Allemagne : faut-il interdire le parti d'extrême-droite AfD ? Le débat est (re)lancé

Outre-Rhin, les révélations, du média d’investigation allemand Correctiv, sur une réunion entre des hommes d'affaires, des membres du parti et des néonazis suscitent de nouveaux appels à l'interdiction de l'AfD.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Manifestation contre l'AfD, le parti d'extrême-droite allemand, le 16 janvier 2024. (ULRICH PERREY / DPA / AFP)

L'affaire a été révélée, mercredi 10 janvier, par le média d’investigation Correctiv. La rencontre, censée rester confidentielle, s'est tenue fin novembre dans un hôtel de Potsdam en banlieue de Berlin. Elle portait sur un plan massif de "remigration" - concept mis en avant par les partis identitaires. Les participants ont discuté de la façon dont ils s'y prendraient, si l'AfD (Alternative für Deutschland) arrivait au pouvoir, pour expulser d'Allemagne deux millions de citoyens jugés "non-assimilés", c'est-à-dire deux millions d'étrangers et de demandeurs d'asile. L'idée était de s'en débarrasser en les envoyant en Afrique du nord.

La notion de "peuple homogène" fait déjà partie des éléments de langage de l’AfD. La "remigration" est inscrite dans son programme pour les élections européennes de juin. Mais ces révélations du média Correctiv (publiées en France par Mediapart) ont créé un profond malaise dans la classe politique allemande. "Personne ne devrait sous-estimer le danger [de l’extrémisme]", dit la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser (Parti social-démocrate, le SPD), qui dénonce "le racisme" et "l'idéologie inhumaine" de l'AfD.

Le malaise est tel que certains veulent interdire le parti d'extrême droite. L'idée n'est pas nouvelle. C'est même le cheval de bataille d'un député conservateur, Marco Wanderwitz. Ce dernier veut convaincre le Parlement de lancer une procédure. Pour cela, il doit d'abord rassembler les signatures de 5% des élus. 

Mais la majorité semble pour l'instant jouer la prudence. Le chancelier Olaf Scholz, qui a pourtant qualifié la réunion de Potsdam de "violation de la Constitution", se montre lui aussi très réticent.

Une décision de la Cour constitutionnelle

La dernière fois qu'un parti a été interdit par la Cour constitutionnelle fédérale - la seule à pouvoir prendre cette décision, c'était en 1956. En 2017, par exemple, elle a refusé d'interdire les néo-nazis du Parti national démocrate (NPD), notamment parce qu'elle considérait qu'ils n'avaient pas assez d’influence.

Aujourd'hui c'est l'inverse, l'AfD est tellement populaire que cela semble compliqué de s'y attaquer. Et si la démarche échoue, le parti pourrait jouer les victimes et en tirer politiquement profit. Pour l'instant, la formation d'extrême droite est un peu gênée aux entournures. Mais elle suit la ligne d'Ulrich Siegmund, chef du groupe parlementaire AfD en Saxe-Anhalt, qui a confirmé qu'il était bien présent à la réunion... mais à titre "privé"

L'AfD, parti en tête dans les sondages

Populaire, l'AfD l'est, assurément, ce parti rassemble aujourd'hui plus d'opinions favorables que n'importe quel parti de la coalition au pouvoir.

 L'AfD est aussi en tête des intentions de vote dans les trois landers qui vont voter au niveau régional en septembre : la Saxe, la Thuringe et le Brandebourg où plus de 30% des électeurs envisagent de lui donner leurs suffrages. L'AfD est déjà sous surveillance renforcée par l'Office fédéral de protection de la Constitution. Le chef de file de l'opposition, Friedrich Merz (CDU), prône une autre méthode. "Le meilleur moyen de combattre l'extrémisme, c'est sur le terrain politique, pas devant les tribunaux", explique-t-il.

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