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"Il y a un frisson" : Marie-Anne Chazel de retour au théâtre dans "La famille et le potager"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’actrice et réalisatrice Marie-Anne Chazel.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La comédienne Marie-Anne Chazel le 4 février 2019 à Paris (France) (FRANCK CASTEL / MAXPPP)

Actrice, réalisatrice, scénariste, la carrière de Marie-Anne Chazel est indissociable de la troupe du Splendid avec des films devenus cultes comme Les Bronzés (1978), Les bronzés font du ski (1979), Le père Noël est une ordure (1982), ou encore Les visiteurs en 1993. Entre le cinéma et le théâtre, le cœur de Marie-Anne Chazel balance depuis longtemps et depuis le 17 septembre, c’est au Théâtre des Variétés dans la pièce La famille et le potager de Bob Martet, aux côtés de Régis Laspalès qu’on la retrouve.

franceinfo : C'est bon de pouvoir remonter sur scène ?

Marie-Anne Chazel : C'est merveilleux. D'abord, on a un trac fou comme on a arrêté depuis un certain temps et puis le théâtre, c'est comme si on apprenait à chaque fois, comme si on repartait de zéro. Ça fait d'autant plus plaisir que c'est une belle salle de théâtre avec des gens dedans qui rient et sont heureux d'être là. Vraiment, il y a un frisson. Il y a une jouissance de sentir que les gens se disent "Ça y est, on est là, on revient, ça repart."

La famille et le potager raconte l'histoire d'un couple qui s'aime depuis 40 ans. Tout va bien. Et leur fils Tom va faire une énorme bourde augurant que les cinquante prochaines années soient très difficiles.

Oui. Pour tout le monde. Pour les parents, pour lui et surtout, c'est que ça va partir dans un cauchemar de plus en plus gigantesque. Ça ne va pas s'arrêter, ça va décoller vers le terrifiant. C'est un couple complètement à côté de la plaque, des gens qui ne vivent pas dans le vrai monde. Lui est un artiste-peintre qui n'a jamais exposé de sa vie, il en est très fier, et vit grâce à sa femme, que je joue, qui est multimilliardaire. Ils sont adorables et totalement fous et ils ont malheureusement commis ce fils qui a beaucoup de difficultés.

C'est drôle, c'est cynique, c'est déjanté. On sent que ce sont des mots qui vous ont toujours accompagnés.

Oui, je pense. C'est peut-être lié à l'environnement dans lequel j'ai grandi. Je comprends bien les gens qui sont dans cet état-là où il y a à la fois une obligation d'un certain type de comportement social, d'une certaine forme d'éducation et au fond, ça bouillonne et ça part dans tous les sens. Il y a un vrai travail de canalisation et alors, quand on ne canalise plus, c'est la catastrophe et j'en suis fière.

Qu'est-ce qui fait que vous vous tournez vers le théâtre ?

C'est génétique. Quelque chose de familial parce que j'ai une maman qui est devenue comédienne sur le tard, qui avait envie de faire sa jeune, mais la vie a choisi différemment pour elle. Et quand elle est devenue comédienne, je l'ai vue se réaliser. J'ai vu ma mère heureuse, donc je pense que ça m'a bien impressionnée. Je montais des spectacles et ça m'a toujours plu.

Le théâtre est aussi votre point de départ car vous y rencontrez ceux qui vont devenir une seconde famille, le Splendid.

"J'ai compris ce que me proposait la vie en rencontrant les garçons de la troupe du Splendid."

Marie-Anne Chazel

à franceinfo

Oui. Cette fameuse famille 'choisie'. Quand on a la chance de l’avoir, c'est formidable. D'un coup, j'ai changé ma façon de voir la vie et le monde. Je suis sortie d'un univers où les choses avaient beaucoup de sens, de lourdeur, de profondeur, de quelque chose d'une dimension dramatique à la possibilité de rire. Pas de se foutre de tout, mais de rire, d'alléger. Vraiment ça transforme la vie.

Avec vos films, vous êtes adoptés par le public jusqu'à rentrer dans la photo de famille.

J'estime que c'est une fonction de l'expression artistique, de l'art, quelles que soient ses formes, que les gens puissent partager ensemble des émotions. Et avec ces films, on a pu à la fois s'adresser aux jeunes, aux parents, aux grands-parents. Et maintenant, on se rend compte que ce sont des films qui rapprochent ces générations et c'est quelque chose dont je suis assez fière.

Que représente le cinéma pour vous dans tout ce parcours ?

Ce qui m'a toujours habitée, quel que soit d'ailleurs le support, le cinéma, le théâtre, la télévision, c'est ce plaisir que j'ai à être quelqu'un d'autre, me transformer, ne plus être moi-même et à avoir cette liberté d'être quelqu'un que je ne suis pas. Et pour moi, c'est une forme de fuite de la réalité, mais tout en étant le plus vrai et le plus crédible possible.

Vous faites-vous confiance ?

Ça commence ! Il est temps. La première personne qui m'a donné vraiment confiance a été Coluche lorsque il m'a vu jouer dans Le père Noël au café-théâtre. Moi, j'étais persuadée que c'était catastrophique ce que je faisais, que ce n'était pas du tout drôle et à la fin, il est venu me voir et m'a dit : "Tu sais, tu devrais faire ce personnage toute ta vie. Tu as inventé quelqu'un. Ce n'est pas évident. Il n'y a pas beaucoup de personnages féminins comme ça." Et je lui ai répondu non, ça ne m'intéresse pas.

Après coup, je me suis dit j'ai quand même été complètement folle et prétentieuse. Ce qui m'intéressait, c'était de pouvoir faire d'autres choses, variées, différentes, dans d'autres univers. Mais il a été le premier et s'il l'a dit, c'est peut-être que dans le fond, ce n'était pas si mal que ça.

Qui est Marie-Anne Chazel ?

Je ne sais pas. J'ai des hauts et des bas comme tout le monde, et il y a des moments où, effectivement, j'ai un stupide manque de confiance en moi, parce que quelle importance ? Je ne sauve pas des vies. Ce que je fais, c'est juste pour apporter du plaisir aux gens. Je trouve que j'ai fait un sacré chemin. Je me dis que c'est pour ça que ça vaut le coup, même de prendre des coups, d'avoir des échecs et d'avoir des chagrins, de grosses épreuves comme tout le monde. Ces épreuves servent justement à avancer et à comprendre des choses sur soi-même, sur les autres.

"Je pense que je suis un petit peu multiple, comme les rôles que je joue. Je pense qu'il y a des côtés de moi qui sont très émotifs, très émotionnels. J'ai une faculté d'émerveillement et j’espère la garder."

Marie-Anne Chazel

à franceinfo

Alors ce qui est bien quand on est très jeune, c'est qu'on est très passionné, très entier, qu'on pense qu'on a raison, du coup, on se bat et on avance pour ça. Mais après, quand on prend des coups de vieux, on se dit oui, mais on peut voir les choses différemment, avoir plus de recul, regarder comment ça se passe. On n'est pas obligé de jouer sa vie chaque minute tout le temps pour avoir quelque chose de plus serein, de plus posé, de plus apaisé et c'est bien aussi.

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