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"Oui c'est fini, je ne joue même pas de piano chez moi" : William Sheller confirme qu'il arrête la musique

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, l'auteur, compositeur, interprète et pianiste William Sheller.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
L'auteur-composituer-interprète William Sheller chez lui à Ardon (Loiret) le 15 mars 2021 (LP/OLIVIER ARANDEL / MAXPPP)

William Sheller est auteur, compositeur, interprète et pianiste. Dans son escarcelle, non seulement des chansons dont certaines ont rencontré un immense succès, mais aussi une messe, une comédie musicale, des musiques de films, des jingles, des symphonies, des quatuors, des concertos... Il est considéré comme l'un des plus grands auteurs, compositeurs et interprètes français. Il publie un livre autobiographique, William, aux éditions des Equateurs.

franceinfo : Vous mettez des mots sur ce que vous appelez vos moments de grâce, d’ennui, d’espoir, de solitude. C’était plus que nécessaire de se soulager un petit peu ?

William Sheller : Tant que j'ai fait de la chanson lors des promos, c’était : "William Sheller vous avez sorti un nouveau titre, etc." Jamais on ne demande à un être humain : "Qui êtes-vous, Qu'est-ce que vous avez dans le cœur ?"

J'ai fait ce livre où je ne parle que du gamin, je ne voulais pas raconter des histoires de métier.

William Sheller

à franceinfo

Ce livre est celui d’un gamin qui est né dans une famille rapidement monoparentale même si vous allez avoir plusieurs beaux-pères. Vous avez grandi dans des secrets de famille avec, effectivement, cette absence du père. Vous démarrez ce livre sur les derniers instants de votre maman.

Je l'ai accompagnée tous les jours, à partir du moment où j'ai su qu'elle avait un cancer et qu’elle partait. Et puis elle est décédée. Je m'en suis peut-être un peu voulu mais je me suis dit : "Au moins, maintenant elle n'enquiquinera plus le monde. On est tranquilles." C'était assez bizarre comme sentiment de voir disparaître "mon ennemi intime", comme je l'appelle.

Jusqu'au dernier moment, elle a fait de la rétention d'informations, c'est-à-dire qu'elle vous a juste donné un prénom : Colin. Ce qui vous a permis de découvrir le vrai nom de votre père et vous avez fini par le retrouver. En fait, ce sont les enfants de votre père qui vont vous répondre parce que malheureusement, votre papa était décédé en 1989. Il leur avait dit que vous existiez depuis très longtemps.

Oui, mon frère le savait. Un jour, il regardait Out of Africa avec Meryl Streep et mon père à la fin a dit : "J'ai connu une femme qui lui ressemblait beaucoup dont j'ai eu un fils". Lui n'avait aucune nouvelle, aucune indication parce que ma mère a déménagé, elle est partie en Belgique suivre Jacques Hand qui m’a donné son nom. Je la voyais une fois de temps en temps, je vivais chez ma grand-mère qui a été le pilier.

Cette grand-mère vous a tout donné. Elle disait que petit, la seule chose qui vous calmait c’était de vous asseoir à côté d’un poste de radio et de vous faire écouter de la musique.

Absolument, j’étais comme un serpent devant une flute. Je ne pleurais plus.

Cette grand-mère et ce grand-père vous ont un peu communiqué l'art de la scène puisqu'ils étaient effectivement ouvreuse et chef de plateau. C'est de là que vient cette envie de monter sur scène ?

J'aidais les ouvreuses à retirer les toiles qu’ils mettent sur les premiers rangs pour éviter la poussière des répétitions, puis après j'avais le droit de danser sur la scène. J’imitais ce que j’avais vu. Je voyais les ballets classiques, même Barbara pour la première fois, qui commençait. Elle nous a lâché quelques chansons comme ça, on aurait voulu que ça dure toute la nuit.

À l'âge de 11 ans, je traversais une rue et j'ai dit : 'Je voudrais faire comme Beethoven'. J'avais toujours lu que les compositeurs de musique n'étaient pas toujours très drôles mais ça ne faisait rien, c'est ce que je voulais apprendre.

William Sheller

à franceinfo

Vous rencontrez votre "maître", Yves Margat, à 15 ans. Il va vous enseigner l'âme dans l'interprétation plus que l'exactitude biblique.

Il s'est posé comme précepteur. Il y avait donc Mamie et puis il y avait cet homme qui était un peu mon grand-père. Je ne l'ai jamais appelé "Maître", je disais "C'est mon maître" mais je l'appelais "Monsieur". Je ne voulais pas le quitter. Je suis parti parce que la musique contemporaine... Pierre Boulez m'a intéressé mais il y avait quand même les Beatles, et alors là...

On avait musique sérielle contre les Beatles et effectivement l'arrivée de A hard day's night et Help! va être un choc émotionnel pour vous.

Je me suis dit : "C’est la musique de l’avenir".    

Il y a une personne qui va craquer sur vous, c'est Barbara. Vous allez l'accompagner pendant toute la création de son album La Louve.

On m'a dit : "Vous habitiez avec Barbara", je réponds : "Non, j'habitais chez Barbara", faisons la nuance. C'était hors des mots : "Là, tu vois tu me mettras tes cordes bleues, comme tu les fais" et je voyais ce qu'elle voulait dire. On ne peut pas trouver des mots pour expliquer une ambiance musicale mais c'était parfois des communications télépathiques, très bizarres. Le travail avec elle, c'était de me réveiller à trois heures du matin.

Barbara va vous convaincre que vous êtes fait pour chanter.

Je ne voulais pas chanter tout seul. Quand elle m'a dit : "Tu devrais chanter", je lui ai répondu : "Mais je n'ai pas de voix, ma chérie !

Tu n'es pas un chanteur, tu es un diseur. Moi, je suis une diseuse, c'est-à-dire que je raconte des choses sur des notes

Barbara

à William Sheller

Elle vous a aidé à trouver une maison de disques et ça a donné naissance à un premier gros succès : Rock'n'Dollars (1975). En 1991 est arrivé Un homme heureux, issu de l’album Sheller en solitaire vendu à 800 000 exemplaires.

Une casserole aux fesses maintenant. C'est devenu "Sheller : Un homme heureux". C'est bien d'avoir laissé au moins un morceau qui fait partie de l'histoire de la chanson.

En 2014, vous avez fait un burn-out. Mais vous parlez surtout aujourd'hui d'arrêter la musique.

Oui, c'est fini.

Vous allez pouvoir vivre sans créer de la musique ?

Ce burn-out a été pour moi une mort initiatique. Le bonhomme a changé, c'est un nouveau bonhomme maintenant et ça ne m'intéresse plus. Je ne joue même pas de piano chez moi.

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