Cristiana Reali interprète Blanche au théâtre dans "Un tramway nommé Désir" : "Je suis heureuse parce que je me sens beaucoup plus libre"
Cristiana Reali est actrice. C'est d'abord le théâtre qui l'a attirée avec des cours offerts par sa mère pour qu'elle et ses sœurs apprennent le français. Plus tard, elle intègre la Classe Libre des Cours Florent, l'endroit où elle va rencontrer Francis Huster. Le répertoire classique, tout comme le moderne et le contemporain, n'a pas vraiment de secrets pour elle. Le cinéma aussi fait partie de son parcours. Elle a travaillé avec Claude Lelouch, Georges Lautner, Ariel Zeitoun, également Jean Becker.
À partir du 31 janvier prochain, elle sera sur scène dans Un tramway nommé Désir au théâtre des Bouffes parisiens à Paris.
franceinfo : Après Simone Veil et le spectacle autobiographique Une vie, vous vous attaquez au rôle de Blanche dans la pièce de Tennessee Williams. Un huis clos entre thriller psychologique et comédie dramatique. J'imagine que c'est un énorme challenge pour vous.
Cristiana Reali : Alors je savais que c'était un challenge parce que je connais bien Tennessee Williams et je connais parfaitement ce rôle-là, je le voyais en cours. Cela faisait très longtemps que j'avais envie de le jouer. Mais là, je n'imaginais pas le morceau quand même !
Blanche est une héritière qui est ruinée, mythomane et suffisante. Elle se retrouve chez sa sœur, dans un quartier pauvre de la Nouvelle-Orléans, ce qui la change terriblement. Elle est néanmoins fragile, incapable d'affronter la société qui l'entoure. Souvent, on imagine qu'on est et qu'on est vu d'une certaine manière et les autres nous renvoient une autre image. C'est très présent dans cette pièce.
"Blanche veut donner une image et c'est cette image qui l'intéresse. Ce n'est pas ce qu'elle est vraiment."
Cristiana Realià franceinfo
Elle est surtout très lucide par rapport à la situation de sa sœur et lucide par rapport à elle. Ce texte parle aussi beaucoup de violences conjugales et donc elle s'en fiche un peu de ce qu'on veut voir d'elle, en fait. Sa sœur a fait un mariage d'amour, sauf que, elle ne veut rien voir.
Blanche doit se reconstruire après avoir eu une vie diamétralement opposée. C'est un peu ce qui vous est arrivé. Vous êtes arrivée très jeune, à huit ans et demi, en France. J'ai l'impression qu'il vous a fallu du temps pour vous intégrer, pour trouver votre place.
Oui. Mon père fuyait un peu la dictature au Brésil puisqu'il était journaliste politique. Il était venu pour un an ou deux ans pour se faire un peu oublier. L'intégration, les amitiés, apprendre le français évidemment ! On a appris assez vite, en un an. Mais on était jeté comme ça dans le bain, on nous disait : "Allez, vous n'avez que deux ans ! On reste que deux ans !" C'est vrai que ce n'est pas évident.
"L'intégration est difficile quand on est élevé, éduqué pour rentrer".
Cristiana Realià franceinfo
À quel moment avez-vous commencé à vouloir jouer, à vouloir être actrice ? Il y a cette petite annonce de cours de théâtre dans le journal, repérée par votre mère, une bonne manière de s'intégrer et d'apprendre la langue.
Oui, c'est le point de départ. Alors j'avais 12 ans quand j’ai commencé à suivre ce cours. Je ne pensais absolument pas à faire actrice comme métier, mais je continuais les cours puisqu’on ne devait rester que deux ans. Mes sœurs ont arrêté. Après, je faisais les clubs théâtre au lycée et puis du théâtre amateur. J'ai été en faculté de droit parce qu'on allait encore rentrer et je me suis dit : je vais faire quelque chose que je pourrais continuer là-bas parce que le droit français pour le Brésil, même si ce n'est pas le même, cela représentait quelque chose. Et au final, j'ai arrêté au bout de même pas deux ans pour m'inscrire au cours Florent.
Blanche ne se laisse pas faire, on ne l'entend pas mais ce n'est pas grave, on a envie qu'elle soit ainsi : Si elle n’a pas envie, elle ne le fait pas. J'ai l'impression que c'est aussi votre regard sur la vie, sur la parité, sur tout ce qui va avec. Vous sentez-vous féministe ?
"Ah oui, c'est vrai que moi je me sens féministe et par ma vie, par mes choix, par mes engagements. Mais je suis déjà un peu en retard par rapport à mes enfants."
Cristiana Realià franceinfo
Mes filles ont 20 et 25 ans et elles sont beaucoup plus dures, plus extrémistes, disons. Et elles me remettent parfois à ma place sur des choses et je me dis qu'elles ont raison en fait. "Non, on ne peut pas dire ça, non, on ne peut pas tolérer ça", elles sont très dures, mais c'est bien pour elles et pour leurs enfants, ça sera encore mieux.
Quelle femme êtes-vous devenue aujourd'hui ?
Je me sens beaucoup mieux aujourd'hui, en tout cas, mieux qu'avant. Je doutais beaucoup. Je n'étais pas sûre de moi. J'étais toujours très amoureuse. J'avais cette bonne éducation d'être toujours à l'écoute des autres. Aujourd'hui, je le suis toujours, mais j'ai plus confiance, je dis plus ce que je pense et je m'adapte très facilement. Mes parents nous ont vraiment apporté cela, c'est-à-dire l'adaptation facile. Mais ça ne veut pas dire qu'on est heureux. On s'adapte pour gérer. Aujourd'hui, j'accepte les circonstances qui me dérangent et essaie de les éviter, en gros.
Êtes-vous heureuse alors ?
Oui ! Je suis heureuse parce que je me sens beaucoup plus libre ! Il y a Florence Foresti qui dit, dans un sketch que j'aime beaucoup, que quand elle a eu 50 ans, elle se sentait une adolescente avec une carte bleue. C'est un peu ça en fait. C'est une espèce de liberté de faire ce qu'on veut, de décider de ce qu'on veut.
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