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Qui parviendra à faire payer Google ?

En France, en Italie, à Bruxelles, toutes les administrations fiscales sont lancées à la poursuite du géant de l’internet. Mais c’est à Londres que la polémique est la plus vive.
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Franceinfo (Franceinfo)

Oui, c’est une drôle d’histoire que je vous raconte ce matin, une histoire d’arroseur arrosé. Vous savez que depuis la crise, les pays de l’OCDE, et notamment les grands pays européens ont décidé d’employer les grands moyens pour lutter contre l’optimisation fiscale et toutes ces techniques qui permettent aux grandes entreprises, et tout particulièrement à celle de l’internet, d’échapper à l’impôt. L’idée est simple : essayer de leur faire payer des impôts, là où elles réalisent des profits et non dans des paradis fiscaux. Et vendredi dernier à Davos, le chancelier de l’Echiquier britannique, l’équivalent de notre ministre des finances, croît pouvoir faire le malin devant ses collègues et annonce, triomphal, que lui est parvenu à faire plier Google : après dix ans de conflit entre le fisc britannique, le géant de l’internet a signé une sorte de traité de paix. Dans la foulée, le géant confirme et dit qu’il s’engage à verser 130 millions de livres, soit la somme apparemment coquette de 170 millions d’euros. Sur le coup, tout le monde applaudit, et se dit que ces libéraux britanniques ne transigent pas avec la loi, que c’est un bon signal qui devrait permettre d’autres accords ailleurs en Europe. Tout le monde se frotte les mains.

L’affaire a tournée au fiasco

En fait, ce sont les députés britanniques qui se sont emparés du dossier, et ils ont d’abord fait la grimace en réalisant que les modalités précises du compromis passé avec Google ne seraient pas rendues public. Puis ils ont pris leurs calculettes et jugé dérisoire, pour ne pas dire scandaleuse, le montant revendiqué par Google. Des députés ont donc pris la parole aux Communes pour dire leur colère et leur incompréhension : « Pourquoi y a –t-il une règle pour Google et les grandes multinationales et une autres pour les petites entreprises », a lancé le leader travailliste en faisant remarquer qu’avec cet accord, Google ne paierait en fait qu’un taux d’imposition de 3%, alors que les entreprises britanniques, elles, s’acquittent d’un impôt sur les sociétés fixé à 20%. 3% d’un côté, 20 de l’autre. « Insupportable » ont dit ces députés, devant le Chancelier de l’échiquier soudain moins flamboyant.

Cet accord risque d’avoir des répercussions mondiales

Oui, en fait, la mansuétude du fisc britannique à l’égard de Google risque de ruiner les efforts d’autres administrations européennes. En France, Bercy réclamerait plus d’un milliard d’euros à l’entreprise californienne. En Italie, le fisc est aussi engagé dans un bras de fer avec l’entreprise. Mais l’affaire dépasse le seul cas de Google, car toutes les entreprises de l’internet sont peu ou prou dans la même situation. Et si Google obtient une sorte de dérogation ou d’accord à minima, on aura beaucoup de mal à demander aux autres entreprises de ce secteur de s’acquitter normalement de leurs impôts. Au moment où Bruxelles, multiplient les règlements, les bonnes pratiques et impose la transparence aux Etats de l’Union, cette affaire tombe on ne peut plus mal. Cela n’a pas échappé à la député européenne et ancienne juge Eva Joly, qui a demandé ni plus ni moins que la convocation du chancelier britannique devant la commission fiscale du parlement européen. On peut lui faire confiance : l’affaire ne va pas en rester là.

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