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Hongrie : en déclarant ne pas vouloir d'une "race mixte", que cherche Viktor Orban ?

Le Premier ministre hongrois a tenu des propos racistes qui ont "horrifiés" et indignés en Europe.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le Premier ministre hongrois Victor Orban, en conférence de presse, à Bruxelles (Belgique), le 20 mars 2022. (EMMANUEL DUNAND / AFP)

Des provocations, des propos choquants, du rejet de l’autre, Viktor Orban est un habitué. Depuis qu’il a pris le pouvoir en Hongrie, le populiste ne cache pas sa haine des étrangers et son dégoût des sociétés "multi-ethniques".

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Mais le week-end dernier, il est allé encore plus loin. En déplacement en Transylvanie roumaine, il a déclaré : "Nous ne voulons pas être une race mixte" qui se mélangerait avec des "non-Européens". Quand des "peuples européens et extra-européens cohabitent", ce n’est plus une "nation" mais un "conglomérat de peuples". Le dirigeant nationaliste fait également allusion aux chambres à gaz, ironisant dangereusement sur le fait qu’il existe "un savoir-faire allemand" en la matière.

Démission d’une proche conseillère

Fait très rare sous l’ère Orban, un de ses proches conseillères a démissionné. Zsuzsa Hegedüs, sociologue, était pourtant une fidèle d’Orban, l’accompagnant depuis 20 ans. Mais les termes employés par le Premier ministre sont allés trop loin, surtout le mot "race", qu’Orban n’avait jusqu’à présent pas utilisé. C’est une "position honteuse" pour la conseillère qui dénonce un "pur texte nazi digne de Goebbels", l’ancien chef de la propagande de l’Allemagne nazi.

L’opposition hongroise fustige une prise de paroles "hors de propos indigne d’un homme d’Etat européen". Le Comité international d’Auschwitz parle d’un discours  "stupide et dangereux". Et la Commission européenne, elle, n’a pas fermement réagi, se contentant de dire qu’elle "ne commentait pas les propos tenus par des responsables politiques européens".

Détourner l’attention ?

Est-ce un dérapage ? Non, pour Paul Gradvohl, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directeur du Centre de recherche sur l’histoire de l’Europe centrale contemporaine (CRHECC) : "Orban fait un pari très clair : la démocratie est finie, on avance vers l’autoritarisme et il faut des leaders forts". Avec de tels propos, il parle à Poutine, Xi Jinping, et Trump – qui pense à se présenter à la présidentielle américaine en 2024 –. "D’ailleurs Orban va se rendre dans quelques semaines aux États-Unis pour soutenir les conservateurs pro-Trump pour les mid-terms", note l’expert.

Dans la guerre en Ukraine, Orban a choisi son camp : la Russie. Il veut continuer à s’approvisionner en gaz russe. Le chef de la diplomatie hongroise, Peter Szijjartó, est allé en Russie la semaine dernière, rencontrer son homologue russe et négocier 700 millions de m3 de gaz supplémentaire, alors que le reste de l’Europe tente de faire bloc pour ne pas se fournir chez Poutine. Il y a aussi, peut-être, une explication interne. Depuis plusieurs semaines, la Hongrie est secouée par des mouvements de grèves et de manifestations contre une réforme fiscale, imposée par le parti d’Orban. "Cette réforme, explique Paul Gradvohl, rend la vie des travailleurs indépendants beaucoup plus difficile et renforce la capacité de corruption du régime".

La réforme fiscale complique considérablement les démarches administratives et alourdit les impôts des indépendants. Le but du dirigeant populiste ? "Contrôler la société, et soumettre les indépendants". Le mois d'août s'annonce aussi compliqué avec le début de mesures d'austérité, l'Europe ayant réduit ses financements tant que l'État de droit n'est pas respecté.

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