"Je veux utiliser mon art pour lancer des messages" : Axelle Red compile 30 de ses chansons engagées dans un best-of
Axelle Red est une artiste belge qui s'est engagée pendant deux décennies au sein de l'UNICEF puis pour Handicap International. Elle est aussi une militante humaniste et féministe. Diplômée en droit et passionnée par la musique, elle a mélangé le tout. Sa sensibilité et son regard sur le monde ont donné naissance à des titres forts comme Sensualité et Je t'attends en 1993, Le monde tourne mal (1995) ou encore Rester femme en 1998. Elle est aussi associée à des chanteurs emblématiques comme Renaud, avec lequel elle a interprété en 2002 Manhattan-Kaboul ou Youssou N'Dour pour La Cour des grands en 1998.
Axelle Red vient de publier un best of qui contient certains des titres les plus forts de ses dix albums studio en 30 ans de carrière : AR / 30.
franceinfo : AR / 30 contient 30 chansons. Que représentent-elles finalement pour vous ?
Axelle Red : En fait, elles sont comme des témoins de ce que je représente à un certain moment dans ma vie. Pour moi, c'est de la thérapie. D'abord, c'est réaliser un rêve d'enfance parce que je rêvais d'être chanteuse et surtout, j'étais fan de très grandes chansons. J'aime les textes en français, je veux être à la hauteur. Et je voulais aussi très vite avoir un style à moi qui ne ressemble à personne. Si je dis : thérapie, c'est vrai. Par exemple, toutes mes chansons engagées, la plupart n'ont même pas connu le grand public. J'ai des chansons comme dans l'album Sisters and Empathy qui parlent de la sororité. J'ai fait un double album en anglais et puis en français sur les violences sexuelles, il y a 15 ans. C'est un mélange entre vouloir dénoncer et en même temps vouloir créer l'empathie en me mettant dans le personnage des victimes mais aussi dans le personnage des bourreaux.
"Je suis une immense romantique, donc je rêve. Je suis une idéaliste."
Axelle Redà franceinfo
Vous avez sorti votre premier 45 tours Little Girls sous le diminutif Fabby, alors que vous n'aviez que 14 ans. Quand on dit : "Axelle Red", on pense inévitablement à cette chanson Sensualité. Vous avez toujours gardé cette simplicité avec cette sensualité. N'est-ce pas cela qui vous définit d'ailleurs ?
Je voulais chanter pour la première fois que c'est une fille qui décide si elle veut la sensualité d'un homme ou pas. C'était une chanson un peu avant-gardiste à ce niveau-là, mais à l'époque, on n'était pas prêt pour voir sa modernité. Elle avait un son un peu à part. On a toujours associé ce mot à moi, on a dit : "La sensuelle Axelle" et tout ça, mais ce n'était pas le but de la chanson. Enfin, peu importe, je me dis qu'à un moment donné, une chanson t'échappe et si les gens l'aiment, ils ont leurs raisons. C'est génial parce que je fais partie de la vie de chacun et je peux être juste reconnaissante que les jeunes de la "Star Academy" ou de "The Voice" reprennent mes chansons. Je ne peux qu'être juste et dire : "Merci".
D'être engagée, d'assumer ses engagements, de les porter haut et fort, de dire les choses, de les faire avancer aussi, d'obliger au débat, c'est ça aussi être une artiste ?
Je veux effectivement utiliser mon art ou ma création pour lancer des messages. Une belle mélodie avec un message poignant, c'est incroyable. Récemment, j'ai écrit la suite de Manhattan-Kaboul pour les femmes en Afghanistan. Leur situation est vraiment très cruelle actuellement et on est en train de les oublier. Et je trouve que c'est le rôle de chaque être humain de se rendre compte que c'est nous qui changeons les choses. Commençons peut-être à ne plus faire ces petites guerres qu'on a au quotidien. Nous, dans notre petite vie, on abuse et on ne pardonne pas facilement et on ne comprend pas l'autre et on ne fait même pas l'effort pour essayer de voir son point de vue.
"Chacun change les choses ou essaye de changer les choses à sa façon."
Axelle Redà franceinfo
Vous avez toujours parlé d'espoir et d'optimisme. À un moment donné, on vous appelait la chanteuse de la positivité. Ça aussi, ça fait partie de vous ?
Quand j'ai sorti Jardin secret en 2006, j'ai écrit cet album pour me convaincre, moi, que l'être humain est bon parce que je m'engage beaucoup. J'avais vu tellement d'injustice et je n'en pouvais plus, ça devait donc me soigner. Et je me souviens d'une journaliste qui m'a dit : "Mais Axelle, je ne comprends pas cet album. Tant de positivisme, comment tu peux faire ça ? " J'ai répondu : justement pour vous convaincre, pour me convaincre. Et par la suite, j'ai eu un besoin complètement opposé. J'ai écrit l'album Sisters and Empathy, le plus engagé, dans lequel je chantais carrément beaucoup plus bas, je ne parlais plus d'utopie, c'était plus : voilà la réalité ! J'en avais besoin à ce moment-là. Je passe toujours un peu par tous les stades.
Comme fait-on pour s'en sortir quand justement, on a une sensibilité à fleur de peau ?
En fait, quand j'ai écrit cet album, j'avais une sorte de déprime que je ne comprenais pas parce que tout allait bien dans ma vie.
"J'ai horreur qu'on nous mette dans des cases, je suis rebelle à ce niveau-là. Ça nous déprime tous. On nous rend angoissés, méfiants de l'autre et je refuse."
Axelle Redà franceinfo
J'étais mal pour tout ce qui n'allait pas dans le monde. Je l'ai revécu dans le Covid. Quand il y a trop d'injustice, je deviens mais carrément malade parce que je suis trop sensible. Il ne faut pas aller à l'université pour comprendre la vie, il faut juste oser réfléchir par soi-même.
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