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Affaire Griezmann-Huawei : en Chine, les Ouïghours étouffés par la reconnaissance faciale

Antoine Griezmann a rompu, jeudi, son contrat avec Huawei . L'attaquant de l'équipe de France accuse le géant chinois de participer à la répression des Ouïghours. La reconnaissance faciale est de nouveau en cause.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une manifestation, à Bruxelles le 2 octobre 2020, en soutien au peuple ouighour. (NICOLAS LANDEMARD / LE PICTORIUM / MAXPPP)

L'attaquant Antoine Griezmann a annoncé, sur Instagram, qu'il mettait fin à sa collaboration avec Huawei. Le géant chinois est accusé de participer à la surveillance et à la répression de la minorité ouïghour en Chine. Cette technologie de reconnaissance faciale, la Chine est l'un des pays au monde qui la maîtrise le mieux. Elle l'utilise dans tous les domaines du quotidien, y compris pour faire taire les voix dissidentes de la minorité ouïghoure. Il en va, disent les autorités, de "la sécurité nationale".

Les exemples récents d'utilisation de la reconnaissance faciale pour ficher et arrêter les Ouïghours ne manquent pas. Dans ce cas précis, Huawei a travaillé avec une start up chinoise, Megvii, sur un logiciel capable de reconnaître l'âge, le sexe et l'appartenance ethnique d'une personne dont le visage est pris dans le champ d'une caméra.

Ce logiciel envoie automatiquement une alerte à la police quand il estime, d'après ses algorithmes, avoir détecté un Ouïghour. Logiciel d'autant plus efficace qu'il s'appuie un réseau tentaculaire de caméras de vidéosurveillance développé par le régime, particulièrement dans le Xinjiang.

Huawei dément le ciblage ethnique

Le rapport interne du géant chinois, qui date de 2018, a été révélé par l'agence IPVM (en anglais), spécialisée en vidéo-surveillance, et consulté par le Washington Post. Il atteste que la start up a fourni le logiciel de reconnaissance, Huawei les serveurs, de l'espace de stockage, des équipements réseaux, sa plateforme de cloud vidéo, des caméras, etc.

L'entreprise bien sûr dément le ciblage ethnique, explique qu'elle "ne fournit pas" elle-même les algorithmes, "uniquement des technologies à usage général" qui sont "en conformité avec la réglementation internationale". On sait que ce logiciel a été testé, mais on n'a pas la preuve de son déploiement en condition réelle. Ce qui n'empêche pas d'autres logiciels du même genre, développé grâce à d'autres entreprises, d'être déjà en service. 

D'après l'organisation Human Rights Watch, entre 2016 et 2018, 2 000 Ouïghours ont été arrêtés dans la province d'Aksu, au Xinjiang, parce qu'ils avaient été signalés par un logiciel de la police locale. Il recueillait toutes les données possibles et imaginables : groupe sanguin, taille, affiliation politique ou religieuse, adresse IP, consommation d'électricité.

Si un Ouïghour fait le plein d'une voiture qui n'est pas la sienne, la police est alertée. S'il éteint trop souvent votre téléphone, la police est alertée, s'il télécharge WhatsApp ou Telegram, la police est alertée. Suivant le degré de dangerosité qui lui est attribué, il peut ensuite être assigné à résidence, emprisonné ou envoyé dans un camp de rééducation.

Human Rights Watch assure que "l’immense majorité" des 2 000 personnes arrêtées n'avaient rien fait d'illégal. Une femme a par exemple été signalée pour “liens avec un pays sensible” alors qu'elle avait juste passé quatre coup de fil à sa sœur vivant à l’étranger.

Un million de personnes dans les camps

En 2013 et 2014, plusieurs attentats meurtriers sont commis par des séparatistes. Le président Xi Jinping entre aussitôt en guerre ouverte contre le radicalisme islamique et tous ceux qui remettent en question la souveraineté de l'Etat chinois, il s'engage à "régler le problème ouïghour", minorité musulmane et turcophone d'environ 11 millions d'habitants, qui vit dans le Xinjiang, région grande comme trois fois la France au nord-ouest de la Chine.

Les autorités chinoises ont donc créé, en dehors de tout cadre institutionnel, de gigantesques camps qualifiés de "centres de formation professionnelle", où l'on pratique en réalité la torture ou des stérilisations forcées. Les ONG parlent de génocide.

Les réactions de la communauté internationale se sont intensifiées ces derniers mois. Les ONG, les personnalités publiques mais aussi les dirigeants commencent à donner de la voix. Emmanuel Macron en a de nouveau fait la demande au président Xi Jinping lors d'un entretien téléphonique cette semaine, mais à ce jour, aucune délégation d'observateurs indépendants sous la houlette de l'ONU n'a encore pu entrer dans le Xinjiang.

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