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Musique : la plasticienne ORLAN sort un premier album, "Le slow de l'artiste", avec l'ambition de "rapprocher les corps"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’artiste contemporaine et pluridisciplinaire ORLAN. Vendredi 26 mai 2023, elle propose un premier album musical, "Le slow de l'artiste".
Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'artiste ORLAN à Paris le 23 février 2023 (JOEL SAGET / AFP)

ORLAN est une plasticienne pluridisciplinaire. Elle pratique la peinture, la sculpture, la photographie, la vidéo, la robotique, l'intelligence artificielle, les biotechnologies et même la chirurgie esthétique. Artiste qui aime d'abord la vie, elle s'est toujours opposée à pas mal de choses comme au déterminisme naturel, social, politique et à toute forme de domination, la suprématie masculine, la religion, la ségrégation culturelle, le racisme. Elle s'assume d'ailleurs en tant que féministe et en 1977, elle a créé Le baiser de l'artiste à la Foire internationale d'art contemporain (FIAC).

Vendredi 26 mai 2023, elle propose un premier album musical, Le slow de l'artiste, pour rapprocher les corps.

franceinfo : Le premier single, interprété en duo avec Sir Alice s'intitule : Je suis slowsexuel.le. Ça s'écrit à la fois au féminin et à la fois au masculin. Pourquoi cet album ?

ORLAN : Ce qui est vraiment très important pour moi, c'était, après Le baiser de l'artiste, de rapprocher les corps. De rapprocher les corps après la distanciation physique. Danser un slow, c'est absolument extraordinaire d'avoir dans ses bras un corps chaud, doux, avec lequel on peut avoir des caresses, de la tendresse, de la sensibilité. J'adore le slow et je me suis aperçue que tous mes assistants, qui sont très jeunes, n'ont jamais dansé le slow. Alors je me suis dit il faut quand même faire quelque chose pour les jeunes. On ne peut pas les laisser dans cet état !

Vous avez sélectionné 20 slows qui vous correspondaient. Vous en avez réécrit les paroles et vous avez confié les mélodies à des musiciens comme Terrenoire, Yael Naïm, La Femme, Demi Mondaine, Mimosa. Des personnalités qui sont fortes, qui sont marquées, tout comme la vôtre. Difficile finalement de raconter qui vous êtes. Comment vous voyez-vous ?

Eh bien, je conseille à tout le monde d’écouter ces slows parce que c’est moi qui en ai écrit les paroles. Je pense qu’elles en disent long sur mon œuvre, sur mon travail. C’est un strip-tease parce que, par exemple, avec Terrenoire qui a travaillé sur une musique de Monteverdi, je dis quelque chose de très important pour moi c’est : "Pas fragile. Sensible" et ça c’est très important !

Comment vous définissez-vous alors ?

Je suis une femme forte. Je dis toujours quand je me présente : je suis ORLAN, entre autres, et dans la mesure du possible. Mon nom s'écrit en lettres capitales parce que je ne veux pas qu'on me fasse rentrer dans la ligne.

Vous avez donc tenté, toute votre vie, de fuir les lignes. Le point de départ de votre travail, c’est la recherche du corps. Vous avez fait de la chirurgie esthétique, vous l'avez assumé.

"J'ai utilisé la technique de la chirurgie esthétique pour la détourner de ses habitudes et j'ai fait des opérations chirurgicales qui n'étaient pas censées apporter de la beauté, mais au contraire apporter de l'horreur."

ORLAN

à franceinfo

Je me suis fait poser deux implants qu'on met habituellement sur les pommettes pour les rehausser de chaque côté du front. Et effectivement si on me décrit comme une femme qui a deux bosses sur la tête et qu'on ne me voit pas, comme ici à la radio, on peut penser que je suis absolument horrible, monstrueuse, etc. Effectivement, au départ, ça a été une controverse absolument incroyable en disant que ce n’était pas de l’art, qu’ils avaient mal aux yeux, que je faisais n’importe quoi etc. Et puis actuellement, c'est hallucinant, je savoure…

Vous êtes devenue une icône.

J'ai gagné puisque souvent on me dit : "Oh ORLAN comme tu es belle !" je dis : attends, tu as mal regardé ! Regarde, regarde, j'ai deux bosses sur les tempes. On me dit : "Oh eh bien, ça te va très bien". Alors, ces bosses qui étaient de la monstruosité sont devenues des organes de séduction… C’est ma dé-ca-potable !

Est-ce que par moments, vous avez eu des regrets de vouloir faire de ces bosses, au début, quelque chose qui choque ? Quelque chose qui aille justement chercher le propos, la discussion, le débat ?

Moi, je n’ai jamais voulu choquer, mais j’ai bien voulu être, effectivement, un endroit où on parle publiquement de ce que je suis en train de faire donc, cela je l’ai vraiment voulu.  

Il n’y a jamais eu de tabous chez vous, vous avez toujours tout assumé. Au départ, il y avait ces draps avec lesquels vous exhibiez le sperme de vos amants et puis, il y a eu ce Baiser de l’artiste, en 1977, qui a été une sorte de tournant dans votre vie. Il y a un avant et un après. Vous avez été menacée, vous avez reçu du sperme par la Poste pendant très longtemps. On vous a remerciée de l’école dans laquelle vous enseigniez. Ça n’a pas non plus été très simple avec votre famille. Est-ce que par moments on ne se demande pas si ça en vaut la peine ?

"Ce qui est important pour moi c’est que mes œuvres ne soient pas des décorations pour les appartements, mais qu’elles soient des œuvres essentielles qui fassent réfléchir, aussi bien moi que les autres."      

ORLAN

à franceinfo

Oui, quand je vois toutes les réactions en chaîne, quand je vois qu’à l’heure actuelle toutes mes œuvres sont étudiées que ce soit dans les collèges, dans les lycées, dans les écoles d’art et beaucoup dans les collections privées… Moi, je n’ai jamais fait une œuvre pour vendre, mais pour le moment, elles se vendent.

C'est quoi être slowsexuel.le ?

C'est adorer le slow et puis se laisser aller à son désir, à sa sensualité et à cette envie aussi de câlins, d'échanges corporels et de bienveillance.

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