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Coronavirus : Cuba dans la course au vaccin

La course aux vaccin s'accélère à travers le monde et des pays - qu'on n'attendait pas - développent leur propre vaccin : c'est le cas de Cuba.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Vaccin contre le coronavirus. (STÉPHANIE BERLU / RADIO FRANCE)

Sur l'île de Cuba, dans la course au vaccin contre le coronavirus, deux candidats prometteurs sont en phase d'essais cliniques : Soberana01 et Soberana02 ("Vaccin souverain" en français), développés par l'Institut de vaccination Finlay (IFV).

Le premier achève la phase 1, le deuxième entre dans la phase 2, celle qui permet d'affiner les dosages et l'efficacité de la molécule. Tout sera bouclé dans six mois au plus tard, les autorités l'assurent, et la vaccination des 11 millions d'habitants pourra commencer.

Dans ce tweet posté par l'organe officiel du Comité central du parti communiste de Cuba, Miguel Diaz-Canel, le président explique : "J'ai beaucoup réfléchi ces jours-ci à l'année qui se termine, l'année la plus dure depuis plusieurs décennies pour Cuba et le monde, et vous avez fait partie de la grande famille cubaine, celle qui a résisté de manière créative malgré les restrictions."  

Ces avancées médicales ont même fait dire ce mardi 29 décembre au chef de l'Etat que Cuba est "le seul pays du tiers monde à disposer d'un vaccin en phase aussi avancée". Le seul aussi de toute l'Amérique latine.

Peu de morts du coronavirus

Pourtant, Cuba est épargnée par le coronavirus : le nombre de cas y reste faible (même s'il est un peu remonté à la faveur de la réouverture des frontières) : 143 décès depuis le début de l'épidémie, c'est l'un des chiffres les plus bas dans le monde. 

Des négociations sont d'ailleurs en cours pour effectuer la phase 3 de Soberana 2 dans d'autres pays, étant donnée la faible prévalence de Covid-19 parmi la population cubaine. 

Dans ces circonstances, pourquoi produire plutôt qu'acheter un vaccin ? C'est à la fois une question de compétence et d'influence. D'abord Cuba possède une industrie biotechnologique et pharmaceutique réputée, avec un savoir-faire en matière de recherche vaccinale. Huit vaccins sont déjà sont fabriqués sur place. Toutefois, le pays a aussi un handicap : il ne fait pas partie de grands réseaux scientifiques à l’échelle internationale.

Une question d'influence

Produire un vaccin contre le coronavirus ferait de Cuba l'un des pays moteurs d'Amérique latine. L'île a d'ailleurs déjà proposé son futur vaccin à des pays amis comme le Venezuela, la Colombie s'est elle aussi dit intéressée. Sur le plan économique, Cuba est dans une situation difficile, toujours sous embargo international, mais le pays n'a pas voulu s'inscrire dans le dispositif COVAX qui permet aux Etats les moins riches de réserver des doses de vaccins.

Le pays a joué la carte du nationalisme vaccinal et montre aujourd'hui qu'il peut faire jeu quasi-égal avec les vaccins américains, trouver sa place aux côté des Russes et des Chinois -  les deux pays qui trustent la plupart des commandes sur le continent. C'est un vecteur d'influence, sinon de propagande du modèle cubain.

La diplomatie médicale critiquée... mais relancée

Depuis les années 60, l'ensemble du système de santé cubain est l’un des piliers de la "révolution socialiste", et il s'exporte. A l'année, environ 30 000 professionnels de santé sont déployés pour des missions de quelques semaines ou quelques mois partout dans le monde. Ces missions sont devenues payantes. Elles rapportent à l'Etat beaucoup d'argent, quasiment 8 milliards de dollars en 2019, plus que le tourisme et plus que les transferts de devises de la diaspora.

Ces dernières années, cette diplomatie médicale s'était un peu essouflée : Cuba a perdu de gros clients comme le Brésil, l'Équateur, la Bolivie et le Salvador. Leurs dirigeants, tous passés à droite, se sont montrés beaucoup moins soucieux d'accueillir sur leur sol l'expertise des médecins d'un régime socialiste. 

La pratique a aussi fait l'objet de critiques féroces, de nombreux pays dénonçant du travail forcé. Les médecins en mission doivent notamment reverser une grosse partie de leur salaire à l'Etat - ce qui fait l'objet d'une plainte déposée à la Cour pénale internationale pour "faits d'esclavagisme".

Dans certains cas, ils doivent confier leur passeport à l'un de leurs responsables quand ils arrivent dans le pays. En cas de désertion, ils sont interdits d’entrée sur le territoire cubain pendant huit ans.

Mais la pandémie et les services de santé sursollicités, épuisés partout dans le monde a remis cette pratique au goût du jour : on a vu des médecins cubains débarquer en Italie, à Andorre ou encore en Martinique pour pallier le manque de main d'oeuvre locale.

Si Cuba réussit, comme annoncé, à produire un vaccin contre le coronavirus, sa diplomatie médicale gagnera un peu plus en crédibilité.

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