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Au Rwanda, le héros d'un film, ancienne star nationale, jugé pour terrorisme

L'homme qui a inspiré le long métrage "Hôtel Rwanda" est jugé cette semaine à Kigali. Devenu le principal opposant au régime, il est accusé, entre autres, de terrorisme.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Paul Rusesabagina devant la Cour suprème de Kigali (Rwanda), le 17 février 2021.  (SIMON WOHLFAHRT / AFP)

C'est l'histoire d'un héros déchu : au Rwanda, Paul Rusesabagina, ancienne star d'Hollywood, est désormais devant la justice. Quand il dirigeait l'hôtel huppé des Mille collines à Kigali, il a sauvé plus de 1 200 personnes pendant le génocide, des rescapés qu'il abritait dans son établissement, loin des massacres. C'est donc son histoire, celle d'un Hutu modéré qui a choisi de protéger des Tutsis, que raconte le film de Terry George, sorti en 2004 et qui l'a propulsé au rang de héros national.

Mais aujourd'hui, Paul Rusesabagina est une star déchue, qui comparaît vêtu de la tenue rose des prisonniers rwandais. Accusé de meurtre, d'enlèvement, d'appartenance à un groupe terroriste et de financement de rébellion. La justice lui reproche d'avoir soutenu le Front de libération nationale (FLN), responsable depuis deux ans de plusieurs attaques meurtrières dans le pays et de la mort de civils, près de la frontière avec le Burundi. Rusesabagina reconnaît avoir participé à la création de ce groupe, mais nie toute implication dans ses exactions.

Un opposant en exil, soutenu à l'international

Il est surtout devenu l'un des principaux opposants au président rwandais. Après la sortie du film, Paul Rusesabagina a profité de sa notoriété internationale pour critiquer à haute voix l'autoritarisme du président Paul Kagame et les violations des droits de l'homme du régime. Depuis la Belgique, pays où il s'est installé après le génocide et dont il a obtenu la nationalité, il écrit un livre, endosse l'image d'un défenseur des droits de l’homme, il quitte son métier, chauffeur de taxi, et se lance dans la politique en créant un parti, et devient en effet depuis l'étranger l'opposant le plus audible dans un pays où la contestation est réduite au silence.

Mais ses prises de position dérangent. Son image peu à peu se brouille. Ses détracteurs l'accusent d'être un imposteur, d'avoir survendu ses exploits en faisant surtout des affaires sur le dos des survivants pendant le génocide. Plus il est attaqué, plus Rusesabagina riposte. Ses prises de position deviennent d'années en années plus virulentes. Jusqu'à ce qu'il prenne la tête du Mouvement rwandais pour un changement démocratique, une plateforme politique qui cherche à unir l'opposition, se dit contre la violence armée... mais ne cache pas ses liens avec le groupe rebelle du FLN, considéré par le gouvernement comme une organisation terroriste.

Il y a deux ans, Paul Rusesabagina disait dans une vidéo (que ses proches accusent être montée de toutes pièces) : "Le moment est venu d'utiliser tous les moyens possibles pour amener le changement au Rwanda car tous les moyens politiques ont échoué".

Les États-Unis, qui lui ont décerné la médaille présidentielle de la liberté il y a 15 ans, ont officiellement réclamé un procès équitable. Le Parlement européen, lui, demande sa libération.

Même son arrestation en août dernier est elle aussi entourée d'un parfum de scandale, digne d'un scénario de film d'espionnage. Les forces de l'ordre l'ont interpellé à la descente d'un avion qu'il pensait être à destination du Burundi. Ses avocats accusent le régime de l'avoir fait enlever, les ONG des droits de l'homme dénoncent une disparition forcée. Paul Rusesabagina risque aujourd'hui la prison à perpétuité.

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