Jean Reno se confie sur sa carrière aux USA avec le film "Godzilla" : "Ce n'est pas une œuvre artistique, mais c'est intéressant"

Le comédien, Jean Reno, est l’invité exceptionnel du Monde d'Élodie, du 12 au 16 février 2024. Il remonte le fil de sa carrière autour de cinq de ses films les plus emblématiques. Depuis mercredi, il est à l’affiche du film de Claude Zidi Jr. "Maison de retraite 2", aux côtés de Kev Adams et Daniel Prévost.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 12 min
Jean Reno aux côtés de l'acteur Matthew Broderick avec lequel il a partagé l'affiche dans plusieurs films américains. (ILYA S. SAVENOK / FILMMAGIC)

Jean Reno a accepté de passer toute cette semaine dans le Monde d'Élodie sur franceinfo. L'occasion de faire un point sur ce parcours aux multiples collaborations avec les plus grands acteurs et réalisateurs. Devenu un acteur incontournable, le franco catalan, né à Casablanca, est l'un des rares à avoir réussi à développer une carrière qui a dépassé les frontières.

Sa rencontre avec les Français a été marquée évidemment par le rôle d'Enzo Molinari dans Le Grand Bleu (1988) de Luc Besson. Dans ce parcours qui force le respect, il a su toucher à tous les registres, les comédies, les thrillers ou encore les drames : Nikita (1990) et Léon (1994) de Luc Besson, Les Rivières Pourpres de Mathieu Kassovitz en 2000, L'opération Corned-Beef de Jean-Marie-Poiré (1991), Godzilla de Roland Emmerich (1998), La Panthère rose de Shawn Levy (2006) ou encore La Rafle de Roselyne Bosch (2010).

Avec sa personnalité, il est devenu le protecteur, l'oncle de la famille, celui qui est à la fois drôle et autoritaire. Le père aussi, l'homme de confiance, celui à qui on confie des choses et celui derrière lequel on se range pour obtenir des conseils.

Depuis mercredi 14 février, il est à l'affiche du film avec Kev Adams et Daniel Prévost : Maison de retraite 2 de Claude Zidi Jr.

franceinfo : De Clair de femme de Costa-Gavras en 1979 à Mission Impossible de Brian de Palma en 1996, en passant par La Rafle de Roselyne Bosch en 2011, vous avez toujours été plébiscité par le public français. Voilà 45 ans que vous nous représentez en France, mais aussi à l'étranger. Vous semblez n'avoir jamais perdu cette envie de jouer.

Jean Reno : Non, jamais. Et même un matin où je suis fatigué, j'arrive et on me dit : "On va faire une lecture", on faisait souvent ça en Espagne quand j'ai fait le feuilleton pour Amazon, et je réponds : ah non, tu ne vas pas me faire le coup de la lecture quand même ! Tu veux vérifier si je connais mes lignes ? Et le metteur en scène me répond : "Non, non, mais je veux voir comment ça sonne".

"Même les matins où je suis fatigué, à partir du moment où la scène démarre, ça y est, je suis dedans. C'est un peu chimique."

Jean Reno

à franceinfo

Après Le Grand Bleu, il y avait eu une caisse de résonance à l'étranger. C'est le Japon qui s'était intéressé à vous, vous avez même tourné des pubs pour eux pendant 17 ans. Est-ce que cela vous a permis d'avoir une espèce de projection de ce que vous pourriez faire ailleurs ?

Oui. Ma première langue, quand j'étais petit, c'était l'espagnol. J'avais une tendance à pouvoir apprendre des langues... Mon fils, Cielo, qui a 14 ans, est passionné par le Japon. Il prend des cours de japonais. Donc, oui, ça m'a permis d'aller voir ailleurs, ça, c'est formidable.

Votre père était un taiseux. Arrivez-vous à communiquer davantage avec vos enfants ? Avez-vous réussi à trouver les mots et à leur dire les choses essentielles ou est-ce que c'est difficile ?

Il faudrait les appeler les uns après les autres ! Mais ils ne sont pas esquintés, donc je pense que oui, quelque chose est passé de l'un à l'autre.

Ensuite, il y aura Nikita et Léon et Hollywood va littéralement craquer sur vous. C'est assez rare et ils vous ont tout de suite fait du pied. Est-ce que ça vous a fait peur au début qu'Hollywood s'intéresse à vous ?

Bien sûr. Surtout Los Angeles, c'est la ville de la solitude. C'est la ville de la drogue. C'est la ville des excès. Au secours ! Je n'aime pas Los Angeles. Je n'aime pas vivre là-bas. Mais j'ai tout de suite vu les patrons des studios. Ils sont venus et j'ai gardé des relations avec eux notamment avec les metteurs. Je n'ai rien demandé. Il ne faut pas se tromper. C'est difficile de représenter quelqu'un d'un pays dont vous ne faites pas partie. Alors refaire l'éternel voyou, l'éternel, tueur, non, ça ne m'intéresse pas, merci beaucoup.

Est-ce que cela change votre façon d'imprégner les rôles ou votre façon de jouer ? On sait que les Américains surjouent énormément en règle générale.

Pas du tout. Rien du tout. C'est pareil. J'ai tourné un film avec Kenneth Lonergan qui s'appelle Margaret en 2011, où je joue un Bolivien et donc le type était assez réticent, "Vous êtes sûr que Jean Reno peut faire ce Bolivien ? " Oui, bien sûr, il va le faire, vous allez voir. Et donc, on a commencé à travailler. Il m'a repris sur toutes les scènes : "On va la faire différemment, tu l'as fait comme ça, là, mais moi, je veux qu'on la fasse différemment". Très bien. Il m'a changé le texte à la pause de midi et je lui ai dit : "Je te hais, comment veux-tu que j'apprenne ?" On a fait des conférences après pour les universités et quelle a été ma surprise à la première conférence. Il s'est levé et il a dit : "Il faut que je dise quelque chose parce que Jean est là. Il a travaillé avec moi. J'ai eu beaucoup de doutes. Je lui ai fait rejouer toutes les scènes, je n'ai mis aucune des miennes au montage. Tout ce que j'ai mis au montage, c'est ce que lui m'a proposé". Alors là, mon vieux, j'étais fier.

Il va y avoir Godzilla. Vous êtes un agent de la DGSE chargé d'exterminer un monstre jailli des profondeurs des mers. Quand le film sort, on est un peu dans le même registre que pour Le Grand Bleu. Il sort en clôture du Festival de Cannes. La presse l’égratigne dès le départ. La seule personne qu'elle ne touche pas, c'est vous. On se rend compte à quel point, il y a un décalage entre le gigantisme américain et l'Europe.

C'est clair.

Comment vivez-vous ce moment-là ?

Le patron de Sony me dit : "Jean, le film a fait autour de 300 millions de dollars. N'écoutez rien. Faites-m’en plusieurs comme ça". Alors, il y a deux points de vue. Évidemment, ce n'est pas une œuvre artistique, ce n'est pas Godard, ce n'est pas Truffaut. Mais c'est intéressant de garder sa vérité dans ces machines de guerre. Vous tournez quand même en face de Manhattan, il y a une armée. J'ai retrouvé ça dans le Da Vinci Code, il devait y avoir 300 personnes sur le plateau et Ron Howard qui dirige tout ça comme s’il n’y avait que quatre personnes. Donc tout est relatif dans la vie.

Êtes-vous fier de cette carrière internationale, de représenter la France en dehors des frontières ?

"J'espère que je n'ai pas trahi la France parce que c'est important pour moi."

Jean Reno

à franceinfo

Il ne faut pas le nier, ça ouvre beaucoup de portes parce que c'est une diffusion internationale. Alors quand vous allez par exemple à Bucarest, il y a un mec qui dit tout de suite : "Wow, vous êtes le professionnel !". Ça ouvre des portes.

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