Claude Lelouch : "On ne meurt jamais d'une overdose de rêves"
Claude Lelouch est réalisateur, producteur, scénariste et cadreur. Il est devenu au fil du temps le cinéaste de nos vies, avec des films qui mêlent des destins et qui nous racontent. Il a reçu l'Oscar du meilleur film étranger et le Golden Globe du meilleur film étranger en 1967 pour Un homme et une femme, le Golden Globe du meilleur film étranger ainsi que le Grand prix du cinéma français pour Vivre pour vivre toujours en 1967.
Après le succès de son concert évènement à l'occasion de ses 60 ans de carrière constituée de plus de 50 films, le 12 novembre 2022 au Palais des Congrès de Paris, il a décidé de partir en tournée afin de rencontrer son public. Son Ciné Spectacle Symphonique va donc nous permettre de remonter le temps avec d'un côté, les partitions des plus belles musiques originales revisitées par les musiciens du Pop Philharmonic Orchestra et les scènes cultes qu'elles venaient illustrer. On pense évidemment à Chabadabada et Francis Lai.
franceinfo : Était-ce important de vous poser avec celles et ceux qui finalement sont venus s'asseoir et ont contribué au succès de vos films ?
Claude Lelouch : J'avais très envie, avec ce ciné-concert, de revisiter ces 60 ans de cinéma. J'ai passé ma vie à observer le monde. Je ne suis rien d'autre qu'un reporter. Ce ciné-concert nous fait faire un voyage formidable sur ces 60 dernières années dont j'ai été le témoin. Et c'est vrai que les gens qui sont dans la salle revisitent leur vie. Ils font un flash-back absolument incroyable, non pas avec mes images, mais avec leurs images qu'ils superposent aux images que je propose. Et en plus, j'avais envie de rendre hommage à tous mes copains qui ne sont plus là, de montrer à quel point le cinéma peut les rendre immortels, de faire la fête avec eux et avec toutes ces secondes incroyables que je suis incapable d'analyser et de comprendre.
Le premier cadeau que vous avez reçu de votre père, c'était une caméra. Elle va changer le cours de votre vie. Vous allez d'abord filmer l'actualité autour de vous, notamment l'URSS. C'est vraiment le premier pas, aller raconter les histoires des autres, mais l'Histoire.
Oui, au départ, cette caméra est un microscope formidable. Je suis curieux, j'aime tout et j'ai envie de connaître le monde. Avec elle, je vais pouvoir voyager et aller là où il se passe des choses.
"Avec ma caméra, je suis allé aux États-Unis, en URSS, j'ai fait le tour du monde jusqu'au jour où je me suis aperçu que la fiction était encore plus forte que la réalité, qu'en racontant mes propres histoires j'allais être plus performant qu'en étant simplement un reporter."
Claude Lelouchà franceinfo
Quand est sorti Quand le rideau se lève, vous avez eu cette notoriété qui vous a donné envie de faire autre chose. Vous avez compris, comme vous aviez des acteurs qui n'en étaient pas et que vous réalisiez des documentaires à l'époque, que la direction d'acteurs était extrêmement importante.
Oui. D'abord, j'ai fait mon service militaire pendant la guerre d'Algérie et là, on m'a donné des films à faire et donc j'avais les plus mauvais acteurs du monde. C'étaient des militaires. Et là, si j'avais commencé à travailler avec Gabin et Belmondo, je ne me serais pas posé de questions sur la direction d'acteurs. J'ai très vite compris que ce qui m'intéressait au cinéma, c'est qu'on croit aux histoires. Moi, j'aime tous les genres, à condition de croire aux histoires. Je me donne beaucoup de mal pour qu'on croie aux histoires que je raconte. Et pour croire aux histoires, il faut filmer des hommes et des femmes qui ne jouent pas, des acteurs qui cessent de jouer, des acteurs qui, à un moment donné, nous font cadeau de leurs cicatrices, de leurs joies, de leurs peines, de leurs expériences.
"Quand je travaille avec des comédiens, j'ai besoin de bien les connaître pour filmer leur vie autant que celle que je leur propose."
Claude Lelouchà franceinfo
Votre vie s'est divisée en plusieurs étapes. La première est née avec Un homme et une femme en 1966. Ce film a changé votre vie ?
Oui, Un homme et une femme reste à ce jour le film le moins cher de l'histoire du cinéma et celui qui a rapporté le plus. Et c'est vrai que ce film était peut-être mon dernier puisque les six précédents n'avaient pas très bien marché. Donc j'ai fait ce film un peu comme on se suicide en prenant tous les risques et c'est quand on prend tous les risques que ça rigole. Il a changé ma vie et m'a offert 50 ans de liberté et j'en ai profité. Finalement, mon métier, c'est de faire rêver les gens et comme on ne meurt jamais d'une overdose de rêves, je suis bien décidé à aller au bout de mes rêves.
Est-ce que votre regard a changé sur ses 60 ans de carrière ?
Oui, dans la mesure où il est de plus en plus bienveillant. J'accepte tout.
"Je pense que les fautes font partie de notre vie et les gens intelligents ont le goût du pardon. En pardonnant, on arrive à tout. J'ai fait pas mal de conneries dans ma vie, on me les a pardonnées, donc je suis encore vivant."
Claude Lelouchà franceinfo
Du coup, quel regard portez-vous sur cette immense carrière, sur ce que vous avez réalisé, sur plus de 50 films puisqu'on en est à 51 aujourd'hui ?
Si on m'avait fait lire le scénario de ma vie à ma naissance, je ne l'aurais pas cru. Et c'est vrai que quand j'arrive à filmer des petits miracles, je suis très heureux. Vous avez en face de vous un homme heureux, profitez-en, c'est une espèce en voie de disparition.
Le Ciné Spectacle Symphonique passera le 11 novembre 2023 à Bar-le-Duc, 15 novembre à la salle Pleyel à Paris, le 3 décembre au Zénith de Lille. Et puis le 17 novembre 2024 au Zénith de Rouen et au Zénith de Caen le 1ᵉʳ décembre 2024.
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