Agnès Jaoui en femme bipolaire dans "La vie de ma mère" : "Un film qui déculpabilise et montre à quel point c'est compliqué pour tout le monde"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 6 mars 2024 : La réalisatrice et comédienne, Agnès Jaoui. Elle est à l’affiche du film de Julien Carpentier, "La vie de ma mère" qui sort ce mercredi.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
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Agnès Jaoui au festival du film francophone d'Angoulême, le 24 août 2023. (FRANCK CASTEL / MAXPPP)

Lors de la dernière cérémonie de remise des Césars, pendant laquelle elle a reçu un César d'honneur pour l'ensemble de sa carrière, les projecteurs se sont une nouvelle fois braqués sur Agnès Jaoui. Un nouveau trophée en plus des précédents obtenus qui l'avaient déjà propulsée au rang de la femme la plus récompensée de l'histoire de cet événement. Le point de départ reste l'écriture à 11 ans, puis le théâtre et sa rencontre avec Patrice Chéreau et Jean-Pierre Bacri autour d'Harold Pinter.

Mercredi, 6 mars, elle est à l'affiche du film de Julien Carpentier, La vie de ma mère. Elle joue une mère ingérable, incontrôlable, parfois troublée au point d'avoir été prise en charge dans un établissement spécialisé dont elle s'enfuit, évidemment. Son fils, fleuriste, n'a plus les outils pour l'aider et doit se préserver.

franceinfo : Ce film est un regard sur comment gérer les personnes qu'on aime quand elles sont atteintes de troubles et qu'il faut aussi apprendre à se préserver ?

Agnès Jaoui : Oui. C'est effectivement l'histoire d'un fils qui a eu besoin de s'éloigner de sa mère pour survivre, tout simplement parce que la maladie mentale, la maladie de façon générale, touche d'abord la personne qui en souffre, mais évidemment qu'il y a des répercussions sur l'entourage.

"‘La vie de ma mère’ est un film qui peut aussi aider les aidants et tous ceux qui sont autour de ces gens-là."

Agnès Jaoui

à franceinfo

C'est un film qui déculpabilise et montre à quel point c'est compliqué pour tout le monde.

La vie de ma mère raconte aussi ce lien indéfectible entre une mère et son fils. Votre mère était psychothérapeute, elle a introduit en France l'analyse transactionnelle. Que vous a-t-elle transmis et apporté ?

Elle nous transmettait sa passion pour la psychothérapie et je l'ai beaucoup accompagnée dans des congrès d'analyse transactionnelle. Très jeune, j'ai assisté à des groupes de thérapie de Gestalt, j'ai vu des adultes raconter leurs souffrances. Enfin, j'ai vu que derrière l'image sociale, derrière le masque, il y avait aussi des fêlures, des brisures. J'ai vu qu'on pouvait changer aussi et ça, ça m'a énormément apporté.

Vos parents ont tout connu, la libération sexuelle inévitablement, ils ont fui la Tunisie et ont connu les kibboutz. Vous êtes très impactée parce que votre famille a été touchée par l'attaque terroriste en Israël le 7 octobre dernier ?

Oui et Ofer Calderon est toujours retenu en otage par le Hamas.

Vous portez cette mémoire familiale ?

Oui. Et pourtant, ils étaient eux-mêmes déjà en rupture avec un certain traditionalisme juif. On n'allait peu, voire pas, à la synagogue. Mais par contre, il y avait un attachement à Israël, aux valeurs du kibboutz, c'est-à-dire aux valeurs socialistes d'entraide, de justice, de paix. Donc, tout ça, oui, a beaucoup compté pour mon frère Laurent et pour moi-même, bien sûr.

Aujourd'hui, vous travaillez sur votre album. Qu'est-ce que cela représente, un autre rêve qui était inavoué ?

J'avais quand même le rêve, petite fille, de chanter. Je me voyais chanter au kibboutz et faire que la paix en Israël et en Palestine existe. C'est autre chose de chanter, on se cache beaucoup moins et encore moins là, avec pour la première fois des textes que j'écris, qui sortent de moi. C'est fou parce que c'est encore un autre type d'écriture. Là, je dis : Je. C'est très différent. J'aime bien faire des choses différentes.

C'est dur de se livrer ?

Ça l'est un peu moins maintenant parce qu'au fur et à mesure des années, j'ai appris à être un peu plus libre du regard des autres et un peu plus confiante.

Vous êtes devenue une voix féminine très importante. Très longtemps, vous avez dit que vous saviez qu'il fallait dire des choses, mais que personne ne les entendait, donc qu’il fallait hurler pour dire les choses. C'est exactement le message de Judith Godrèche qui dit : "Je parle, mais je ne vous entends pas". Il faut ça pour que ça avance ?

Souvent, on me dit : "Voilà, vous avez plus de 50 ans, vous avez des beaux rôles", je réponds que oui et qu'il y a d'autres actrices, d'autres collègues qui ont aussi cette chance. 

"Plus de 50% de la population des femmes a plus de 50 ans, dans l'audiovisuel, elles sont 7%."

Agnès Jaoui

franceinfo

Depuis 30 ans, je hurle comme d'autres et tout d'un coup, non, ce n'est plus normal pour personne, ça saute aux yeux et notamment à ceux de la nouvelle génération avec des films où on se dit : "Mais la fille a 17 ans et ses amants en ont 60 et ça ne pose de problème à personne" et on se rend compte enfin des choses. Mais il y a plein de réactions en face, il faut réussir à faire qu'on avance main dans la main.

Fière de ce parcours ?

Oui, plutôt, oui.

Retrouvez cette interview en vidéo : 

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