conditions d’entrée sur son territoire pour 36 pays ; il s'agit d'"encourager les investissements" bien sûr, mais aussi le tourisme. Pour ceux qui veulent découvrir le musée national, rouvert il y a deux mois, qui concentre tout ce que l'Irak possède de témoignage de son passé de berceau des civilisations; ou la magnifique Porte d'Ishtar, qui garde l'une des huit entrées de la capitale antique de Babylone, érigée par les Mésopotamiens il y a plus de 4 000 ans.

Ramasser un fragment qui traîne dans la poussière pour en faire un souvenir peut sembler anodin... sauf que répété par des milliers de personnes, cela porte atteinte à l'intégrité du site. Trop nombreux sont ceux qui croient pouvoir emporter en toute impunité des morceaux d'histoire dans leurs valises... Problème que connaissent tous les sites archéologiques. À Pompéi, en 2018, un couple de Français a été condamné à quatre mois avec sursis et 200 euros d'amende pour avoir entassé des fragments de terre cuite et un morceau de marbre dans son sac à dos. James Fitton et Volker Waldmann ne seront évidemment pas aujourd'hui condamnés à la peine de mort, mais ils risquent de payer cher leur indélicatesse. Pour l'exemple.

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