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Brésil : Lula peut revenir en politique

Hier condamné, aujourd'hui réhabilité : au Brésil, l'ancien président Lula revient dans l'arène politique. Ses condamnations pour corruption sont annulées. Un coup de théâtre que personne n'avait vu venir.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
L'ancien président Lula, en mars 2020 (illustration). (FABRICE COFFRINI / AFP)

C'est une décision qui change complètement la donne politique au Brésil : un juge de la Cour suprême, Edson Fachin, a annoncé lundi 8 mars que toutes les condamnations de l'ancien président Luiz Inacio Lula da Silva étaient nulles et non avenues. Tout simplement parce que le tribunal de Curitiba qui a jugé ces affaires n'était en réalité "pas compétent". L'incompétence du tribunal, et en particulier celle du juge Moro, à l'origine des poursuites judiciaires, avait été avancée par la défense en 2016. Il a fallu attendre cinq ans pour qu'elle soit reconnue.

Cela ne veut pas dire que Lula est blanchi ou innocenté. Mais qu'on efface tout et qu'on recommence. Les quatre procès dans lesquels l'ancien syndicaliste a été reconnu coupable de corruption – qui lui ont également valu 580 jours de prison et barré l'accès à la présidentielle en 2018 – doivent être repris depuis le début par un tribunal fédéral, à Brasilia. En attendant que justice se passe, l'icône de la gauche brésilienne recouvre ses droits politiques. Plus rien ne l'empêche de se présenter contre Jaïr Bolsonaro à l'élection présidentielle prévue en 2022.

Célébration sur les réseaux sociaux

Ce retournement de situation entraîne des réactions très contrastées : cris de joie, soulagement, célébration festive évidemment sur les réseaux sociaux du côté de ses partisans, qui ne digèrent toujours pas le fait d'avoir à la tête du pays un partisan d'extrême droite.

Le Parti des Travailleurs reste malgré tout prudent, car tout n'est pas écrit. Le procureur général, nommé par l'actuel chef de l'État, peut encore faire appel de cette décision. Même si les juges a priori la confirment, on peut s'attendre à d'autres rebondissements dans ce feuilleton judiciaire qui tient les Brésiliens en haleine depuis des années. À droite, Jaïr Bolsonoro n'avait de toute évidence pas du tout prévu ce coup de théâtre : il suffit de voir son visage se figer quand un journaliste lui demande à l'improviste ce qu'il pense du retour de Lula en politique.

Le chef de l'Etat – depuis longtemps très fâché avec la Cour Suprême, qui ne lui veut pas que du bien – dénonce sa proximité avec le Parti des Travailleurs : comme ça, dit-il sur CNN Brésil, "le brigandage de ce gouvernement (de gauche) est bien clair pour tout le monde". Sur Twitter, l'un de ses soutiens parlementaires soupire : "On va maintenant devoir supporter l'euphorie des antifas et des communistes."

Le pays attend-t-il vraiment le retour de Lula ? Les Brésiliens n'ont pas beaucoup de considération pour leur classe politique, jugée globalement incompétente. Ils sont surtout à la recherche de personnalités fortes et charismatiques, c'est ce qui a permis à Bolsonaro d'être élu en 2019. Mais après un an et demi de mandat et une gestion catastrophique de la crise sanitaire du Covid-19, le pays se retrouve encore plus polarisé. Le choc des titans Bolsonaro/Lula, populisme de droite contre populisme de gauche, serait pour les Brésiliens le scénario idéal de la présidentielle.

Rassembler la gauche

D'autant qu'à 75 ans, malgré son passage en prison et son cancer du larynx, Lula est désormais en pleine forme : il peut faire valoir son expérience sur le dossier sanitaire (il avait plutôt bien géré la pandémie de grippe H1N1 quand il était au pouvoir). Il avait terminé sa présidence avec 80% d'opinion favorable, ça compte.

Sur le plan politique, son parti a certes beaucoup perdu en crédibilité et en audience. Associé à la crise économique et politique, il a perdu aux municipales de novembre plus du quart des mairies qu'il détenait. La participation de Lula à l'élection présidentielle dépend donc de sa capacité à créer des stratégies d'union avec les autres partis de gauche, qui est très fragmentée, et du centre. Mais Lula est un cas à part, une véritable bête politique, qui est bien aujourd'hui le seul capable de faire face à Bolsonaro.

Un institut de sondage (qui n'est pas suspecté d'être partisan), l'Ipec, révélait la semaine dernière que 50% des Brésiliens étaient prêts à voter pour lui en 2022, contre 38% seulement pour l'actuel chef de l'État. Cet épisode met également en lumière toute la versatilité de la justice brésilienne. Accusée d'avoir été politisée quand elle a écarté Lula de la course à la présidentielle il y a deux ans, elle prend la décision exactement inverse aujourd'hui en le réhabilitant à 20 mois du scrutin de 2022. Ce qui n'est pas gage d'apaisement pour la démocratie : le Brésil doit s'attendre à quelques mois mouvementés.

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