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Marina Foïs à propos de "La Fracture" : un film qui "met en scène des personnages qui n'ont pas renoncé"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la comédienne, Marina Foïs. Elle est actuellement à l’affiche du film "La Fracture" de Catherine Corsini.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Temps de lecture : 7min
L'actrice Marina Foïs pour les César 2020. Photo d'illustration. (FRED DUGIT / MAXPPP)

Actrice franco-italienne, Marina Foïs fait ses débuts au sein de la troupe des Robins des bois, sur scène, mais aussi sur les chaînes Comédie et Canal+. Elle rentre dans le cinéma par le biais du registre comique avec La tour Montparnasse infernale, Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. Elle est ensuite passée au registre dramatique avec ses interprétations dans les films : Darling, Polisse, Irréprochable, L’Atelier, salués par des nominations aux César dans la catégorie Meilleure actrice.

Aujourd'hui, elle est à l'affiche du film La Fracture de Catherine Corsini. C'est l'histoire d'un couple de femmes au bord de la rupture qui se retrouve dans un service des urgences le soir d'une manifestation parisienne des "gilets jaunes". L'hôpital est sous pression, va donc fermer ses portes et ce huis clos va donner lieu à des rencontres qui vont faire voler en éclats les préjugés, les certitudes de chacun.

franceinfo : Ça fait du bien de participer à un film engagé ?

Marina Foïs : Oui. Je pense que ce qui fait du bien aussi, c'est que le film met en scène que des personnages qui n'ont pas renoncé. Et moi, je suis très rassurée par les gens qui sont encore capables d'insoumission, de colère ou de création. Ce qui me terrorise, ce sont les gens trop posés, c'est le monde qui ne bouge pas. Donc, à cet endroit-là, oui, ça fait du bien.

Dans le film, ce sont des vrais personnels hospitaliers qui interviennent. C'était un vrai choix de la réalisatrice. Est-ce que ça a précisé davantage l'importance de ce film ?

Le fait que le concret et le réel soient pris en charge par de vrais soignants qui jouent des rôles de soignants, ça nous permet, nous les acteurs qui incarnons la fiction, de "fictionner" à mort. Et on était toujours ramenés au réel par la vérité de leurs gestes. C'était un support de jeu extraordinaire.

Que vous ont apporté vos parents ? Parce qu'ils avaient ce côté soixante-huitard, mais ils vous ont appris les valeurs sociales, le travail. On le sent, le ressent.

Oui sûrement. C'étaient des gens de gauche. On a oublié ce que c'était, la gauche, mais en fait, c'est un peu mettre l'humain au centre. C'est pas con comme point de vue.

À 7 ans, vous avez décidé de suivre des cours d'art dramatique, mais c'est à cinq ans que vous décidez vraiment que vous allez être actrice. Que vous apporte ce métier ?

C'est le pilier de ma vie.

"Le cinéma me fait penser, me fait ressentir, me rend vivante, me permet de voyager et puis, il me permet de m'échapper de cette vie qui, parfois, est plate."

Marina Foïs

à franceinfo

C'est par le cinéma que je comprends le monde que parfois, je me sens faire partie de quelque chose qui m'intéresse, que parfois je me sens loin.

Est-ce que ça vous a sauvée aussi ?

On survit à la violence ou à l'âpreté de la vie avec un ensemble de choses. Je ne pourrais pas ne garder que le cinéma et oublier les gens qui font ma vie. J'en ai plein des merveilleux autour de moi. L'amitié tient une place énorme. Dans ma famille, j'ai des gens pas mal aussi. Donc, c'est la somme du réel que représentent ces gens-là, de l'amour qui circule. Mais l'amour, ce n'est pas que cucul, c'est aussi beau ! S'il fallait que je me coltine que le réel, je ne sais pas ce que je ferais.

On a l'impression que ce métier vous a aussi façonnée et vous a permis de savoir qui vous étiez.

Oui, c'est sûr, parce qu'on éprouve nos limites tout le temps. Plusieurs fois par jour, quand on est acteur. C'est que ça. Une accumulation de tout ce qu'on croit qu'on n'arrivera pas à faire. Puis, on se coltine beaucoup avec nous-mêmes. On commence les journées par une heure et demie devant un miroir, ce n'est pas rien au propre et au figuré.

Vous avez débuté par le comique. Vous vous cachiez au début dans une troupe comme pour vous protéger. Que vous ont apporté les Robins des bois ?

Déjà, ça m'a apporté la chance inouïe de rire pendant 6, 8 ans. Et puis quand même, être payé pour écrire des conneries, j'ai l'impression que c'est ça, ma Légion d'honneur. Ce qui m'a rendue la vie plus facile, c'est d'accéder à la notoriété et un certain pouvoir qui est lié à ça et au pognon que tout d'un coup, on gagne, à plusieurs et de devoir diviser le truc. Ça, c'est une belle protection.

Est-ce que vous faites plus confiance aujourd'hui ?

Je crois que, paradoxalement, je n'ai jamais eu un réel problème de confiance. Un jour, Chabat m'a dit un truc quand on parlait de quelqu'un : "Mais nous, ce n'est pas pareil parce que toi et moi, on a été tellement aimé par nos parents qu'on s'est toujours respectés, nous-mêmes". Je pense que c'est un truc vrai. Comme beaucoup de jeunes femmes, je me suis trouvée moche, grosse, ce qui est fou, car j'étais maigre puisque j'étais anorexique. Je crois que le socle a toujours été assez solide et je crois que j'ai toujours vécu avec le sentiment d'être aimée et reconnue. J'ai toujours eu l'impression d'être considérée.

Que représente La Fracture ? N'est-ce pas un mélange de tout ce qui vous définit ?

Oui. C'est un mélange de plein de choses qui me parlent, en effet. Et puis, il y a une joie très basique à avoir fait ce film et à le voir avec le public. C'est là où on se rend compte que ce n'est pas vain de faire du cinéma. Quand on voit ce film-là, il y a un truc qui passe directement, l'énergie du film. Elle passe directement de l'écran à la salle et dire la salle, c'est beau parce qu'on y partage des émotions avec des gens qu'on ne connaît pas, qu'on ne rencontrerait jamais parce qu'on n'a pas le même âge, on ne vient pas du même milieu.

"Dans une salle de cinéma, on se retrouve pour partager de manière impudique et joyeuse des émotions qui nous rassemblent."

Marina Foïs

à franceinfo

Le film est un méga exemple de ce partage et c'est trop beau de voir les gens rire beaucoup, puis pleurer ou pas, mais finalement être touchés et ressortir, pas abattus, mais plein d'une énergie qui est celle de ces personnages dignes et qui se battent, qui savent aussi rire d'eux-mêmes. Ce n'est pas un truc de classe sociale et ça, c'est une valeur suprême pour moi.

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