En Inde, l’opposition dénonce "le meurtre de la démocratie"

Les deux tiers des députés d'opposition ont été suspendus ces derniers jours en Inde, à seulement quelques mois des élections. Ils soupçonnent la majorité de tenter de liquider les voix dissidentes.
Article rédigé par franceinfo - Côme Bastin
Radio France
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Temps de lecture : 3min
L'opposition manifeste à New Delhi, le 22 décembre 2023 (RAJAT GUPTA / MAXPPP)

Cette semaine en Inde, plus de 140 députés ont été exclus du Parlement, à quelques mois des élections. Une sanction disciplinaire selon les nationalistes hindous au pouvoir, qui dominent désormais totalement le Parlement. L'opposition dénonce "le meurtre de la démocratie."

La crise commence à couver le 13 décembre. Deux individus parviennent à s'introduire dans le Parlement hautement sécurisé que le Premier ministre Narendra Modi a récemment fait construire. À l’intérieur, ils diffusent un gaz coloré, avant d'être arrêtés. Ils expliqueront que leur action visait à dénoncer l’indifférence du gouvernement face au chômage. 

Des lois cruciales adoptées cette semaine

Le gaz est inoffensif mais la faille de sécurité n’en reste pas moins préoccupante et les images font le tour des médias. Et quand l’opposition découvre que les intrus se sont servis du pass d’un député BJP, le parti nationaliste hindou de Narendra Modi, elle exige des explications du ministre de l’Intérieur. Certains députés brandissent des pancartes et le ton monte dans l’enceinte parlementaire.

Il n’en faut pas moins au président de la chambre haute du Parlement qui est aussi vice-président de l’Inde. Dénonçant un comportement inacceptable, il prononce la suspension de 70 députés, puis de 70 autres qui protestent, on en est aujourd’hui à 143 députés exclus des deux chambres du Parlement indien. Cela représente les deux tiers de l’opposition indienne, qui est déjà en minorité. 

C’est ainsi que des lois cruciales sur le budget, les télécommunications ou la sécurité ont été approuvées par le parlement cette semaine, sans que l’opposition ne puisse les contester sérieusement. Le flou règne parce qu’on ne sait pas exactement quand et comment ces députés seront réintégrés. Le tout alors que les grandes élections indiennes, où Narendra Modi briguera un troisième mandat, arrivent au printemps.

La réaction de l'opposition

Pour tous les opposants et la plupart des grands quotidiens du pays, c'est une décision sans précédent et démesurée avec les faits reprochés. Karti Chidambaram, du parti du Congrès, juge qu’il s’agit d’un prétexte pour liquider les voix dissidentes : “J’ai été suspendu alors que je ne tenais même pas de pancarte, et je ne suis pas le seul. Le gouvernement purge le Parlement de toutes les voix d’opposition pour faire passer ses réformes sans même une contradiction symbolique.”

"Cela ressemble à la Corée du Nord. La seule chose qui manque encore, ce sont les applaudissements synchronisés !"

Karti Chidambaram, député d'opposition

à franceinfo

L’opposition a déjà annoncé des manifestations nationales, leur succès donnera une idée de l’humeur de l’opinion indienne. Les différents partis sont même parvenus à s'entendre sur un possible candidat face à Narendra Modi. Pour beaucoup d’opposants, ce sont les élections de la dernière chance. Le Premier ministre, donné vainqueur, est accusé de mettre la main sur les institutions démocratiques du pays et cet épisode sonne comme un avertissement. 

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