Sujet philo : "Travailler moins est-ce vivre mieux ?"
Un économiste aurait sans doute d’abord relevé que ce sujet semble vouloir opposer deux verbes, "vivre" et "travailler", et deux adverbes, "moins" et "mieux", qui introduisent d’emblée une dose de quantité, de relativité et de subjectivité. On peut d’abord plaider dans un premier temps que pour vivre mieux, l’Homme a du au fil de l’Histoire s’extirper du travail, se libérer de l’esclavage, de l’asservissement, de l’exploitation du travail. Il fut un temps où l’Homme s’est littéralement tué à la tâche. Il fallut attendre le XIXème siècle pour que le temps de travail commence à être encadré : la loi des 10 heures en 1848, la journée de 8 heures dans les mines en 1905, puis les 40 heures avec le Front populaire dont on fête ce printemps-ci le 80ème anniversaire, les 39 heures de Mitterrand, et les 35 heures de Jospin ont symbolisé l’histoire des luttes sociales, et pas seulement en France. Il faut ajouter que le travail génère encore d’importantes inégalités en terme d’espérance de vie. On sait par exemple, qu’un ouvrier vivra en moyenne 6 ans de moins qu’un cadre. Donc dans de nombreux cas, oui, travailler moins, c’est vivre mieux, et c’est en tout cas vivre plus longtemps.
Travailler, c’est s’émanciper
C’est donc ma seconde partie, ou mon antithèse, tant l’histoire du travail est aussi celle de l’émancipation de l’être humain. Travailler, c’est s’émanciper de sa condition, c’est conquérir son autonomie, choisir son destin, construire la réalisation de soi et s épanouir. L’arrivée massive des femmes sur le marché du travail a ainsi constitué l’une des grandes révolutions du XXème siècle, par le travail, les femmes ont conquis leur indépendance, leur autonomie, leur liberté, leur place dans la société. Il y a donc pire dans la vie que de travailler, c’est de ne pas travailler. Dans nos sociétés hantées par la crise et le chômage de masse, la question du travail est devenue la première revendication.
Le travail, c’est aussi une question très politique et culturelle
L'actualité nous montre que plusieurs conceptions s’opposent. En Allemagne, ou au Royaume-Uni par exemple, tout vaut mieux pour être heureux que le chômage et l’inactivité, y compris des "petits boulots", mal payés et souvent précaires, parce que travailler, même dans ces conditions, c’est garder un lien social, c’est être utile, c’est participer à la société, c’est gagner, même péniblement, sa vie et donc créer les conditions d’un avenir meilleur. Alors que ces petits boulots, ces mini-jobs sont en France, globalement rejetés et jugés dégradants et condamnables. Nos sociétés sont à la recherche d’un nouvel équilibre entre le travail qui est en pleine mutation, le temps libre et l’épanouissement. Je terminerai par cette citation de l’écrivain italien Primo Levi, qui, au cours de sa vie avait beaucoup côtoyé le malheur. Primo Lévi disait ceci : "Pour vivre heureux, il faut forcément avoir quelque chose à faire, mais pas quelque chose de trop facile ".
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