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Coronavirus : l'espace Schengen mis à mal

À partir du mardi 2 mars, un test négatif au Covid-19 devient obligatoire pour passer la frontière de la Moselle vers l'Allemagne. Le département français est classé par Berlin comme "zone à forte circulation du virus". Une nouvelle fois, la libre circulation est mise à mal en Europe.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Un homme traverse la frontière entre Spicheren (Moselle) et Saarbrucken (Allemagne). Photo d'illustration. (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

L'avalanche de critiques contre l'Allemagne est assez paradoxale, dans la mesure où la France bénéficie clairement d'un traitement de faveur. Car Berlin aurait très bien pu décider de manière unilatérale de rétablir des contrôles douaniers systématiques, comme elle l'a fait il y a deux semaines avec la République tchèque et l'Autriche.

Ou comme il y a un an, déjà avec la France, au moment de la première vague. Expérience certes douloureuse et kafkaïenne pour les transfontaliers, habitués à vivre au quotidien ce principe fondateur de l'idée européenne qu'est la libre circulation des personnes.

Cette fois-ci, après de longues discussions (Clément Beaune, le secrétaire d'État français aux Affaires européennes, s'est employé à déminer le dossier jusqu'au dimanche 28 février), Paris obtient finalement de l'Allemagne les mesures les moins radicales. Pas de contrôles systématiques aux douanes, mais un test toutes les 48 heures, même pour les 16 000 travailleurs transfrontaliers français. 

La mesure permet à Paris d'éviter une fermeture totale de la frontière, et à Berlin de respecter ses impératifs sanitaires tout en évitant de nouvelles tensions politiques avec ses principaux partenaires européens.

Des accrocs aux accords de Schengen

Mais l'Allemagne n'est que l'arbre qui cache la forêt : à ce jour aucun des 27 pays de l'espace Schengen n'est libre d'accès.

L'Europe revit le scénario de mars 2020, avec de plus en plus d'accrocs à la libre circulation au sein de l'Europe. Schengen, c'est un espace de 400 millions de personnes, où depuis 25 ans il est possible de voyager sans avoir à sortir son passeport ni à justifier son déplacement.

Aujourd'hui, pour passer d'un pays à l'autre il faut au minimum un test PCR négatif, une déclaration d'entrée, voire une quarantaine de 7, 10 ou 14 jours... Avec des critères réévalués en permanence.

Pas d'harmonisation européenne

Il ne s'agit pas pas réellement de fermetures de frontières mais d'un sérieux coup de canif dans le contrat. Bien plus important même que lors de la crise des réfugiés en 2015.

Malgré les tentatives d'harmonisation européenne, on est comme dans un jeu à 27 où personne ne suivrait la même règle. La Commission européenne, en lutte contre le "chacun pour soi", vient d'ailleurs d'adresser un avertissement non seulement à l'Allemagne mais aussi à cinq autres pays.

La Belgique, la Suède, la Hongrie sont accusées d'avoir mis en place des restrictions de circulation jugées "disproportionnées". Avec, en bout de chaîne, la menace d'une procédure d'infraction.

Les frontières, un enjeu de politique nationale

La question des frontières, marqueur idéologique, est aussi un enjeu de politique nationale : les partis souverainistes répètent qu’il faut "supprimer Schengen" et fermer les frontières – c'est le positionnement du Rassemblement national en France. Tandis que les europhiles, eux, plaident pour une Europe ouverte et mettent en garde contre ces murs physiques qui façonnent les identités collectives et encouragent le repli nationaliste.

Mais si l’Europe a provisoirement mis en sommeil ce grand rêve d’Europe sans frontières, cher à Jacques Delors, les plus optimistes préfèrent croire que les citoyens ont justement pris conscience de manière aiguë de l’importance de la libre circulation. Et de la nécessité de la défendre. Cette crise sanitaire sera donc, peut-être, une deuxième chance pour les accords de Schengen.

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