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Afghanistan : les Etats-Unis s’en vont, la paix aussi

En Afghanistan, les Américains ont promis de se retirer du pays en échange de négociations entre le gouvernement et les Taliban. Les soldats ont commencé à partir. Mais le processus de paix s’enlise. 

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
La délégation taliban à Doha (Qatar) pour le second round de négociations, le 21 novembre 2020 (PATRICK SEMANSKY / POOL)

Donald Trump ne pourra pas se vanter d’avoir soldé le dossier avant de quitter la Maison Blanche. Il y a un an pourtant, les Etats-Unis signaient un accord essentiel avec les insurgés : le retrait complet des 12 000 soldats américains en échange de pourparlers entre les Taliban et le gouvernement afghan pour faire taire les armes. Et un engagement formel à couper les ponts avec les organisations terroristes comme Al Qaïda. 

Les Américains ont commencé à partir, ils ne sont déjà plus que 4 500. Donald Trump a même essayé d'accélérer la cadence, et les discussions se sont engagées en grande pompe dans un hôtel de luxe à Doha, au Qatar. C'était au mois de septembre.

Mais on ne met pas fin à 20 ans de guerre en quelques semaines : le processus de paix est chaotique, et pour l'instant infructueux.   

Les attentats se multiplient 

Sur le terrain les Taliban, qui contrôlent la moitié du pays, ont repris leur offensive contre les forces gouvernementales avec une extrême violence. Plus de 2 000 morts civils sur les neuf premiers mois de l'année.  

Ces derniers jours, multiplication des attentats à la bombe contre des personnalités publiques, fonctionnaires ou journalistes, attaques de villages entraînant des déplacements importants de population. Une façon d'augmenter la pression et de négocier en position de force. 

Les négociations n’avancent pas, car tout bloque. Les deux parties ne sont d’accord sur rien. Même sur l'application d'un cessez-le-feu provisoire, le temps des discussions, le gouvernement et les islamistes Taliban n'ont pas réussi à s'entendre. 

Mais la vraie question, c'est le partage du pouvoir. Faut-il d’abord un gouvernement de transition ? Ensuite, comment intégrer les Taliban dans le jeu politique ? Kaboul voudrait notamment le maintien du système actuel, mis en place quand les Taliban ont été évincés du pouvoir par les Etats-Unis en 2001. Mais les représentants de ce régime pourtant légitime sont aujourd’hui discrédités, affaiblis, rongés par la corruption

Les Taliban gagnent du temps 

Les Taliban, d'ailleurs, ne reconnaissent pas le président Ashraf Ghani, réélu en 2019 avec le soutien des Etats-Unis. Et ils n'ont pas l’air de vouloir en finir avec cette guerre.  Certains les soupçonnent de ne pas vouloir en réalité cet accord de paix, mais au contraire de faire traîner les discussions, de gagner du temps, pour prendre le contrôle du pays par la force une fois que l’armée américaine aura quitté l’Afghanistan. Selon le ministre de l’intérieur, qui s’exprimait devant le Parlement, "les Taliban se préparent en 2021 à une guerre de grande échelle". La mise en place d’un régime islamique dans le cadre de la charia est pour eux une priorité. 

En novembre dernier, Washington a annoncé le retrait d’environ 2 000 soldats supplémentaires d’ici la mi-janvier 2021. On y est. Le risque de ce retrait précipité ? Laisser le gouvernement de Kaboul seul face aux Taliban. Les Américains représentent près de la moitié du contingent militaire occidental déployé en Afghanistan : après leur départ, les forces de l’Otan qui sont encore quelques milliers sur place se retrouveront elles aussi affaiblies. 

L’Europe et la France craignent le retour au pouvoir des islamistes, mais surtout une transformation du pays en nouvelle pépinière à terroristes formés pour mener des attaques sur le sol européen. Le 17 novembre, après les annonces américaines, Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'Alliance, exprimait ses craintes : "L'Etat islamique pourrait reconstruire en Afghanistan le califat de terreur qu'il a perdu en Syrie et en Irak". Daech a d’ailleurs signé son retour en force dans le pays en revendiquant plusieurs attaques (dont, dès novembre 2018, celle contre l’université de Kaboul). 

Le président Joe Biden, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, n’a jamais fait mystère de son souhait de voir lui aussi son pays sortir de ce bourbier, de cette guerre asymétrique ingagnable. Donald Trump lui laisse entre les mains un dossier explosif. 

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