"Tu vas prendre ta place parce que moi, je suis ici pour que tu prennes ta place" : Lara Fabian se souvient des mots de Johnny Hallyday au Stade de France
Lara Fabian est l'invitée exceptionnelle du Monde d'Élodie toute cette semaine. Cinq jours pour évoquer ses 30 ans de carrière avec ses hauts, mais aussi ses bas. Celle que les Français ont vu débarquer du Québec dans les années 1990 avec une voix puissante touchant droit au cœur, est devenue, au fil de ses 16 albums, une artiste qui compte aussi bien dans les pays francophones qu’anglophones. C’est sans filtre qu’elle se livre en évoquant des bouts de son histoire, des souvenirs de vie autour de ses chansons devenues cultes : Je t'aime , Adagio, I Will Love Again, J'y crois encore, Immortelle, Tu es mon autre, Humana ou encore La différence. Elle revient sur sa rencontre avec le taulier, Johnny Hallyday, qui lui a donné confiance, sur sa vocation à transmettre ce qu’elle a appris aux autres et puis surtout elle souligne l’importance d’un sentiment qui réchauffe les cœurs fermés : l’empathie.
Durant trois décennies, Lara Fabian n'a jamais cessé de proposer un éclairage sur la vie, avec ses joies et ses peines, des pages qui se tournent et des aventures qui démarrent, à son précieux public. En prélude à la sortie d’un 17e album prévu fin 2024, elle nous a offert en janvier dernier le single Ta peine, écrit et composé avec Slimane et confirme qu’une tournée est à venir.
franceinfo : L'année 1998 a été essentielle dans votre parcours. L'album Pure, une Victoire de la musique, une tournée exceptionnelle et cette rencontre au Stade de France avec Johnny Hallyday, ancrée dans la mémoire des Français et des Belges. Le titre, c'est Requiem pour un fou. Ça reste aussi un moment gravé dans votre mémoire ?
Lara Fabian : Oui, d'ailleurs, ce moment prend racine aux Enfoirés puisque c'est là qu'il se présente devant moi avec une gerbe de roses oranges. Il me dit : "Est-ce que tu accepterais de chanter au Stade avec moi ? Tu es la seule femme que je veux inviter". Plus tard, il prononcera cette phrase incroyable en conférence de presse quand on lui demande pourquoi moi et il répondra tout simplement parce que "Lara, c'est moi en nana".
On sent qu'il est ému quand vous êtes avec lui sur scène. On sent la fusion.
Oui. Et puis à un moment donné, il va vraiment m'attraper par le collet et me dire : "Maintenant, tu prends ta place" parce qu'au début, ce n'est pas que j'y allais en tâtonnant, mais quand même, il faut aussi se mettre à ma place. J'ai 28 ans, c'est la première fois que je vais vivre quelque chose de ce niveau-là, être face à un géant comme lui, face à une pelouse avec les têtes de 80 000 personnes. Et il me dit avec cette force : "Tu vas prendre ta place parce que moi, je suis ici pour que tu prennes ta place". Et il va me laisser entrer dans cet univers, devant tous ces gens en étant entourée de 300 choristes et d’une cinquantaine de musiciens.
"La dimension du Stade de France était tellement plus grande que la musique elle-même que pour y trouver ma place aux côtés de Johnny, j'ai dû vraiment me faire un peu violence au départ."
Lara Fabianà franceinfo
Je me suis demandé si ça n'avait pas été un électrochoc pour vous parce que jusque-là, ce n'est pas que vous vous excusiez d'être là, mais on sentait qu'il y avait un souci de légitimité. En parallèle, vous entrez au musée Grévin. Est-ce que cela bascule à ce moment-là ? Prenez-vous la confiance qui vous manquait ?
Pas vraiment. J'ajouterais que je continue d'habiller mes petites insécurités très tôt le matin. Je les habille mieux, mais quand même, même s'il y a quelque chose qui est de l'ordre d'une grande révérence et accueilli par le public, c'est encore un duo qui me précède aujourd'hui. Ces insécurités, dont vous parlez, font partie intégrante de qui je suis.
À la suite de vos premiers albums francophones, il y a un contrat qui va être signé pour que vous puissiez sortir des albums en anglais et il va y avoir le titre Adagio. Parlez-nous de ce titre qui a bouleversé beaucoup de personnes.
En fait, il y en a eu deux en parallèle. Il y a eu Adagio dont vous parlez mais aussi I Will Love Again. Ils sortiront en parallèle. Dans certains pays du monde, je serai présentée comme la fille qui chante ce drame d'Albinoni, réécrit à la fois en italien et en français. Dans d'autres pays du monde, je vais être présentée comme la nouvelle sensation dance de la musique anglo-saxonne. Ça va vraiment créer une sorte de dissociation dans la tête du public que je vais porter pendant de longues années, mais qui finalement va être une carte incroyable parce qu'elle m'aura permis de traverser d'un style de musique à l'autre. Mais l'Adagio reste quand même le moment que tout le monde attend.
En 2001, vous revenez avec Nue, c'est votre quatrième album. Tout est dans le titre, non ?
J'avais déjà bien morflé donc j'ai vraiment écrit depuis ma plus grande vulnérabilité. Nue était un album rempli de grandes blessures, mais que j'ai utilisées pour les transformer, pour les transmuter.
Tu es mon autre avec Maurane est un titre particulier. C'est la fusion, de deux voix, mais aussi de deux femmes qui ont des blessures communes, des choses à dire, qui regardent droit devant, qui sont devenues des symboles pour beaucoup. Parlez-nous de ce duo.
Je désire tellement, à ce moment-là, me mélanger à celle qui, pour moi, est une des trois plus grandes voix féminines du monde. Même si je la connais depuis que j'ai 14 ans, c'est une amie commune qui nous présente à cette époque-là, et même si tout semble très normal, très naturel, musicalement, elle me paraît inaccessible. Pour la courtiser, je vais écrire cette chanson avec Rick et c'est vraiment très fébriles qu'on va aller la lui présenter en espérant qu'elle accepte. C'était ma posture face à Maurane, tellement je l'aime, tellement je l'admire. Elle vient chercher chez moi une dimension que je ne connaissais pas encore de ma sensibilité. Et quand elle accepte, c'est extraordinaire. C'est extraordinaire d'être face à quelqu'un qu'on admire à ce point-là et qui accepte de se mélanger tout du long parce que c'est un des rares duos où on échange rien, on est l'une avec l'autre, on est la partie manquante de la voix de chacune d'entre nous et on se mélange comme un cylindre prend forme.
"'Tu es mon autre' avec Maurane a été peut-être l'un des plus grands duos de ma vie, musicalement. C'est mon préféré !"
Lara Fabianà franceinfo
Elle n'est plus là physiquement, mais elle est toujours là.
Oui. Sa voix ne s'absentera jamais.
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