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"Être heureux, c'est une exigence terrible" : Marc Levy publie "Éteignez tout et la vie s'allume"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le romancier Marc Levy. Il vient de publier "Éteignez tout et la vie s'allume" aux éditions Robert Laffont Versilio.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 272 min
L'écrivain Marc Levy à Gradignan (Gironde) le 8 octobre 2022 (JEAN MAURICE CHACUN / PHOTOPQR/SUD OUEST/MAXPPP)

Marc Levy est romancier depuis plus de 20 ans. Il est considéré comme l'écrivain français le plus lu dans le monde, avec plus de 50 millions d'exemplaires vendus, des traductions en 50 langues. Son succès a été immédiat après la parution de votre premier roman, Et si c'était vrai, en 2000. Celui-ci a été tel qu'il a démissionné du cabinet d'architecture dans lequel il travaillait, pour se consacrer pleinement à l'écriture. Marc Levy vient de publier Éteignez tout et la vie s'allume, aux éditions Robert Laffont Versilio.

franceinfo : Éteignez tout et la vie s'allume est un titre qui sonne comme un mantra. Est-ce un indice donné avant que le lecteur n'ouvre ce livre ?

Marc Levy : En fait, ça n'a rien à voir avec la pénurie d'énergie actuelle ! C'est une phrase qui est prononcée par l'un des deux protagonistes, la femme de ce roman, alors que la lumière s'éteint dans sa chambre et qu'elle regarde le ciel. Elle ne s'inscrit même pas dans les temps modernes, cette phrase-là.

D'un côté, il y a Jeremy et de l'autre, Adèle. Ils se rencontrent sur un bateau. Elle est tout de suite absorbée par son regard, sa façon d'être, sa façon justement de contempler l'océan. Il y a une caisse de résonance à sa propre vie.

"Adèle est absorbée, fascinée par la solitude et la façon dont Jeremy l'assume."

Marc Levy

à franceinfo

Mais je crois que ce qui l'attire, c'est qu'elle voit tout de suite que sa solitude lui est imposée, mais qu'il a une façon de l'assumer, extrêmement digne et presque joyeuse. Il dit : "Je n'ai jamais été candidat au malheur alors le bonheur, ça demande un peu de travail", mais il a cette résolution de ne pas se laisser entraîner dans le malheur parce qu'il se dit que, à la fin, c'est lui qui en paiera la note. Et elle, elle a fait une promesse qui est la promesse d'être heureuse et qui est une promesse au premier degré. Et en fait, celui qui vous fait faire cette promesse fait preuve d'un égoïsme terrible parce qu'être heureux... 

C'est quoi être heureux ?

Mais justement, c'est une exigence terrible. Et puis, c'est s'interdire d'être malheureux alors que bon, on a le droit d'être malheureux évidemment, surtout de le dire et de l'avouer. C'est drôle que vous me posiez cette question parce que la première phrase de la rencontre entre les deux personnages, c'est quand Adèle demande à Jeremy : "C'est quoi votre définition du bonheur ?"

Moi qui n'ai jamais su draguer dans la vie... Et quand j'étais jeune, je mettais six mois à traverser la salle quand je voyais une fille qui me plaisait, entre-temps elle était mariée, parce que je ne savais jamais quoi dire et je me dis : tiens, voilà, c'est peut-être une phrase qui aurait pu me servir dans ma jeunesse, c'est-à-dire, c'est quoi votre définition du bonheur ?

Vous évoquez les sentiments amoureux, la relation de couple. L'amour permet de ne pas se voir vieillir ou se sentir vieillir, finalement. C'est aussi la force du regard de l'autre.

Je crois que l'âge, la beauté, plutôt le sentiment de l'âge, la perspective de la beauté, le fait de se sentir séduisant ou pas, intelligent ou pas, même si la société d'aujourd'hui est très individualiste, on ne la trouve pas dans les selfies.

"La vraie beauté est dans le regard de l'autre."

Marc Levy

à franceinfo

Ce qui est propre à la rencontre d'Adèle et de Jeremy, ce que je raconte surtout dans l'histoire, c'est comment cet homme en devenir qui ne sait pas encore qui il est et cette femme qui croit avoir été et ne plus être, vont découvrir dans le regard de l'autre le contraire. C'est-à-dire que lui va se mettre à exister dans son regard, à elle. Et elle qui croyait ne plus avoir d'existence, va se rendre compte de son incroyable jeunesse parce que tout à coup, un homme la regarde différemment. 

C'est fascinant, d'ailleurs. Vous voyez dans une pièce ou dans un endroit, quand quelqu'un arrive et qu'il y a une quelque chose qui rayonne autour de cette personne, ce n'est pas une question de canons de beauté, ce n'est pas parce que la personne à tel ou tel attribut physique ou tel autre, c'est simplement parce qu'il y a dans son entourage quelqu'un qui l'éclaire, qui porte sur cette personne une forme de lumière. Et je trouve que c'est une des plus belles choses de la vie.

Adèle est maître horloger, elle est maître du temps, en quelque sorte. C'est ce que lui dit Jeremy. L'occasion de mettre en lumière la notion du temps qui passe, du temps que l'on aimerait parfois suspendre, parfois accélérer. Quel est votre rapport au temps qui passe ?

Pour tout vous dire, je n'ai pas résolu la question.

Est-ce que par moments, vous avez eu envie de l'accélérer ou de le suspendre ?

Il m'est arrivé dans la vie d'avoir conscience du bonheur au moment où il arrivait. C'est fou comme sensation parce que vous vous rendez compte que vous êtes dans un pur moment de bonheur. Et alors, la difficulté, c'est de ne pas laisser cette sensation s'inscrire aussitôt dans la nostalgie, c'est-à-dire de se dire : mince, ça va passer. Par exemple, si vous passez une journée magnifique parce que tout est là pour qu'elle le soit, il faut réussir à en profiter et ensuite à en faire un merveilleux souvenirs et un espoir de la renouveler un jour.

Au début du livre, Jeremy est sur un bateau face à l'océan, il ne se sent pas à sa place. Est-ce que vous avez déjà vécu ce sentiment ?

Tout le temps. Mais il n'y a pas que moi. Je crois que c'est très difficile de se sentir à sa place. Comme j'étais un solitaire, je travaillais seul. La sensation de ne pas être à ma place a toujours été là, avec peut-être la volonté d’un idéal de vie comparable à celle de Jeremy, tout en me disant : "Je ne peux pas m'en excuser".

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