Emmanuelle Bercot : "C'est la nécessité qui m'a fait venir au cinéma et maintenant, c'est une passion"
Emmanuelle Bercot est l'une des touche-à-tout les plus demandés du cinéma français. Réalisatrice, scénariste, actrice, elle fait preuve de beaucoup d'intuition dans son écriture, dans sa façon de jouer ou de diriger. Dans tout ce qu'elle fait, on retrouve un engagement, un franc-parler et surtout du caractère, ce qui lui a déjà valu le prix d'Interprétation du Festival de Cannes, en 2015, pour son rôle de Tony dans Mon roi de Maïwenn. Elle a aussi récolté quatre nominations lors de la Berlinale pour son film, Elle s'en va avec Catherine Deneuve. Impossible de ne pas citer son interprétation vraiment bluffante de Lucie Coutaz dans L'Abbé Pierre - Une vie de combats de Frédéric Tellier. Aujourd'hui, elle est à l'affiche du film du réalisateur de la série Parlement Jérémie Sein, L'Esprit Coubertin.
franceinfo : C'est une comédie, mais aussi un film assez politique. Quand on mélange les deux, ce qu'a fait le réalisateur, ça donne une comédie d'anticipation, qui montre à quel point la politique et l'hypocrisie s'invitent dans le sport. Est-ce cela qui vous a donné envie de faire ce film ?
Emmanuelle Bercot : Ce qui m'a donné envie de faire ce film, c'est le ton très singulier du film. J'ai tout de suite senti par ses choix de casting, moi dans le rôle de la coach et Benjamin Voisin dans le rôle du champion, une curiosité du réalisateur d'aller chercher des acteurs qui ne sont pas évidents pour ces rôles, et de ne pas être dans le cliché. C'est la personnalité du réalisateur et sa singularité qui m'ont donné envie.
L'Esprit Coubertin met en avant un athlète quintuple champion du monde de tir. Il est extrêmement coincé, rigoureux et complètement fermé au monde qui l'entoure. Il est gendarme, parce qu'on est gendarme de père en fils dans la famille, et il est raciste. Il y a une corrélation d'ailleurs avec Pierre de Coubertin et l'esprit Coubertin. J'ai l'impression que le réalisateur est aussi allé chercher ça à travers ce film.
"Sous le vernis potache du film, il y a un discours très maîtrisé et très construit de la part du réalisateur. À la fois une critique en sourdine de l'esprit de compétition et aussi une satire sur le monde médiatique et politique."
Emmanuelle Bercotà franceinfo
Les champions sont finalement les véhicules de bien autre chose que leur sport. Ils sont les véhicules de leur coach, de leur équipe, de tout un système, de toute une nation. C'est ça que raconte le film et qu'il déconstruit aussi, puisque ce champion de tir olympique va découvrir que peut-être la vie est ailleurs, dans la fraternité, dans l'humanisme et dans le désir.
Je vais citer une phrase de Pierre de Coubertin, vous allez me dire ce que vous en pensez : "Une petite olympiade femelle à côté de la grande olympiade mâle, où serait l'intérêt ?" Et il précisait : "On doit continuer de chercher l'exaltation solennelle et périodique de l'athlétisme mâle avec l'internationalisme pour base, la loyauté pour moyen, l'art pour cadre et l'applaudissement féminin pour récompense".
Mon Dieu... Cette phrase est véridique ? Quand vous citez une telle phrase, je me dis : mais heureusement que le monde a changé et qu'il continue de changer. C'est abominable d'avoir pu dire une chose pareille. Je pense que les femmes sont en train, dans plein de sports comme dans le cinéma d'ailleurs, de montrer leur puissance et qu'elles ont évidemment leur place tout autant que les hommes et leur panache aussi.
Votre père était chirurgien cardiaque. Vous étiez totalement fascinée par son métier, vous le regardiez opérer. Vous avez toujours eu énormément de respect pour le monde médical. Votre mère était attirée par l'ésotérisme. Que gardez-vous de cette enfance de cette éducation ?
Je pense que je garde justement cette hybridation vraiment entre la fantaisie totale de ma mère et une forme plus structurée d'une autre partie de ma famille. Je suis vraiment ce mélange-là. Je suis capable d'aller un peu dans les deux extrêmes.
"Je suis quelqu'un qui a été extrêmement bien éduqué et extrêmement protégé. Et je suis solide de tout ça aujourd'hui. C'est une grande chance."
Emmanuelle Bercotà franceinfo
Qu'est-ce qui fait que vous vous tournez vers le cinéma ?
Le cinéma, pour moi, bizarrement, c'est un peu accidentel parce que c'est le moyen que j'ai trouvé d'avoir un métier en faisant cette école de cinéma, la FEMIS, qui m'a permis de dire : j'ai ce métier-là parce que quand on est simplement comédienne, jeune comédienne, c'est très difficile de dire je suis comédienne car on vous demande : "Alors, tu as fait quoi ? " Et en fait, vous n'avez rien fait depuis un an. Moi, j'avais besoin de pouvoir dire que j'ai un métier qui marche et qui soit bien identifié. C'est la nécessité quelque part qui m'a fait venir au cinéma et puis maintenant, c'est évidemment une passion.
C'est important pour vous à chaque fois que vous intervenez, que ce soit en tant que réalisatrice, scénariste ou même en tant qu'actrice, de dire des choses ?
Ce qui est important pour moi par-dessus tout, c'est d'être sincère. Je ne me plonge jamais dans un film en me disant : je veux faire passer tel message, mais en revanche, je veux que les gens qui regardent mon film ne soient pas floués et sentent que la personne qui est derrière est totalement sincère dans ce qu'elle dit et est totalement habitée par ce qu'elle fait. Ça, c'est ma seule préoccupation. Jamais j'irais faire quelque chose pour des mauvaises raisons on va dire.
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