Jean Reno évoque son rôle dans "Léon" : "Ce sont des personnages qui ne peuvent que déteindre"

Le comédien, Jean Reno, est l’invité exceptionnel du Monde d'Élodie du 12 au 16 février 2024. Il remonte le fil de sa carrière autour de cinq de ses films les plus emblématiques à l'occasion de la sortie mercredi 14 février du film "Maison de retraite 2" de Claude Zidi Jr.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Jean Reno et Natalie Portman sur le tournage de "Leon", de Luc Besson en 1994. (PATRICK CAMBOULIVE / SYGMA)

Jean Reno a accepté de passer toute cette semaine dans le Monde d'Élodie sur franceinfo. L'occasion de faire un point sur ce parcours aux multiples collaborations avec les plus grands acteurs et réalisateurs. Devenu un acteur incontournable, le franco catalan né à Casablanca est l'un des rares à avoir réussi à développer une carrière qui a dépassé les frontières. Sa rencontre avec les Français a été marquée évidemment par le rôle d'Enzo Molinari dans Le Grand Bleu (1988) de Luc Besson. Dans ce parcours, il a su toucher à tous les registres, les comédies, les thrillers ou encore les drames : Nikita (1990) et Léon (1994) de Luc Besson, Les Rivières Pourpres de Mathieu Kassovitz en 2000, L'opération Corned-Beef de Jean-Marie-Poiré (1991), Godzilla de Roland Emmerich (1998), La Panthère rose de Shawn Levy (2006) ou encore La Rafle de Roselyne Bosch (2010). Avec sa personnalité, il est devenu le protecteur, l'oncle de la famille, celui qui est à la fois drôle et autoritaire. Le père aussi, l'homme de confiance, celui à qui on confie des choses et celui derrière lequel on se range pour obtenir des conseils.

Il sera à l'affiche, mercredi 14 février, du film avec Kev Adams et Daniel Prévost : Maison de retraite 2 de Claude Zidi Jr.

franceinfo : Quand Le Grand Bleu cartonne, vous avez 40 ans. N'est-ce pas ce qui vous a finalement protégé ?

Jean Reno : Oui. Sans doute. Ne pas tomber dans les choses interdites. Pas embrasser la bouteille plus que nécessaire, bien sûr. Et il y a notion, je crois qui est de Clint Eastwood : "La durée", parce que quand on voit le parcours de Clint, on se dit : "Mais ce n'est pas possible, il faisait des westerns spaghetti et le type réalise des films comme 'Les routes de Madison' où tu tombes par terre tellement c'est beau".

"La durée, c'est important parce qu'on peut visiter. Avec ce qui est éphémère, on n'a pas assez visité de ce qu'on sait faire, on n'a pas visité l'autre et peut-être est-ce cela qui me tient, la durée."

Jean Reno

à franceinfo

Vous avez rapidement intégré la vie de Luc Besson. Vous êtes devenu l'un des membres de sa famille de cinéma. Il a imaginé Nikita et vous dans le rôle du nettoyeur. Ce rôle et ce film, encore aujourd'hui, sont cultes. Comment avez-vous travaillé ce rôle et que vous a-t-il apporté ?

Un mec de l'Est. C'est un Serbe. C'est ce que je m'imagine. C'est un type qui vient de là-bas, de l'Est et le mur de Berlin existait encore à l'époque. Je m'imaginais un froid terrible, un froid de l'âme, un froid dans la famille, un froid dans la maison, un froid dehors, la neige, tout ça, c'est dur. Le ciment, les ruines. J'ai tourné à Bucarest et aussi à Budapest, et j'ai vu ces choses-là. Le nettoyeur, c'est un mec de l'Est. Et là, vous avez vu, ça se refroidit tout de suite, l'ambiance, parce que j'ai de l'acide. Regardez, j'ai un bidon d'acide, je le pose sur la table et il faut bien me parler parce que sinon ça va mal se passer. Ça commence tout de suite. Je me souviens de lui, je me souviens beaucoup de Victor.

À ce moment-là, il y a une autre partie de votre personnalité qu'on découvre, c'est votre voix. Cette voix posée, calme, autoritaire, qui fait froid dans le dos. Vous l'avez découvert à ce moment-là aussi ou vous aviez déjà conscience que vous l'aviez ?

Elle venait du Grand Bleu. Luc pousse beaucoup sur la voix. J'ai fait d'ailleurs beaucoup de doublages parce que je considère que ça fait partie de mon métier.

Mufasa dans Le Roi Lion, c'est incontournable !

Oui, c'est vrai, j'aime beaucoup l'idée de traduire les sentiments par la voix. Absolument. Et d'ailleurs, la voix change en fonction de la scène que vous jouez. Souvent.

Est-ce que justement ce rôle dans Nikita qui va devenir Léon ne vous a pas rassuré ?

Je vais vous dire, il y a un point commun à tous ces personnages, c'est la solitude, y compris Godefroy. Non, mais j'ai sans doute accepté ma solitude.

"Curieusement, on me donne cette solitude dans mes personnages. On me dépose de la solitude et on attend que de cette solitude jaillisse l'espoir, la mort, la vie."

Jean Reno

à franceinfo

C'est étonnant parce qu'on a le sentiment que vous ne pouvez pas vivre seul. Mais c'est ce que vous dites aussi, vous assumez qu'il y a deux parts en vous, c'est-à-dire que vous aimez à la fois être en famille et en même temps avoir une liberté.

Bien sûr.

Vous aimez la partie sombre et la partie sous la lumière. C'est aussi votre personnalité.

C'est clair. C'est important. Je pense que pour vivre à deux, il faut vivre seul. Il ne faut pas attendre que l'on vous sorte de cette solitude parce que vous êtes deux.

Léon est finalement la prolongation de Nikita. Luc Besson décide de sortir ce personnage et d'en faire un film. Cela prouve à quel point vous avez sublimé la partition, que vous êtes un atout et que votre personnalité apporte quelque chose. Votre envie, c'est aussi cela, d'apporter des choses, de ne pas vous cantonner à faire un seul rôle ?

Bien sûr. Mais vous ne pouvez pas dire à un metteur en scène qui a un point de vue, qui a un ego qui ne rentre pas dans ce studio et pourtant, il est grand ! : "Écoute-moi, je vais t'apporter quelque chose sur cette scène !"

Non mais ça signifie quand même qu'il était à l'écoute.

Évidemment. Il a l'œil. Et ça, je ne peux pas lui dire que ce n'est pas vrai. C'est totalement vrai. Mais il faut apporter les choses d'une manière subtile.

Léon est un nettoyeur, certes, mais c'est aussi un tueur au grand cœur. 

À la base, c'est quand même un assassin. À la fin de la journée... Si vous vous arrêtez 30 secondes sur le fait qu'on tire sur un mec sur un plateau, wow ! Non ? Ce sont des personnages qui ne peuvent que déteindre, alors on ne va pas en plus se vautrer. Vous voyez ce que je veux dire ? Il va rester quelque chose.

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