Olivier Py : "Notre premier combat, c’est d'abord d'ajouter un peu de beauté au monde en faisant des spectacles"
Olivier Py est dramaturge, metteur en scène, auteur, comédien, réalisateur et ancien directeur du Centre dramatique national d'Orléans, du Théâtre national de l'Odéon ou encore du Festival d'Avignon. Depuis 2023, il est le directeur du Théâtre du Châtelet. Il est un frondeur, un brin provocateur, attiré par l'envie de bousculer les codes, de mélanger les styles, de proposer à chaque création autre chose. En tant que directeur du Théâtre du Châtelet, il propose une programmation forte, différente, élégante, excentrique, multiculturelle et notamment, actuellement, la comédie musicale Les Misérables jusqu’au 31 décembre 2024.
franceinfo : Sur la scène du Théâtre du Châtelet, on a vu Youssou N'Dour, Roméo et Juliette en passant par West Side Story et Hip-Hop 360 Show. Le but du jeu, vous le dites dès le départ, c'est de créer le théâtre de toutes les musiques, de tous les arts de la scène, d'être le théâtre de tous.
Olivier Py : Oui, c'est l'histoire du Châtelet. Le Châtelet, c'était à la fois à l'avant-garde et en même temps le grand-angle. On venait au Châtelet à la fois en famille et en même temps en expert, ça, c'est extraordinaire. Il faut être fidèle à ce grand-angle et puis accueillir toutes les musiques de l'opéra au rap.
Pour Les Misérables, j'imagine qu'il n'a pas été simple de remettre en scène le chef-d’œuvre d'Alain Boublil et de Claude-Michel Schönberg. Proposer autre chose sur une œuvre aussi mythique vous a-t-il créé des nœuds dans la tête ?
Non, pas de nœuds. Non, pas du tout. Des grands éclats dans le cœur.
"J'adore ‘Les Misérables’, c'est la comédie musicale la plus jouée dans le monde, mais en France, malheureusement, depuis près de 30 ans, elle n'est pas revenue."
Olivier Pyà franceinfo
Je souhaitais qu'il y ait une nouvelle mise en scène de ce chef-d’œuvre, car c'en est un. Il fallait que cette œuvre revienne au Châtelet. D'ailleurs, je crois que Schönberg et Boublil l'avaient écrite en pensant au Châtelet, il y a plus de 30 ans.
Parler aux enfants est aussi un travail que vous avez toujours fait. Vous, enfant, vous n'étiez pas du tout attiré ni par la télévision, ni par l'art, ni par rien ?
Si, enfant, j'étais attiré par l'art, mais je n'étais pas dans un milieu très passionné par l'art. Mes parents préféraient nettement le sport et moi, j'étais une moule accrochée au rocher. C'était épouvantable. Donc je me suis vengé ensuite. Depuis toujours, je m'adresse beaucoup aux enfants. C'est important, on crée le public de demain, c'est fondamental. Les enfants, quelquefois, amènent avec eux des parents qui ne seraient pas venus au théâtre et qui reviendront peut-être.
Quel a été le déclic pour vous quand vous étiez petit ?
Mon déclic a été la littérature, pas le théâtre, puisque j'en étais un petit peu éloigné. Mais la littérature, c'était voler des livres dans la bibliothèque de ma mère. Surtout lire les livres qu'on m'interdisait de lire ! Et la littérature a tout fondé pour moi.
Créer des œuvres, cela coûte de l'argent, on sait que ce n'est pas simple aujourd'hui. La culture manque cruellement d'argent. On retire de plus en plus de budgets.
Surtout avec 200 millions en moins ! Je pense qu'ils auraient pu les prendre ailleurs, franchement.
Parlons-en de ce positionnement qui tend à réfréner tout ça. Ça vous touche ?
Notre démocratie, si elle n'a pas la culture, c'est-à-dire si elle n'offre pas à tous la possibilité d'avoir le cœur, la pensée ouverte à toutes les pensées justement, alors elle est simplement un décret administratif. La démocratie n'existe pas sans la culture.
"La culture n'est pas une variable d'ajustement, c'est le fondement même de notre démocratie."
Olivier Pyfranceinfo
Quand on vous regarde, on sent cette sensibilité qui fait partie de vous. Comment vous protégez-vous avec toutes les œuvres que vous créez, de ce que vous proposez ?
Ah, mais je ne m'en protège pas, je m'en prends plein la gueule. Je reste debout par l'amour de l'art, par l'amour des œuvres, par l'amour des rencontres, par l'amour de la jeunesse. Si je sais que je vais passer une journée dans un théâtre, ça m'aide à me lever le matin. Mais enfin, l'état du monde, quelquefois, me déprime considérablement.
Qu'attendez-vous le plus de cette programmation 2024/2025 ?
Peut-être que si à la sortie de ces spectacles-là, les gens se disent : "Tout n'est pas tout à fait désespéré", on aura gagné. Il faut être humble par rapport à la chose théâtrale. Il ne faut pas s'imaginer qu'on va tout réparer, qu'on va à la fois réparer l'écologie, promulguer une incontestable diversité, qu'on va sauver le féminisme. Non, notre premier combat, c’est d'abord d'ajouter un peu de beauté au monde en faisant des spectacles. C'est peu, mais ce n'est pas rien.
Être artiste, c'est ça ? C'est à la fois distraire, à la fois s'amuser, à la fois provoquer des sourires, des larmes, des émotions et en même temps, de temps en temps, savoir dire les choses ?
La question c'est, je crois : Qu'est-ce que c'est être spectateur ? Beaucoup plus que qu'est-ce qu'être artiste ? Mais être artiste, c'est beaucoup d'ego. Je pense que je suis un grand spectateur, je suis toujours heureux quand je vais au spectacle. Et c'est vivre mieux. C'est considérer que la vie serait beaucoup moins attirante s'il n'y avait pas cette présence de l'art, cette preuve qu'est l'art, que l'existence a un sens. C'est une preuve. Alors il faut aller la chercher là et j'ai envie de dire un peu nulle part ailleurs que là.
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