Retour sur scène de Ministère A.M.E.R : "Cette tournée va permettre aussi de faire découvrir la base du rap français", confie Passi
Le rappeur, comédien, Passi est de retour avec son groupe, Ministère A.M.E.R, une trentaine d'années après la sortie des deux premiers albums, Pourquoi tant de haine et 95200 - le code postal de Sarcelles. Le groupe vient du Val d'Oise où Passi a grandi et au fil du temps, le Ministère A.M.E.R a toujours été un témoin de ce qui se passait dans les cités, et surtout une voix pour les autres.
À l’occasion des 30 ans de leur second album, 95200, le Ministère A.M.E.R démarre une tournée cet automne avec un passage par La Cigale à Paris, le 11 octobre.
franceinfo : Qu'est-ce qui vous a donné envie de revenir, à part la date anniversaire ?
Passi : Stomy Bugsy et moi, faisons encore, chacun de notre côté, beaucoup de shows à droite et à gauche. La dernière date ensemble, c'était pour l'anniversaire du premier album. On avait fait un Olympia. Une date unique parce qu'on n'a jamais vraiment fait de tournée avec Ministère A.M.E.R et là, ça nous fait plaisir de repartir sur la route. On est dans une période où on a peut-être besoin d'héritages, de raconter aux nouvelles générations. Je pense que cette tournée va permettre aussi de faire découvrir la base du rap français.
Le point de départ, c'est l'acronyme A.M.E.R. Il y a plein de traductions comme : Action, Musique et Rap, Agents du Ministère Elégant et Radical ou encore Association des Malfaiteurs Enfants de Rap.
Cela fait partie du rap. On prend des mots, on les détourne, on les sample. Ministère A.M.E.R, c'est mon premier groupe, c'est un cri. On a 15 ans, on a un avenir incertain et on regarde le monde, la situation de l'Afrique, celle des quartiers, on regarde l'égalité et les problèmes sociaux et on se dit non, au lieu d'écrire sur des bêtises ou sur juste de l'amour, on va parler de ce qui se passe en bas de chez nous. On va un petit peu poser des questions à la société, aux gens qui nous entourent, etc.
"Ministère A.M.E.R, à la base, c'est un cri de jeunes qui se demandent où est leur place dans le monde."
Passià franceinfo
Quand le rap est arrivé en France, après les États-Unis, il y a le tag, les graffitis. Vous et Stomy Bugsy avez commencé comme ça, c'est d'ailleurs de là que vient son nom de scène. À l'époque, il y avait cette émission de télévision incontournable présentée par Sidney, "H.I.P. H.O.P."
J’ai croisé Sidney, il y a un ou deux mois, à un concert et il est très content de ce qui s'est passé pour le Hip-Hop. Il nous en parlait tous les dimanches, sur une grande chaîne télévision, la première chaîne en France. Jusqu'à aujourd'hui, ce sont plusieurs millions d'albums vendus et on n'a plus d'émissions de ce type sur les grandes chaînes, ce qui n'est pas normal. Quand on le croise, on doit quand même un peu lui remettre ses lettres de noblesse !
Je voudrais qu'on parle du titre que Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur à ce moment-là, avait tenté de faire interdire. Brigitte femme de flic a en effet marqué les esprits. Que représente-t-elle pour vous dans ce parcours ?
Brigitte femme de flic, c'est une ironie. C'est une histoire de tromperie. À la base, c'est la femme d'un policier qui vit sa double vie. Et nous, on raconte ça justement pour piquer, pour embêter un petit peu. Le Ministère A.M.E.R, c'est aussi un vilain petit canard. On aime bien titiller, déranger. Et c'est assumé parce qu'il y a des choses sur lesquelles on n'était pas d'accord politiquement parlant. Aujourd'hui, au niveau du racisme, au niveau de ces histoires d'immigration, etc, on ne peut pas dire que ça soit très clair et très juste pour l'immigré qui veut s'insérer, qui veut montrer patte blanche ou qui souhaite avancer.
Vous n'avez pas l'impression que ça a changé ?
On ne met pas assez le doigt sur l'éducation. L'éducation, c'est fondamental et on y perd beaucoup. Je vois ce qui se passe dans les quartiers et ça devient de plus en plus difficile partout en France. On devrait tous ensemble, d'un commun accord, pousser les meilleurs professeurs, à aller dans les quartiers les plus difficiles et les accompagner, leur donner des primes, etc. C'est mon point de vue. Pour la police aussi, au niveau des formations notamment. Quand tu prends un policier du sud [de la France] et que tu le balances dans le 93 (Seine-Saint-Denis), il n'a pas les codes pour parler aux jeunes. On ne peut pas vivre dans un monde anarchique sans police, même si on la critique. C'est normal. Je trouve que cela a été une grave erreur de supprimer la police de proximité.
"Il faut réussir à redonner de l'amour, du vivre ensemble. En France, on voit souvent le verre à moitié vide au lieu du verre à moitié plein. Bien sûr qu'il y a des problèmes, mais dans d'autres pays dans le monde, il y en a encore plus."
Passià franceinfo
Pour terminer, qu'est-ce qui a le plus changé entre vos débuts à 15 ans et aujourd'hui, 35 ans plus tard ?
Moins d'innocence, parce que quand vous êtes plus connu, on vous attend plus au tournant, tandis qu'à l'époque on s'en fichait. On venait, on faisait ce qu'on sentait. Plus vous êtes connu, plus vous avancez, plus on vous attend au tournant et plus vous vous cherchez. Et puis, il y a l'âge. On cherche à faire des choses un petit peu plus fortes.
Plus sage aujourd'hui ?
Plus sage ? Bien sûr, obligatoirement, sinon, mes enfants, mes neveux vont me dire "Tonton !", "Papa !". Alors plus sage à l'extérieur, mais à l'intérieur, il y a toujours le feu qui brûle, ce feu de création, ce feu pour dénoncer, chanter, parler. Il y a toujours ce feu qui est là.
Le Ministère A.M.E.R sera en tournée, entre autres dates, le 4 octobre à Reims, le 11 à Paris, le 18 à Nîmes ou encore le 26 à Toulouse.
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