Guerre en Ukraine : l'Allemagne et les missiles Taurus, un cas d'école de la désinformation russe

En Allemagne, le "scandale des écoutes" à propos des missiles Taurus se transforme en crise politique. C'est surtout le parfait exemple de la "guerre informationnelle" conduite par la Russie en Europe.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un missile Taurus durant un essai militaire, en septembre 2017. (HANDOUT / SOUTH KOREAN DEFENCE MINISTRY / AFP)

Ce scandale, c'est celui de quatre officiers de la Luftwaffe, l'armée de l'air allemande, qui discutent d'un secret d'État par visioconférence non sécurisée, avec la légèreté d'une conversation de bistrot. Les militaires passent en revue tout ce que les Ukrainiens pourraient faire, notamment viser le pont de Crimée, s'ils avaient à leur disposition ces missiles allemands à longue portée, les fameux Taurus. Alors que pour l'instant, le chancelier Olaf Sholz refuse de les livrer, un sujet de fracture au sein de sa coalition.

L'enregistrement de cet échange confidentiel, probablement enregistré par les services russes et publié le 1er mars sur les réseaux sociaux par le média pro-Kremlin RT (anciennement Russia Today), est depuis commenté ad nauseam à Moscou. Le porte-parole du Kremlin y voit une nouvelle preuve de l’implication "directe" de l'Occident dans le conflit en Ukraine.

Pour les Occidentaux, au contraire, c'est une opération de déstabilisation. Le ministre allemand de la Défense est très clair sur le sujet. Vladimir Poutine veut, selon lui, "saper notre unité, semer la division politique". Pour le Spiegel, cette conversation entre militaires a été ébruitée à dessein, pour "maintenir la pression sur Scholz et son gouvernement" et tuer dans l'œuf la livraison de missiles Taurus aux troupes ukrainiennes.

Sur la même ligne, la Maison-Blanche dénonce "une tentative transparente des Russes pour semer la discorde" parmi les Occidentaux, notamment entre Berlin, Paris et Londres qui eux ont fourni des missiles longue portée à l'Ukraine.

L'Allemagne, cible prioritaire de la désinformation russe

La première économie européenne est particulièrement vulnérable à l’espionnage. Depuis plusieurs années, elle est l'une des cibles prioritaires de l'entreprise de désinformation russe en Europe. Yevgeniy Golovchenko, de l’université de Copenhague, explique à nos confrères de France 24 que l'Allemagne est considérée comme un maillon faible, comme le pays le plus perméable à la propagande de Moscou.

Plusieurs facteurs l'expliquent : sa communauté de russophones (3,5 millions de personnes), une solide tradition pacifiste et l'héritage de l’Ostpolitik, la politique d’ouverture vers l'est au début des années 70.

Il est d'autant plus intéressant pour Moscou de fragiliser Berlin que - sur le papier en tout cas - sa puissance économique et militaire peut faire la différence pour Kiev.

Une désinformation tous azimuts

Cette guerre de désinformation russe touche aussi d'autres pays, et d'autres sujets que la guerre en Ukraine ou les élections. On sait que le scrutin européen en juin, comme la présidentielle aux États-Unis, sont des contextes propices à la manipulation. Mais tous les champs du débat public sont concernés. Les mouvements de contestation, comme le moindre fait d'actualité, deviennent une possibilité d'instrumentalisation des opinions.

On l'a vu en France, avec l'épisode des étoiles de David taguées sur des murs à Paris en pleine guerre à Gaza. Ou même celui des punaises de lit à l'automne, quasiment devenu une affaire d'État. Le ministre délégué à l'Europe Jean-Noël Barrot l'a dit vendredi, le sujet a été "artificiellement amplifié" sur les réseaux sociaux par "des comptes pro-Kremlin". Un réseau de près de 200 sites au service de la Russie a récemment été mis au jour, mais à quelques mois des Jeux olympiques d'autres attaques informationnelles sont à attendre.

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