En Turquie, l'oignon devient un symbole de l'inflation et le tapis de prière un instrument de lutte politique
L’oignon est devenu le symbole de la profondeur de la crise économique qui met le pays à genoux. Son prix a été multiplié par trois. Au début de la semaine, le gouvernement turc a publié le chiffre de l’inflation sur un an, qu’il estime à 50%, mais les économistes indépendants l’ont calculée à plus de 110%. Et l’alimentation reste un des postes les plus critiques. On ne parle même plus du seuil de pauvreté en Turquie : on a un nouvel indice, le seuil de la faim. Et il s'avère que le salaire minimum, qui a pourtant été doublé, ne permet plus à une famille de quatre personnes de se nourrir.
L’oignon a toujours été un indicateur de l’inflation. Les Turcs en sont de très gros consommateurs, 23 kg par personne et par an. Il entre dans la confection du menemen, c’est le plat iconique du petit déjeuner. Les réseaux sociaux regorgent de plaintes de Turcs qui disent leur honte de ne plus pouvoir confectionner de menemen. Le critique gastronomique Vedat Milor a tweeté une photo du prix du kilo d’oignon, 30 livres turques, et a fait 6,5 millions de vues.
Şu fotoğrafı görünce aklınıza gelen ilk şey ne? pic.twitter.com/UYviDEO3KG
— Vedat Milor (@vedatmilor) April 3, 2023
Certains ont choisi un oignon comme photo de profil, d’autres ont parodié le logo de l’AKP, le parti au pouvoir, en remplaçant l'ampoule électrique par un oignon.
Un tapis de prière s'invite dans la campagne électorale
Nous entrons là dans le champ politique : la Turquie est à moins de 40 jours des élections présidentielle et législatives, et le candidat de l’opposition a braqué bien malgré lui les projecteurs sur le tapis de prière. Sur une photo prise lors d’une rupture du jeûne, on le voit qui pose, chaussures aux pieds, debout sur un tapis de prière. Immédiatement les médias pro gouvernementaux se sont indignés manchette après manchette devant ce candidat qui piétine les croyances de ses concitoyens. En meeting, Erdogan est arrivé sur scène brandissant un tapis de prière. Et il a lancé : ce n’est pas pour m’essuyer les pieds dessus, c’est pour prier et remercier Dieu le 15 mai, sous-entendu après sa victoire donc.
Kemal Kiliçdaroglu, le candidat de l’opposition, a eu beau s’excuser, en plein ramadan la polémique ne pouvait qu’enfler. Il a une réputation de gaffeur (c’est un peu le Biden turc) et s’il avait jusque-là évité tout écart, il semble s’être cette fois pris les pieds dans le tapis.
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