Attentat de Moscou : après avoir rejeté l'aide d'Interpol, la Russie continue d'accuser l'Ukraine et implique maintenant ses alliés

La Russie persiste et signe. Après les accusations de Vladimir Poutine contre l'Ukraine, selon lui impliquée dans l'attentat revendiqué par l'organsiation État islamique, les services secrets russes montrent aussi du doigt les pays occidentaux.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le chef de l'agence de sécurité russe du FSB, Alexander Bortnikov, (au centre) à une réunion élargie du bureau du parquet général russe à Moscou, le 26 mars 2024. (VALERY SHARIFULIN / POOL / AFP)

En Russie, après l'attentat du vendredi 22 mars au Crocus City Hall à Moscou, c'est désormais l'ensemble de l'appareil d'État qui s'emploie comme un seul homme à nourrir le même narratif. "Bien sûr que c'est l'Ukraine", dit l'un des plus anciens alliés du président russe, Nikolai Patrushev, secrétaire du Conseil de sécurité.

Mardi 26 mars, le chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, a pris le relais. Il explique sans rougir que si son pays a rejeté l'offre de service d'Interpol, l'organisation internationale de police criminelle, c'est parce que celle-ci va forcément se focaliser sur "la théorie favorable à l'Occident selon laquelle l'État Islamique a commis l'attentat et que l'Ukraine n'y est pour rien".

Les services britanniques et américains "impliqués"

Mais le plus péremptoire reste en effet le patron des services de renseignement, le FSB, Alexander Bortnikov, un intime de Vladimir Poutine, considéré comme l’un des "durs" du régime. Il assure que les assaillants arrêtés samedi, étaient "attendus" en Ukraine pour y être accueillis "en héros". Puis il ajoute, sans preuve, que les Ukrainiens ont entraîné les islamistes au Moyen-Orient avec l'aide des services occidentaux, américains et britanniques notamment.


Ces accusations semblent surtout destinées à détourner l'attention du fait que son agence, pourtant l'une des institutions les plus puissantes de Russie, n'a pas réussi à empêcher l'attaque, et que le pays a négligé la lutte contre le terrorisme pour concentrer tous ses efforts sur l’Ukraine.

Alerte des Américains négligée

Or tout prouve que ni l'Ukraine, ni les Occidentaux ne sont impliqués dans l'attentat. Deux semaines avant le drame, les États-Unis ont prévenu la Russie d'une attaque islamiste imminente. Cette mise en garde a été balayée d'un revers de main par Vladimir Poutine, qui y a vu une manœuvre de déstabilisation.


L'Ukraine, bien sûr, mais aussi la France, l'Italie, la Grande Bretagne dénoncent depuis plusieurs jours l'aveuglement et les manipulations du chef du Kremlin, obsédé par sa confrontation avec l'Occident. Cette obsession qui l'a par exemple conduit à rendre les États-Unis et le Royaume-Uni responsables des explosions sur les gazoducs Nord Stream de la Baltique en 2022.

Des zones d'ombre dans le récit officiel

Le récit officiel de l'attaque de vendredi semble de plus en plus confus. La chronologie de l'attentat présentée par le chef du comité d'enquête n'éclaircit aucune zone d'ombre. Pourquoi les unités de police spécialisées ne sont-elles arrivées qu'une heure après le début de la fusillade ? Comment les suspects ont-ils pu quitter sans encombre l'une des villes les plus surveillées au monde ?

Même l'allié de Vladimir Poutine, le président biélorusse a ajouté à la confusion mardi en contredisant l'affirmation de Moscou selon laquelle les assaillants voulaient fuir en Ukraine. Ils étaient sur la route pour entrer en Biélorussie, a dit Alexandre Loukachenko, mais ils n'ont pas pu, alors ils ont changé de direction... La question est aujourd'hui la suivante : combien de temps Moscou va s'enferrer dans un récit fantasmé qui peut servir à justifier une intensification de la guerre contre l’Ukraine, mais auquel personne ne croit.

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