"Je n'ai jamais voulu faire ce métier" : Ahmed Sylla à l’affiche d’un 16e long métrage

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 17 avril 2024 : l’humoriste et acteur, Ahmed Sylla. Il est à l’affiche du nouveau film de Ludovic Bernard : "Ici et là-bas".
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'humoriste et acteur Ahmed Sylla, le 23 mai 2023. (VALERY HACHE / AFP)

Ahmed Sylla est cet acteur au sourire constant, contagieux et toujours sincère. Un acteur qui a rencontré son public d'abord dans le Samba Show, mais aussi les cafés-théâtres avant ses premiers grands rôles au cinéma dans L'Ascension de Ludovic Bernard en 2017, Chacun pour tous de Vianney Lebasque en 2018 ou encore Le Dindon de Jalil Lespert en 2019.

Mercredi 17 avril, il est à l'affiche du film Ici et là-bas de Ludovic Bernard. C’est l'histoire d'Adrien et de Sékou, deux cousins qui n'en ont pas du tout l'apparence. Adrien s'est installé au Sénégal depuis 15 ans avec sa compagne Aminata et ils attendent un heureux événement jusqu’au moment où il est renvoyé en France pour défaut de visa. Il arrive chez son cousin Sékou, commercial à Paris, qui va l'embarquer dans des péripéties incroyables à travers un tour de France. Sékou a, effectivement, besoin de lui comme couverture pour être accepté dans un milieu où les origines comptent énormément car on parle du terroir.

franceinfo : ce film raconte les politiques d'immigration et met en exergue des aberrations au quotidien sauf que là, pour le coup, c'est inversé. C'est ce qui vous a plu ?

Ahmed Sylla : Oui. En premier lieu, ce qui m'a plu, c'est que ce film est un peu à l'image de ce que je suis dans la vie. Je suis franco-sénégalais et d'avoir un film qui met en lumière et en beauté, le Sénégal et la France, j'étais déjà tout de suite conquis.

C'est une sorte d'hommage que vous rendez à votre mère à travers ce scénario. Vos parents ont quitté le Sénégal dans les années 1980 et ils se sont battus pour s'intégrer. Votre mère s'est saignée pour vous offrir les meilleures écoles à Nantes. Ça met aussi l'accent sur le racisme ordinaire, sur les clichés qu'on peut avoir, mais des deux côtés. L'avez-vous subi ?

Je l'ai subi enfant, mais c'est peut-être parfois plus violent parce qu'on ne s'en rend pas compte et ça revient des années après. Qand je suis arrivé en primaire, j'ai compris que j'étais différent, parce que je sortais de mon quartier et là, j'étais le seul. Tout de suite, on me remarque un peu plus et quand on me refuse de jouer au foot avec les camarades, tu te demandes pourquoi. Et puis, quand en sixième, on te sort ta première blague raciste, c'est violent. J'ai été confronté à ça. Après, je suis quelqu'un qui voit toujours le verre à moitié plein, j'essaie de ne jamais tomber dans la (je n'aime pas ce mot) "victimisation". Il y a des victimes de racisme aujourd'hui en France, mais j'essaie de ne pas tomber là-dedans et de toujours voir le côté optimiste du problème.

Ce film, c'est l'importance de s'intégrer sans oublier ses traditions, sa culture, ses valeurs, ce qui nous constitue finalement ?

Oui, c'est ce que ce film raconte. Il faut s'accepter soi-même et on n’a pas besoin de renier ce qu'on est à l'origine pour être pleinement français.

"Aujourd'hui, il y a certaines personnes qui politiquement, nous enlèvent ce droit à être français et nous confisquent le drapeau alors que moi, ce drapeau bleu, blanc, rouge, je l'aime, je le trouve beau, je le trouve magnifique."

Ahmed Sylla

à franceinfo

 Il n'y a pas une bonne manière d'être français. Ça me fait mal qu'on discute et qu'on débatte sur qui doit être français, qui ne doit pas l'être. C'est frustrant.

Vous vous êtes construit sous le regard de votre mère. Avoir dû la convaincre qu'être acteur, c'était un vrai métier et que vous alliez pouvoir gagner votre vie comme ça, c'est ce qui vous a rendu plus fort ?

Cest toute la beauté de mon parcours, de lui rendre ce petit bout de fierté quand elle me voit à la télévision ou dans mes spectacles et qu'elle m'appelle pour me dire : "Bravo ! ". C'est là où j'ai réussi pour de vrai.

"Si je réussis dans les yeux de ma mère, j'ai réussi. Tant qu'elle est fière de moi, je suis l'homme le plus heureux du monde parce que je sais à quel point ça a été compliqué pour elle."

Ahmed Sylla

à franceinfo

Force est de constater que la famille reste aussi la base de ce film. Êtes-vous touché d'être sur la photo de famille d'une grosse partie de votre public ?

C'est bizarre mais je ne me suis jamais dit : je ne fais pas partie de la famille. Je suis français, je ne me pose pas la question de comment. Je suis là et je n'ai pas envie que ce soit un combat. C'est naturel. La majeure partie de la France l'a compris. Je ne dirai jamais de ma vie que la France est raciste. Il y a des problèmes de racisme en France, que ce soit, par exemple, à l'embauche, dans le système bancaire, mais la majeure partie de la France, les Français au quotidien ne sont pas racistes. Sinon ce serait le chaos alors que ça ne l'est pas, même si on essaie de nous dire le contraire.

Pour terminer, quand vous étiez petit garçon et que vous avez rencontré le théâtre, ça a été une révélation. C'est ce qui vous a donné votre oxygène. Aujourd'hui, l'humour reste votre pilier, votre fil d'Ariane ?

Oui. Quand on voit ce qui se passe en ce moment et que je me retrouve deux heures le soir sur scène à rigoler, à faire des films, je me dis : j'ai bien fait de rencontrer le théâtre. En tout cas, c'est ce qui m'a sauvé. Et ce qui est drôle et paradoxal, c'est que je n'ai jamais voulu faire ce métier. Quand je montais sur les planches à l'école, c'était pour améliorer ma moyenne à la fin de l'année. L'humour est mon pilier, c'est ce qu'il y a de plus beau. De voir le rire, le sourire sur le visage... Quand je vois que vous avez ce sourire, ça me fait du bien, ça me fait plaisir.

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