"Brassens rêvait d’être chanté par d’autres" : Françoise Canetti publie un coffret-anniversaire de 70 chansons
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la productrice Françoise Canetti, qui à l’occasion du centième anniversaire de la naissance de Georges Brassens publie un coffret "Elle est à toi, cette chanson".
Françoise Canetti est la fille de Jacques Canetti, producteur et créateur d'un des plus beaux catalogues de chansons françaises du XXe siècle. Il a fondé et été le directeur du théâtre Les Trois Baudets à Paris où Barbara, Françoise Hardy, Patachou, Juliette Gréco et bien d'autres ont fait leurs armes, notamment un certain Georges Brassens.
On célèbre aujourd'hui, les 100 ans de sa naissance. Pour l'occasion, elle sort un coffret de quatre CD : Elle est à toi, cette chanson, pour mettre en avant le sens de l'amitié de Brassens, mais aussi sa bienveillance, son attachement à la justice et à la personne face à l'autorité et à la rumeur publique.
franceinfo : Vous avez, enfant, aux côtés de votre père, assisté aux débuts de Georges Brassens. Comment était-il ?
Françoise Canetti : Aux débuts de Georges Brassens, en 1952, j'étais vraiment une petite fille, mais je peux vous dire que je me souviens du malaise qu'il avait lorsqu'il était sur scène. C'était un auteur-compositeur-interprète, il y en avait très peu à l'époque, et c'était quelqu'un qui, visiblement, était très introverti et qui n'avait pas du tout envie de chanter ses propres chansons. D'ailleurs, quand il fait ses débuts chez Patachou, un mois avant, sur la butte Montmartre, il rêve finalement d'être chanté par d'autres.
C'est effectivement Patachou qui lui donne sa chance, mais c'est votre père qui réussit à le convaincre de monter sur scène. Il avait un trac incroyable.
Mais tous les auteurs-compositeurs-interprètes que j'ai vu démarrer au Théâtre des Trois Baudets, petite fille, que ce soit Georges Brassens, Jacques Brel ou Boris Vian deux ans plus tard, étaient des gens qui étaient très mal à l'aise sur scène. Il fallait qu'ils trouvent quelqu'un. Et c'est finalement, mon père qui leur a fait totalement confiance, qui était derrière le rideau, qui les regardait grandir et leur donnait justement le temps de devenir ce qu'ils allaient être, c'est-à-dire des gens qui cent ans après, existent toujours.
La première fois qu'il monte sur scène, il est en première partie d'Henri Salvador. Votre père disait : "Quand on croisait le regard de Brassens, son regard se fixait jusqu'au cœur". C'était ça aussi sa force ?
"Brassens avait un regard d'une bienveillance et d'une humilité totale, quelqu'un de parfaitement antistar et qui pose un regard bienveillant sur tous les gens."
Françoise Canettià franceinfo
Dans ce coffret anniversaire Elle est à toi, cette chanson, j'ai voulu montrer le regard bienveillant que Brassens posait sur des artistes inconnus. Brassens était quelqu'un qui exigeait, lorsqu'il est devenu une vedette, d'avoir dans ses premières parties des auteurs-compositeurs-interprètes totalement inconnus. Il nous a permis de découvrir Maxime Le Forestier, Barbara, Brigitte Fontaine, Serge Lama et tant d'autres.
Je voudrais qu'on revienne aussi sur la force de ce coffret. Il y a 70 chansons, quatre CD. Le premier, par exemple, est d'une force colossale parce qu'il montre le chemin parcouru par ses chansons. Il y a à l'intérieur, plein d'interprètes qui ont repris Brassens comme Arthur H, Miossec, Iggy Pop, Françoise Hardy, Nina Simone. C'est aussi le moyen de se rendre compte à quel point sa musique réunit des gens diamétralement opposés musicalement parlant ?
Dans ce coffret, j'ai rassemblé beaucoup d'interprètes qui ont chanté Brassens en mettant beaucoup en avant ses musiques. À l'époque où j'ai beaucoup côtoyé Brassens, à travers mes parents, les gens disaient : "Les musiques de Brassens, c'est toujours pareil". René Fallet, son grand copain, disait de ces gens-là : "Ils ont des oreilles de lavabo". Parce que les gens n'entendaient pas la force des chansons de Brassens et ça l'embêtait parce que lui, était convaincu que ses chansons, ses musiques étaient très fortes.
"Depuis une bonne vingtaine d'années, il y a de grands interprètes qui reprennent Brassens dans des rythmes différents, en rap, en jazz, en swing."
Françoise Canettià franceinfo
Ce qu'on découvre aussi, c'est qu'il a accepté de monter sur scène pour manger.
Oui, parce que la culture, à l'époque, ne jouissait pas des mêmes avantages qu'aujourd'hui. La culture n'était pas aidée. C'était un peu délicat puisque Brassens, à l'époque, était quelqu'un qui dérangeait quand même beaucoup.
Il avait un humour très fort, très tendre, mais très féroce, aussi.
Très féroce et très tendre. Absolument.
Ce coffret est comme un passage de témoin ?
Aujourd'hui, il y a un retour aux textes. Vous avez quand même beaucoup de jeunes artistes qui s'intéressent à la chanson qui dit et exprime quelque chose, notamment le rap. Nous avons beaucoup de talents en France. Écoutons-les et que ces talents nous fassent aussi écouter ceux nés il y a 100 ans. Qu'ils nous permettent de retrouver les chansons de Brassens en les interprétant.
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