"Un cadeau formidable" : Francis Cabrel évoque son tube "Je l'aime à mourir" repris par Shakira

L’auteur, compositeur, parolier, musicien et chanteur, Francis Cabrel est l’invité exceptionnel du Monde d'Élodie Suigo du 1er au 5 juillet 2024. Au travers de cinq de ses chansons les plus emblématiques, cet artiste discret, à la parole rare, se livre sur ses presque 50 ans de carrière.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12 min
Francis Cabrel lors de la 45e édition du Paleo Festival à Nyon, en Suisse, le 21 juillet 2022. (MARTIAL TREZZINI / KEYSTONE / MAXPPP)

Francis Cabrel, c'est plus de 45 ans de carrière, 14 albums studio, huit en public, cinq compilations et des centaines de concerts. Auteur, compositeur, parolier et musicien, il est devenu un artiste qui compte dans le paysage de la chanson française. Avec son accent du sud revendiqué, Francis Cabrel a su s’imposer avec cette musicalité qui a séduit des millions d’oreilles. Il a aussi su nous prendre par la main, habiller nos souvenirs avec des chansons comme : Petite Marie (1977), L'encre de tes yeux (1980), La dame de Haute-Savoie (1980), Il faudra leur dire (1987), Sarbacane (1989) ou encore La corrida (1994), qui désormais ne sont plus à lui tout seul, mais aussi à nous. Cet artisan faiseur de tubes a reçu franceinfo chez lui, à Astaffort, un endroit fondateur qui a toujours fait partie de lui et de ses créations, notamment celle Des Rencontres d'Astaffort , un liant avec de jeunes artistes, auteurs, compositeurs, interprètes à l’image de sa fille Aurélie, qui y vit et a créé le label Baboo Music sous lequel est sorti son dernier single, Un morceau de Sicre .

franceinfo : C'est essentiel pour vous de transmettre ?

Francis Cabrel : Oui, ça m'a toujours trotté dans la tête. Que faire de ce succès ? À l'époque, puisqu'on parle de Voix du Sud, j'étais au Conseil municipal, je cherchais une idée pour mon village. L'idée, c'est ça, on est loin de tout. Alors, faisons venir la culture à nous, puisqu'il faut faire toujours 100 kilomètres pour aller voir les belles choses à Bordeaux ou à Toulouse.

"Dans mon idée de départ des Rencontres d'Astaffort, c'était qu'il se passe quelque chose en milieu très rural."

Francis Cabrel

à franceinfo

Que signifie le mot "artiste" pour vous ?

C'est justement un mot sur lequel je réfléchis un peu de temps à autre, et c'est quand même assez flou. Je n'aime pas trop d'ailleurs, parce que je pense que mon père avait une âme d'artiste. Ma mère, c'est pareil, donc tout le monde est un peu artiste au fond de soi. Pourquoi le devient-on officiellement ? Moi, je pense que je ne suis pas tout le temps un artiste. Artiste, c'est une condition éphémère. C'est comme un nuage qui se pose sur vous, qui part, qui revient quelque temps plus tard, mais ce n'est pas une longue route d'artiste. Déjà, les gens qui se disent "artistes", je m'en méfie énormément.

Pourquoi ?

Parce que je pense qu'on ne l'est pas tout le temps, on peut l'être de temps à autre. Voilà, on peut avoir un tempérament d'artiste. Je pense que la réalité, c'est ça.

Vous vous posiez beaucoup de questions au début. Qu'est-ce qui vous faisait douter ?

J'ai douté au début, je doute encore aujourd'hui. Je pense qu'il ne faut jamais être sûr.

" Ce n'est pas du tout un métier où on peut être sûr de quoi que ce soit."

Francis Cabrel

à franceinfo

Chaque fois que j'écris une demi-chanson, je me pose des questions. Quand je la termine, je la fais écouter, je tremble comme une feuille. Je pense qu'il faut être ainsi. S'asseoir sur les certitudes, ce n'est pas du tout mon conseil. Déjà, pour les gens qui commencent ce métier, il ne faut jamais être sûr, jamais content. Il faut sans cesse corriger, polir, peaufiner.

Avec votre premier single et votre premier album, vous allez faire la première partie de Dave à l'Olympia, un moment très fort pour vous. Vous allez connaître le succès avec le titre Je l'aime à mourir, extrait de votre deuxième album Les chemins de traverse, en 1979. Plus de 600 000 exemplaires vendus. Vous allez passer de l'ombre un peu éclairée, à la lumière, flashante et limite aveuglante. Comment avez-vous vécu cette notoriété ?

Autant que je me souvienne, elle m'a fait peur de suite. Pourtant, c'est ce que je voulais donc, c'est encore un grand questionnement.

"La notoriété m'a un peu paralysé. Je sentais là aussi que ça allait me compliquer la vie, mais que c'était le revers de la médaille que je souhaitais."

Francis Cabrel

à franceinfo

Je voulais la médaille, je voulais créer des chansons et je voulais que les gens les écoutent, qu'on s'arrête pour m'écouter. C'était quand même très ambitieux, je réclamais une attention. Quand elle est arrivée, je me suis retrouvé un peu comme deux ronds de flan. Je me disais : Aïe ! Il va me falloir rétrécir mon champ d'action, enfin tout ce côté encombrement, la notoriété qui vous arrive sur les épaules. J'ai été très heureux parce que j'entendais ma chanson dans les radios, c'était très agréable.

Comment est née Je l'aime à mourir ?

Elle est arrivée en quelques heures. C'était un après-midi. J'habitais déjà à Paris puisqu'on m'avait fait comprendre que j'habitais trop loin du cœur de l'action. J'étais dans un appartement parisien et j'avais des copains de province qui sont arrivés, des guitaristes et moi je bossais la guitare sur la méthode de Marcel Dadi. Il avait sorti une guitare pour les gens qui ne savaient pas lire la musique, cela s'appelait une tablature. Et je jouais, je faisais mon Marcel Dadi débutant et je descendais un accord sur un certain arpège et mon pote guitariste me dit : "Mais tu sais que tu peux aussi l'inverser cet arpège" et j'ai essayé et la chanson est arrivée, il était 15 heures. Mes amis sont partis. À 19 heures, j'avais fini parce que j'avais déjà un texte qui n'attendait qu'une musique. J'avais déjà écrit quelques phrases importantes de la chanson et puis l'après-midi, la chanson a été écrite.

Vous l'avez chantée en espagnol, elle a beaucoup été reprise notamment par la chanteuse Shakira. Comment avez-vous reçu cette version ?

J'ai reçu ça comme un cadeau formidable. J'ai été prévenu la veille, donc c'était vraiment la vraie surprise. Ça tombe un peu du ciel. C'est vrai que j'avais chanté en Amérique du Sud dans les années 80 et mon raisonnement, moi qui n’avais jamais rencontré Shakira, c'est que ses parents devaient aimer cette chanson, qu’ils lui avaient fait écouter. Elle a dû être bassinée par ça, elle a grandi avec et un jour elle a décidé de la chanter pour faire plaisir au public français, ce qui est très touchant. Magnifique !

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