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Le décryptage éco. Velib' : pourquoi une start-up va chiper le marché à JCDecaux

Smmovengo, une start-up de Montpellier est sur le point de raffler le marché des Velib' parisiens à JCDecaux. Un changement de main éloquent. 

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une station Vélib' à Paris (ADRIEN MORLENT / AFP)

Une entreprise quasi-inconnue devrait rafler le marché des Vélib' parisiens au géant JCDecaux. C’est une histoire, presque anodine, comme il s’en passe désormais tous les jours, dans les secteurs les plus divers, mais cette histoire-là dit quelque chose de très précis et même d’assez fulgurant sur l’économie telle qu’elle se développe aujourd’hui. C’est l’histoire-même qui nous aide à comprendre l’économie du XXIè siècle.

Alors, rappelons d’abord les faits. Une institution publique qui gère les Vélib à Paris, en l’occurrence le syndicat mixte "AutoLib, Vélib’ Métropole", qui réunit en fait des représentants de Paris et communes limitrophes de la capitale, ainsi que des représentants départements et de la région, cete institution avait lancé un appel d’offres pour le renouvellement du marché des vélos partagés à Paris. Pour ce contrat de quinze ans, le candidat sortant était a priori le grand favori, d’autant qu’il s’agit du groupe JCDecaux, un groupe français qui est aussi un géant mondial, 13 milliards de chiffres d’affaires, 13 000 salariés, présents dans le monde entier, et qui plus est soutenu, dans l’affaire qui nous préoccupe, par deux autres mastodontes, la SNCF et la RATP, voilà qui s’apparente sur le papier à un appel d’offres totalement imperdable.

Un scénario totalement imprévisible

L'autorité compétente, le syndicat mixte en question, a annoncé avoir placé en tête l’offre d’un inconnu, ou plutôt d’une start up quasi inconnue, Smoove, une start-up montpelliéraine de 38 personnes seulement, créée en 2008 par trois frères qui sont d’abord des passionnés de vélos mais qui ont aussi, le sens de l’innovation et de l’entreprenariat. Le syndicat mixte devrait confirmer son choix le 12 avril, mais cela ne fait plus beaucoup de doute, et la victoire inattendue de Smoove ressemble à celle de David contre Golliath. Et elle illustre donc à merveille l’économie d’aujourd’hui.

Accélération et asymétrie 

Trois mots la résument mieux que tout autre : Accélération, asymétrie et interdépendance. Accélération d’abord : nous sommes entrés dans l’ère de l’accélération, une multitude de technologies sont aujourd’hui matures, elles sont disponibles sur le marché, et elles accélèrent de manière spectaculaire les transformations en cours. Dans le cas qui nous occupe, la start-up montpelliéraine a d’abord gagné par ce qu’elle avait su innover et profiter de ces technologies. Elle a inventé entre autre un petit boitier électronique, de géolocalisation, qui rendra désormais le vol de Vélib' quasiment impossible. C’est une prouesse. 2ème mot important, c’est l’asymétrie : aujourd’hui, un tout petit peut avoir la peau d’un très grand, comme le petit Smoove a détrôné le géant JCDecaux sur ce marché emblématique. Et il y a de multiples exemples dans bien des secteurs, nul n’est à l’abri, regardez le mal qu’a fait, par exemple AirBnB qui n’existait pas il y a dix ans, aux géants de l’hôtellerie, ou Uber en quelques années seulement aux taxis traditionnels. Là encore, vous avez ces deux phénomènes clés, l’accélération et l’asymétrie. 

L'interdépendance pour construire une chaîne de valeur 

Le troisième mot-clé qui caractérise l’économie de notre époque, c’est l’interdépendance. Smoove n’a pas gagné seule, la start-up s’est cherchée des alliés, des partenaires, en l’occurrence le numéro un français du parking, Indigo, mais aussi l’un des plus gros vendeurs français de vélos à assistance électrique, le groupe Mobivia. Il a donc construit sa proposition avec d’autres, et c’est aussi une métaphore de nos économies aujourd’hui : les nouveaux produits, les nouveaux objets sont le résultat d’un assemblage dont les éléments peuvent être fabriqués à différents endroit du monde. Ce qu’on appelle la chaîne de valeur est ainsi composée d’éléments multiples produits dans plusieurs pays du monde. Voilà pourquoi nos économies sont bien devenues interdépendantes et qu’une fermeture de nos frontières serait catastrophique pour notre économie et plus encore pour nos emplois. Accélération, asymétrie, interdépendance, on aimerait que tous les candidats à la présidentielle aient en tête ces trois mots. Cela les aiderait sans doute à concevoir des programmes plus adaptés pour développer l’économie française sans se tromper de monde.

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